Quand les prix augmentent, le nombre de mécontents prêts à tout pour éviter le coup d’assommoir augmente proportionnellement. Un constat simple dont les CFF font les frais au gré des hausses de leurs tarifs.
En avril 2023, Alliance SwissPass, qui fixe les prix des CFF et de la branche des transports publics suisses, annonçait des «mesures tarifaires», liées notamment à l’inflation. La même année, le registre national des resquilleurs explosait, avec 920’000 noms. Soit 10,5% de la population Suisse! Et plus du double qu’à la création du répertoire, en 2019. Pour contrecarrer cette fraude en folie, le groupement, qui rassemble 250 entreprises, envisagerait de doubler, voire triper le montant des amendes, informait «20 minutes» début février 2024, reprenant le «Tages-Anzeiger».
«Pas de projet concret»
Actuellement, la première bûche coûte 90 francs, la deuxième, 130 francs, et la troisième 160 francs. En prime, le triple resquilleur est dénoncé à la justice. À terme, les voyageurs qui oublient leur billet une fois devront-ils verser 270 francs aux CFF?
Après vérification par Blick, cette information serait fausse. «La 'volonté' de la branche d’augmenter les prix des suppléments dus par les resquilleurs rapportée par Tamedia (ndlr: éditeur de «20 minutes» et du «Tagi») est exagérée», affirme dans un courriel Floriane Moerch, porte-parole d’Alliance SwissPass pour la Romandie. Elle ajoute, catégorique, que le groupement «n’a pas de projet concret d’augmentation de ces suppléments».
Pas de lien entre hausse des prix et des resquilleurs
Par ailleurs, le groupement de transports publics ne voit pas de corrélation entre la hausse des prix et la constante augmentation du nombre de personnes qui préfèrent tenter le tout pour le tout et montent dans le train sans billet. Le lien est à faire avec un boom global d'utilisateurs.
«Dans les faits, les prix ont augmenté le 10 décembre 2023, après être restés inchangés pendant sept ans», rappelle la communicante. Correct. Mais la hausse des prix a été discutée publiquement depuis avril 2023, année de tous les records en matière de fraude.
Reste aussi que l’offre est en moyenne 3,7% plus chère, désormais. Du côté des CFF, l’abonnement général (AG) adulte, en 2e classe, coûte 3995 francs par an. Il faut débourser 1720 francs pour l’équivalent enfant. Une hausse «indispensable pour assurer la pérennité de tout le système de transports publics suisse», appuie la branche. Mais qui pourrait ne pas calmer les combinards.
La Suisse se serre la ceinture
Alliance SwissPass développe le contexte de ces augmentations. D’une part, l’inflation est pointée du doigt, mise en rapport avec «la hausse des salaires, des intérêts, de la maintenance, de l’énergie et du carburant».
D’autre part, la Confédération s’est «serré la ceinture», en réduisant de 7,8% les moyens alloués au trafic régional voyageurs en 2024. Les usagers, en payant des abos et des billets, financent la moitié du trafic régional. Pour maintenir un équilibre, la hausse était inévitable, résume le groupement.
Aide publique pour le climat
Est-on vraiment obligé de saler l’addition? En Autriche, le gouvernement fédéral investit chaque année 500 millions pour proposer aux usagers un «Klimaticket», ou billet climat, à environ 1000 francs par an. Un équivalent de l’AG, au nom évocateur des volontés du gouvernement d’encourager les transports en commun au détriment de la voiture.
Quel mot d’ordre donne la Suisse au secteur des transports? Est-il possible d’imaginer un jour un financement d’un billet similaire au «Klimaticket»? Alliance SwissPass botte en touche, et redirige vers l’Office fédéral des transports.
Tarifs bientôt fixés par Monsieur Prix?
Floriane Moerch soutient que la branche «est consciente du rôle qu’elle a à jouer», et multiplie les offres, comme un «Abo Night» à moins de 100 francs par an pour les jeunes de moins de 25 ans qui voyagent après 19h (anciennement voie 7). Ou des lignes directes pour les skieurs. La porte-parole souligne en outre que «la hausse des prix effectuée, de 3,7% est largement inférieure à celle d’autres branches».
Quant à savoir si l’AG à presque 4000 francs est sensé, à une époque d’engagements climatiques, la réponse n’est pas entre les mains d’Alliance SwissPass. «La problématique que vous soulevez va plus loin et relève davantage de politique nationale que de la compétence opérationnelle des entreprises de transport», indique la porte-parole romande.
Le surveillant des prix de la Confédération, Stefan Meierhaus, a pris part aux pourparlers de la branche, et milité pour limiter la hausse à 3,7%. Si de nouvelles discussions devaient avoir lieu dans le futur, il pourrait utiliser son droit à fixer un prix, si la branche et les pouvoirs publics échouaient à trouver un accord.