11 septembre 2001. Il est 8h46, 14h46 en Suisse. Breaking news: le monde entier a les yeux rivés sur les images d’une horreur sans précédent. Un avion s’est écrasé sur une des tours du World Trade Center au cœur de New York, le symbole des Etats-Unis. A J-1 des 20 ans de la commémoration de cet événement historique, Blick a contacté des personnalités romandes pour leur demander ce qu'elles faisaient au moment des faits.
Lauriane Gilliéron, l’ex-miss suisse et le rêve américain
«Ça m’a glacé le sang, j’ai fondu en larmes en voyant les gens sauter par les fenêtres». Lauriane Gilliéron, était chez ses parents, à Prilly (VD). Elle était en sport-étude au gymnase et avait congé les après-midis. Elle venait de terminer ses devoirs. «J’étais seule à la maison, je regardais Walker Texas Ranger, et d’un coup, l’image change et je vois une tour où l’avion s’était crashé. J’ai compris que c’était New York. D’un coup je vois le deuxième avion dans la seconde tour, j’ai ressenti une espèce d’horreur.» Elle s’en rappelle «comme si c’était nous», dit-elle. Paniquée, elle décroche son téléphone pour appeler sa mère, professeure, et lui annonce la terrible nouvelle.
Le 11 septembre, prémices de l’engagement politique de Thomas Wiesel
Il est l’humoriste le plus en vue de Suisse romande. Le Vaudois de 32 ans était sur les bancs de l’école au moment des faits. «J’ai appris la nouvelle lorsque je suis rentré, car j’ai regardé la télévision, alors que je la regardais rarement à l’époque. Je suis resté scotché sur mon écran même si je devais me rendre à l’extérieur pour tourner l’antenne afin de capter les ondes de la télévision.» Thomas Wiesel était avec son frère et sa sœur dans la maison familiale, même si ces derniers étaient moins intéressés par l’attaque terroriste.
L’après-11 septembre a changé son regard, il a fait évoluer ses réflexions. En particulier au sujet des invasions menées par les Etats-Unis en Afghanistan et Irak. «Nous étions anti-Américains durant des années, ensuite ils ont eu un sursis avec les attentats en endossant le rôle de victimes. Aujourd’hui, on paie le prix fort de leur politique internationale».
Céline Vara, spectatrice impuissante
«J’étais vraiment jeune. j’avais 16 ans. Je suis issue d’une famille monoparentale et j’étais seule à la maison. Je me revois sur le canapé regarder ces images apocalyptiques.» La Verte, surdouée de la politique à Neuchâtel et élue au Conseil des Etats, était figée au moment des attaques. Elle s’est sentie comme une spectatrice impuissante face à au terrorisme. Elle remonte dans le temps et se souvient que le thème de la guerre avait été abordé à l’école, mais d’une manière «distante». Seules des bribes de ses grands-parents sur la 2ème guerre mondiale ont pu forger ses idées sur le sujet.
Elle raconte que sa crainte à l’époque était de voir des terroristes arriver sur le sol suisse. Le pays a été épargné mais nos voisin français ont, eux, vécu des pages sombres avec les attentats de Charlie Hebdo et ceux du 13 novembre dont le procès se déroule en ce moment.
Jean Ziegler, acteur international contre la faim dans le monde
Ancien rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation du Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies, Bernois d’origine, Jean Ziegler s’en souvient en détail. «J’étais dans le train Genève-Zurich pour une conférence de présentation de mon énième livre au sujet de la destruction massive de la géopolitique de la faim. J’étais en face d'un homme qui recevait des messages par dizaines. Un employé d’une très grande banque de la place genevoise. Je l’avais déjà croisé, il me prenait de haut, mais d’un coup, bouleversé, il s’est ouvert à moi.»
Arrivé à Zurich, Jean Ziegler nous raconte que c’était le calme plat. Plus de pendulaires, pas une personne à la gare. Peu après, «durant ma conférence à Zurich, il y avait une tension totale. Tout le monde était sur son téléphone. L’ambiance était “diffuse”. Nos sentiments étaient teintés d’angoisses, d’horreurs et de compassions profondes».
Le célèbre sociologue n’est pas optimiste quant à l’avenir. «Le monde est devenu plus dangereux et le terrorisme s’est installé en Europe». Les kamikazes du 11 septembre étaient « des pilotes formés à l’assassinat».
Mélanie Chappuis à la recherche d’un regard inédit
Romancière, dramaturge, chroniqueuse et journaliste, Mélanie Chappuis a vécu durant quelques années à New York. Son souvenir du 11 septembre 2001: «L’’incrédulité a fait que j’ai d’abord réagi avec le côté intellectuel, professionnel», assure-t-elle à Blick. Les faits se sont produits lors de son deuxième jour de travail à la «Tribune de Genève». Les chaînes de télévision étaient diffusées en continu au sein de la rédaction. Les images sont d’une rare violence, la journaliste n’a qu’une question en tête: comment raconter les attentats d’une manière détournée sous un angle inédit? Une question vaine, puisqu'elle est finalement envoyée par sa hiérarchie à une conférence de presse bien plus proche du jet d’eau du bout du Léman que des buildings de Manhattan.
«J’étudiais l’histoire contemporaine à l’époque, cela a accentué mon envie de comprendre comment nous en sommes arrivés là, raconte-t-elle. Je n’ai pas eu peur, mais j'étais très triste. Je me demandais d’où venait cette haine de l’occident. Se positionner était difficile. J’ai réfléchi à la nuance pour ne pas laisser place à la haine.»
Monseigneur Morerod et la crainte du monde d’après
Monseigneur Charles Morerod, 59 ans et originaire de Riaz (FR), est l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Il était en Amérique latine lorsque les avions ont percuté les tours du World Trade Center. «Je regardais la TV avec un groupe d’Argentins. Nous étions tous assez tétanisés», souffle-t-il.
Le drame ne l’a pas laissé de marbre. Il se questionne, il a des doutes: «Je craignais d’autres attentats, sans savoir où ils pourraient survenir, se remémore-t-il. Un peu après, j’ai craint une chaîne de représailles réciproques. Puis, j’ai médité sur le fait que Jésus prêche le pardon et l’amour des ennemis. Au bout du compte, c’est la vraie alternative à une guerre à rebondissements».
Lisa Mazzone... faisait de l'accrobranches
La conseillère aux Etats écologiste Lisa Mazzone était en classe verte dans le Jura au moment où les images spectaculaires de l’attaque terroriste parvenaient en Europe.
N’ayant pas de télévision dans le domicile familial, la Genevoise s’est rendue — une habitude — chez ses grands-parents. «On n’arrivait pas à croire ce qui était en train de se passer. J’étais sidérée». La soirée a été prolongée pour tenter de comprendre minute par minute les événements. Aujourd’hui maman de deux enfants et en congé maternité, l’élue avait 14 ans le 11 septembre 2001: «À cet âge-là, on n’a pas une image très nette de la réalité géopolitique”.
Pierrick Destraz et son père Henri Dès «horrifiés»
«Je suis resté scotché sur ma radio pendant environ 2 heures, lâche Pierrick Destraz. J’ai suivi ces événements, abasourdi.». L’alerte a été donnée par sa grand-mère. Le fils d’Henri Dès, l’idole des petits Romands, avait 31 ans à l’époque. Il était alors le responsable d’une entreprise de partition de musique et se trouvait dans son bureau. “Sur le moment, tout était confu. On ne pensait pas que c’était un acte terroriste, c’était surréaliste”. Selon lui, les tours du World Trade Center étaient le “symbole” des Etats-Unis, celui du “capitalisme”.
Pendant que les médias livraient les informations en direct, il était en contact avec son père. Tous deux étaient “horrifiés”. Les échanges ont duré toute la soirée.
Le “dégoût” du Valaisan Christophe Darbellay
Le 11 septembre, Christophe Darbellay marchait dans les rues de Berne en milieu d’après-midi. Subitement, le téléphone du Valaisan a commencé à chauffer comme rarement. Le cinquantenaire, ex-président du PDC Suisse désormais conseiller d’Etat, devait alors se rendre à un apéritif. Ses souvenirs sont vagues tant les événements l’ont marqué. Au moment des attentats, l’élu se souvient avoir été animé par un sentiment de “choc et de tristesse”. “Je trouve désespérant ce que l’homme est capable de faire. Nous n’étions plus à l’époque d’Hitler, je ne comprends toujours pas”.
René Prêtre, du Jura à Manhattan
René Prêtre, le célèbre chirurgien natif de Boncourt (JU), a travaillé dans un hôpital à New-York à quelques centaines de mètres du World Trade Center à la fin des années 1980. « Après avoir vu les images des avions, je me suis demandé s’il s’agissait d’un film hollywoodien, un de ceux où, à la fin, Bruce Willis arrange tout, raconte à Blick le spécialiste du cœur. Sauf que cette fois-ci, j’ai vite compris que c’était la réalité».
Élu Suisse de l’année en 2009 par SRF, l’homme de 64 ans avait gardé de précieux liens avec ses confrères de New-York. Il a néanmoins attendu trois jours avant de les appeler pour prendre des nouvelles. «Le monde a vacillé. Plus personne ne pouvait prédire l’avenir. Le spectre d’une nouvelle guerre mondiale se profilait.»