Nous parlons ici d'un homme qui a remporté à neuf reprises l'Open d'Australie. La conquête d'un dixième trophée ferait de lui le seul détenteur du record, tout comme de la marque la plus convoitée du tennis — le nombre de victoires en Grand Chelem (21 en cas de succès), devant Roger Federer et Rafael Nadal. Le conditionnel est de mise: une participation de Novak Djokovic au premier «Major» de la saison semble plus que compromise.
À l'heure d'écrire ces lignes, Novak Djokovic est en quarantaine dans un hôtel délabré de Melbourne. Un scénario improbable pour un No 1 mondial du tennis. Qu'est-il arrivé à ce sportif de premier plan, prophète en son pays? En tentant de passer en force en Australie, le Serbe s'est attiré les foudres d'une nation meurtrie par près de 300 jours d'isolement.
Pendant des mois, Novak Djokovic a laissé le monde s'interroger sur son statut vaccinal. Pas de quoi s'en émouvoir: c'est son choix! Mais il ne suffit pas de poser à côté d'un chariot de bagages en expliquant que l'on se rend à Melbourne grâce à une «autorisation spéciale». Échaudés par le «lockdown» le plus pénible au monde, les Australiens ont bouillonné et rapidement demandé des comptes, forçant le gouvernement et les services d'immigration à sortir du bois.
Thriller ou tragi-comédie?
La donne est claire: «Nole», présumé non-vacciné, doit expliquer comment il a pu obtenir une exemption médicale, au risque de voir son visa être annulé. Ses avocats ont obtenu un délai jusqu'à lundi et communiqué entre-temps que le No 1 mondial avait été testé positif au Covid le 16 décembre dernier. Problème: il a posé sans masque avec des dizaines de personnes, dont des enfants, dès le lendemain...
Le feuilleton va se poursuivre lundi matin à 10h (lundi minuit en Suisse, ndlr.) devant les curieux du monde entier. L'audition du «Djoker» sera en effet retransmise en direct sur internet. On ne sait pas trop s'il s'agit d'un thriller ou d'une tragi-comédie...
En tout cas, Novak Djokovic y a mis du sien pour rajouter à la dramaturgie. Depuis la Serbie, son frère a lu une déclaration du champion de tennis: «Dieu voit tout. La morale et l'éthique sont les étoiles brillantes de l'ascension spirituelle. Ma grâce est spirituelle, la grâce des Australiens est une richesse matérielle.» Pardon? Qui arrive à décrypter? Srdjan, le père de Novak, a renchéri en expliquant que son fils «est la Serbie et la Serbie est Novak», appelant à manifester en faveur de son fils, retenu «prisonnier».
Le regarder se démolir lui-même fait mal
Tout cela est aussi étrange que cela provoque le malaise. Que veut Novak Djokovic? De l'attention? Des encouragements? Du respect? Plus rien du tout? Lui qui s'est souvent ému de ne pas être aussi populaire que Rafael Nadal ou Roger Federer, courtisant l'amour du public, aurait-il abdiqué?
Un proverbe dit: «Une fois sa réputation ruinée, on vit sans gêne.» Djokovic est peut-être dans cette perspective. Ce n'est cependant pas la première fois qu'il se distingue. Il y a quelques années, il s'était rapproché d'un gourou, avait rejeté la médecine traditionnelle et expliqué que l'eau pouvait être purifiée par la prière. Le Serbe semble avoir cette fois franchi encore quelques étapes...
Il y a quelque chose de triste à voir un aussi grand champion perdre les pédales. Novak Djokovic est en train de se détruire lui-même, et le prochain épisode va se dérouler sous les yeux du monde entier, en direct sur Microsoft Teams. Qui peut encore croire à un dénouement heureux pour toutes les parties? Peut-être Djokovic lui-même. Mais il nous a habitués à croire à des choses très farfelues.
Personnalité connue outre-Sarine, Steffi Buchli est la rédactrice en chef des sports de Blick.