En ce jour d'été 2023, Josua*, 14 ans, a peur. Depuis peu, il fréquente une nouvelle école à Zurich. Et les propos d'un camarade de classe musulman font froid dans le dos: «Quand les cours seront terminés, je te donnerai dix secondes pour courir – et tu seras mort», lui écrit-il.
Josua le sait, la raison de cette menace est sa religion. Juif, ses parents sont originaires d'Israël. Mais depuis cinq ans, la famille vit en Suisse. Saisit de panique, Josua a appelé son père à la rescousse. Désormais, des enseignants l'accompagnent à l'arrêt de tram pour qu'il puisse rentrer chez lui en toute sécurité. Le garçon qui a proféré la menace (et qui l'a même attendu devant l'école) a 15 ans. Il se dit partisan du Hamas et regarde régulièrement des vidéos de propagande terroriste sur Internet.
Tout comme lui, A. H.** a aussi 15 ans et regarde des contenus de propagande islamiste. Il y a quelques jours, il a poignardé à 15 reprises un juif orthodoxe dans le quartier de Selnau, à Zurich. La victime, père de famille de 50 ans, a survécu de justesse. L'adolescent avait juré fidélité à l'Etat islamique (EI) et annoncé dans une vidéo vouloir tuer «autant de juifs que possible». Il a été placé en détention provisoire.
Cette attaque a déclenché un débat sur la radicalisation en ligne et sur les limites du droit pénal des mineurs. Le conseiller d'Etat zurichois sans parti Mario Fehr a demandé que l'auteur soit déchu de sa nationalité suisse.
L'école ne ferait pas assez d'efforts
Quant à Josua, il continue d'aller en cours après les menaces de l'été dernier. Elles en sont heureusement restées là dans son cas. Mais certains de ses camarades lui aurait fait comprendre qu'ils étaient «du côté des Palestiniens». Après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, les parents ont donc retiré leur fils de l'établissement privé. «Malheureusement, nous ne sommes pas allés voir la police», explique aujourd'hui le père de Josua. Il le regrette. Selon lui, l'école n'aurait pas fourni suffisamment d'efforts.
La directrice voit les choses différemment. Elle confirme certes l'incident et déclare même: «L'agression était clairement motivée par l'antisémitisme.» Mais elle souligne aussi que des discussions «intensives» ont eu lieu ensuite avec les parents et les enfants. L'élève musulman s'est excusé auprès de Josua.
L'antisémitisme est par ailleurs un thème récurrent dans les cours d'école – ce que la directrice qualifie de «très éprouvant»: «De nombreux élèves ont acquis des demi-connaissances sur le conflit au Proche-Orient par les réseaux sociaux», alerte-t-elle.
La journée sportive a été annulée
Il faut dire que les menaces similaires à celles reçues par Josua sont nombreuses. L'escalade au Proche-Orient a entraîné une série d'incidents antisémites dans les écoles. Nombre d'entre eux ont eu pour conséquence que des élèves juifs ont dû changer de classe, voire d'école.
Blick a eu connaissance de cas dans plusieurs cantons. En décembre, par exemple, un conflit a dégénéré dans une école primaire publique de Zurich. Une journée sportive a dû être annulée parce que l'ambiance entre les élèves était surchauffée. Une jeune fille juive a été victime de harcèlement massif.
Marc Caprez, porte-parole du service des écoles et du sport de la ville, confirme l'incident. Il a été traité en collaboration avec le Service de prévention de la violence, le Service de la jeunesse, de la police municipale et d'autres spécialistes: «La direction de l'école a réagi de manière exemplaire», indique-t-il. Il n'a pas connaissance d'autres agressions similaires.
La semaine dernière, un groupe de parents juifs bernois a averti que les écoles devenaient un foyer d'antisémitisme. Comme l'ont rapporté les journaux de Tamedia, ils ont demandé par écrit à la ville de Berne de renforcer son engagement contre l'hostilité envers les juifs. Les incidents antisémites dans les écoles auraient atteint une «ampleur sans précédent».
«Israël doit mourir», criaient les élèves
Un rapport de l'organisation romande Cicad parvient à la même conclusion. Dans certaines cours de récréation, «juif» serait devenu une insulte. Sur les groupes WhatsApp, les blagues sur Hitler et le Troisième Reich seraient monnaie courante. Dans une cour romande, des élèves ont même scandé «Israël doit mourir».
S'agit-il de cas isolés ou les écoles suisses ont-elles un problème d'antisémitisme? Jonathan Kreutner, secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) l'affirme: «On nous a signalé de nombreuses insultes antisémites et un véritable harcèlement à l'encontre d'élèves juifs et israéliens.»
Depuis le 7 octobre, le problème s'est «massivement aggravé». Les juifs et les juives seraient rendus responsables «en bloc» et «de manière totalement injustifiée» de la guerre à Gaza dans les écoles. La FSCI part du principe que le nombre de cas non recensés est élevé. A Bâle-Ville, 15 incidents antisémites ont été signalés dans des écoles depuis le massacre du Hamas. Il s'agit de provocations, d'insultes et de slogans antisémites, explique Gaudenz Wacker, porte-parole au Département de l'éducation.
Apprendre aux enfants à résoudre les conflits
En revanche, les directions de l'éducation des cantons d'Argovie et de Saint-Gall n'ont pas connaissance d'incidents antisémites liés à l'escalade au Proche-Orient. En Argovie, on estime que la problématique est faible, comme l'écrit Philipp Grolimund, coprésident de l'association des directeurs d'école. Le canton de Berne ne veut pas s'exprimer sur le nombre d'incidents et une éventuelle augmentation.
Thomas Minder, président des directeurs d'école suisses, constate: «D'une manière générale, les écoles ne sont pas plus un environnement sans violence que les clubs de sport ou d'autres lieux où de nombreuses personnes se rencontrent.» L'antisémitisme n'est qu'un aspect de la xénophobie, qui n'est qu'une partie de l'intolérance.
«A l'école, il s'agit en premier lieu d'inculquer la tolérance comme valeur aux élèves», poursuit Thomas Minder. On essaie d'enseigner aux enfants, dès leur plus jeune âge, des instruments et des méthodes pour pouvoir résoudre les conflits de manière constructive et durable. «Souvent, cela réussit.»
Jonathan Kreutner, de la Fédération des communautés israélites, estime qu'il est important que la Confédération et les cantons soutiennent l'engagement de la société civile et investissent dans la prévention. Pour lui, il est clair que «la tolérance zéro doit prévaloir dans les écoles en cas de harcèlement et de violence antisémites». Les agresseurs doivent subir des conséquences tangibles. Ce ne sont pas les victimes qui devraient quitter l'école, mais les auteurs.
*Nom modifié **Nom connu de la rédaction