Pendant près de 20 ans, ces trois géants se sont quasiment tout partagé. Et ils dominent de la tête et des épaules les statistiques, à commencer par celles des victoires en Grand Chelem: 20 pour le Suisse, 22 pour l'Espagnol et 24 - à ce stade - pour le Serbe. Le quatrième, Pete Sampras, ne compte «que» 14 trophées majeurs.
Les trois ont aussi le plus grand nombre de succès en Masters 1000 (40 pour Djokovic, 36 pour Nadal, 28 pour Federer, le suivant étant Andre Agassi avec 17). Le Serbe est en tête au nombre de semaines passées à la première place mondiale (428) devant le Suisse (310), le Majorquin ne pointant qu'au 6e rang (209). Au nombre total de titres, les 109 de Jimmy Connors ont des chances de rester inégalés, mais les trois comparses suivent avec 103 pour Federer, 99 pour Djokovic et 92 pour Nadal.
Durant ces deux décennies qui seront sans doute considérées comme un âge d'or par les historiens du sport, il y a eu pas moins de 60 Nadal-Djokovic, le match le plus joué de toute l'histoire du tennis (31-29 pour le Serbe), 50 Djokovic-Federer (27-23 pour «Djoko") et 40 Federer-Nadal (24-16 pour «Rafa").
Qui est le meilleur?
Des trois, qui est le meilleur? C'est l'affaire du «GOAT» (Greatest of all time en anglais, soit le meilleur de tous les temps), qui n'a pas fini d'alimenter les conversations entre passionnés. Chacun à ses arguments. Les partisans de Nadal soulignent qu'il a le dessus sur les deux autres en finales de Grand Chelem (5-4 contre Djokovic et 6-3 contre Federer, le Serbe dominant le Suisse 4-1). Ceux de Federer affirment que c'est lui qui a apporté le plus au tennis grâce à son jeu offensif.
Mais les critiques du Bâlois remarquent que, étant le plus âgé (né en 1981, Nadal en 1986 et Djokovic en 1987), il a commencé son parcours avant les deux autres et a pu garnir son armoire à trophées face à des adversaires qui n'ont plus existé une fois le «Big Three» installé (comme Mark Philippoussis, Lleyton Hewitt, Andy Roddick ou Fernando Gonzalez).
Ceux du Majorquin soulignent le déséquilibre de son bilan, dont la taille repose sur sa supériorité sur terre battue (14 Roland-Garros sur 22 titres du Grand Chelem, 26 Masters 1000 sur 36, 63 titres sur 92 au total sur sa surface préférée).
Djokovic s'impose comme le No 1 en chiffres: il est en tête dans les confrontations directes; il est le seul à posséder la collection complète des neuf Masters 1000 - en plus de celle des quatre trophées du Grand Chelem comme ses deux rivaux -; et il a gagné le Masters à sept reprises, un record. Son 24e titre majeur, à l'US Open 2023, a selon certains mis fin au débat. Il y a ajouté l'or olympique tant convoité à Paris cet été.
Matches de légende
Étant le plus jeune et pas le plus précoce, le Serbe a dû affronter la concurrence des deux autres à leur meilleur niveau pour bâtir la majeure partie de son palmarès. Lorsqu'il a été sacré pour la première fois en 2008 à l'Open d'Australie, Federer avait déjà 12 titres au compteur et Nadal 3. Quand il en a ajouté un deuxième, toujours en Australie en 2011, Federer était à 16 et Nadal à 9. Depuis cette date, la domination du Serbe est écrasante: 22 titres contre 12 à Nadal et 4 à Federer.
La rivalité Federer-Nadal est celle qui a suscité le plus de passion, peut-être parce que Djokovic s'est immiscé dans la lutte plus tard. Mais parmi les 150 matches entre ces trois champions, dont 23 finales de Grand Chelem, il y a eu des duels de légende dans les trois sens: le Djokovic-Federer de la finale de Wimbledon 2019 gagné par le Serbe dans un interminable cinquième set (13-12, après deux balles de match manquées par le Suisse), la finale de l'Open d'Australie 2012 arrachée en près de six heures par Djokovic contre Nadal, et bien sûr le célèbre Federer-Nadal de 2008 à Wimbledon remporté par le Majorquin à la tombée de la nuit, le plus grand match de l'histoire pour beaucoup.
La cote d'amour, elle, ne s'exprime pas en chiffres. Djokovic n'arrivera certainement jamais à refaire son retard, malgré ses tentatives de séduction. Si Nadal a rassemblé une nombreuse «aficion» bien au-delà de son pays, c'est bien Federer, et son jeu à hauts risques, qui reste le plus acclamé aux quatre coins du monde.