Jusqu’en 2015, l’ancien stade Gurzelen était le temple du football du FC Bienne. Aujourd’hui, c’est un lieu de rencontre pour le voisinage au milieu de la ville. «Un espace libre pour la créativité, la culture et le sport, ouvert à tous», peut-on lire sur la page d’accueil de leur site. Et c’est exactement ce que propose le «Tennis Champagne», intégré au «Terrain Gurzelen» avec deux courts en herbe dans le coin de l’ancien terrain de football.
Lorsque l’on pense aux courts de tennis sur gazon, Wimbledon vient inévitablement en tête. Et des mots-clés comme «élite», «noble», «tradition». Et Roger Federer. «Nous ne le mettrions pas non plus dehors», sourit Rémy Studer, l’un des pères fondateurs de la Mecque de la pelouse alternative à Bienne. Mais Roger Federer n’a jamais foulé le gazon bernois. «Je suppose que ce n’est pas son environnement. Ici, peu importe qui vous êtes ou quel type de sport vous pratiquez. Tout le monde est traité de la même façon.»
Peut-être sous-estime-t-il un peu l’ouverture d’esprit et le côté terre-à-terre de la superstar suisse. Mais à première vue, ce projet tennistique lancé en 2017, dans lequel Rémy Studer et ses co-initiateurs Matthias Rutishauser, Hari Strub, Manuel Engel et Steven Grütter mettent bénévolement la majeure partie de leur temps libre, semble effectivement trop «alternatif» pour Roger Federer.
La pelouse de la Gurzelen également sacrée
Les mauvaises herbes se frayent un chemin à travers les anciennes tribunes du stade, où se déroulent occasionnellement des concerts de rock. Tout en haut, un long toboggan pour enfants mène directement au milieu des débris. Du maïs, du piment et d’autres légumes bio poussent sur son long côté. Derrière les gradins se trouve une grande aire de jeux avec des équipements rouillés. Seule une petite clôture à moutons sépare les courts du chaos créatif qui les entoure. «Nous l’avons installé afin d’empêcher les chiens qui ne peuvent pas être contrôlés par leurs maîtres d’entrer sur le terrain», explique Rémy Studer.
La pelouse sacrée du stade Gurzelen se détache comme un bijou au milieu de cette zone alternative. «L’herbe est coupée à exactement 9 millimètres», affirme Hari Strub, en le prouvant à l’aide d’une jauge de coupe spéciale qu’il sort du hangar en bois abritant ses tondeuses à gazon et autres stocks de sacs de graines, d’engrais, de sable et de terre.
Hari Strub est l’un des gardiens du terrain. Les «groundsman», comme on les appelle dans les travées de Wimbledon. Et il prend son travail très au sérieux. Pour approfondir leurs connaissances sur l’état et l’entretien du gazon, les hippies du tennis du stade Gurzelen se sont même rendus à Wimbledon il y a deux ans et ont discuté avec le gardien des lieux. «Une expérience impressionnante», relèvent-ils tous.
L’urine utilisée comme engrais
Mis à part le vert luxuriant et l’adresse mélodieuse «Allée de la Champagne 2», rien ici ne rappelle l’élégant «All England Lawn Tennis Club», où la compétition vient de débuter. Ici, on ne sirote pas de Pimm’s et on ne consomme pas de fraises à la crème. On y sert de la bière et, le week-end, de la nourriture érythréenne provenant de la cuisine ouverte.
Un tour du terrain révèle une vieille remorque de bus comme salon intérieur, une haute terrasse en bois comme loge VIP et un autre hangar utilisé comme vestiaire où sont conservées les chaussures de location. Il y a aussi une douche cachée derrière une bâche par un tuyau d’eau, un mur sur lequel les graffeurs peuvent se défouler et une cabine de toilettes en bois fabriquée par les fondateurs eux-mêmes. Le mot «pipi» est écrit en grosses lettres. Ici, l’or jaune a une valeur particulière: l’urine est collectée dans trois récipients en plastique et, après traitement, est diluée et utilisée comme engrais à la Gurzelen.
Les idées pour jouer la carte de la durabilité ne manquent pas au club de tennis. «Pas une planche, pas un clou n’a été acheté ici, tout est fabriqué par nos soins à partir d’anciennes pièces du stade», précise Rémy Studer. Amusé, il montre du doigt les anciens panneaux publicitaires Eternit du terrain de football, qui ont été découverts après le démontage des nouveaux panneaux et qui bordent également les courts de tennis. «À l’époque, on avait encore le droit de faire de la publicité pour l’alcool et les cigarettes lors des événements sportifs. C’est un panneau emblématique», précise-t-il. Il a été particulièrement apprécié et pris en photo de nombreuses fois par les clients des courts.
Les pros du tennis suisse sont des habitués
Le club compte environ soixante membres actifs, vingt passifs et des mécènes grâce auxquels il est financé. «Les coûts varient entre 250 et 350 francs par saison, en fonction des revenus, ce qui nous permet de couvrir ceux des matériaux», explique Rémy Studer. Les intéressés qui n’appartiennent pas au club peuvent également courir après la balle du mercredi (réservé aux enfants) au dimanche. Trente francs le prix du court et cinq de plus si vous souhaitez louer de bonnes chaussures. Les deux autres jours de la semaine, l’herbe doit se reposer.
Et même les professionnels profitent de cette opportunité rare en Suisse. Les Français Gilles Simon et Pierre-Hugues Herbert, la Russe Vera Zvonareva et des joueurs de tennis suisses s’y sont déjà entraînés pour la saison sur herbe. Dominik Stricker s’est préparé pour Stuttgart avec Marc-Andrea Hüsler à la Gurzelen. Roman Valent, Stéphane Bohli, Simona Waltert sont déjà passés par là, Yves Allegro et Leandro Riedi paient même une cotisation par sympathie pour l’endroit. Le responsable de l’équipe nationale junior, Michael Lammer, vient parfois avec ses jeunes. Et d’ailleurs, ils se parent tous de blanc. Un petit air de Wimbledon dans l’air.