«Lorsque je le vois skier aujourd'hui, cela me rappelle forcément de sacrés souvenirs.» Rumo Lussi a certes laissé Marco Odermatt voler de ses propres ailes voici une dizaine d'années, mais le souvenir de leur collaboration est toujours bien présent. Il faut dire que le formateur pour les espoirs du canton de Nidwald s'est occupé de la pépite durant cinq années entre 10 et 15 ans, soit entre 2007 et 2012.
«Quand tu t'occupes de jeunes de cet âge, tu dois avoir le rôle d'entraîneur, bien sûr. Mais aussi celui de mentor ou de 'papa' (il fait les guillemets avec les doigts). On veut voir progresser les athlètes, mais on veut surtout veiller à leur bien-être. Notre rôle – car je n'étais pas seul – était de poser les bases pour qu'il puisse ensuite gravir les échelons au sein du cadre de Swiss-Ski.» Mais le mentor insiste pour ne pas tirer la couverture: «Ce qu'il réalise, c'est lui qui l'a fait et personne d'autre. C'est extraordinaire et tout le mérite lui revient.»
Cela paraît étonnant aujourd'hui. Mais l'avènement de Marco Odermatt n'était pas écrit d'avance. «Il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte pour qu'un jeune se développe, poursuit le coach de Suisse centrale. Notre but était de faire en sorte qu'il puisse intégrer les cadres nationaux. Même arriver au Cadre-C ne va pas de soi pour un jeune skieur.»
Rumo Lussi était donc aux premières loges pour voir l'éclosion du talent. On pourrait naïvement croire que Marco Odermatt étalait ses adversaires dès son plus jeune âge. «Pas du tout, rigole-t-il. Il était plus frêle que la concurrence, ce qui l'handicapait. Chez les jeunes, il n'était clairement pas le meilleur.» Mais l'entraîneur en est convaincu: c'est aussi pour cela qu'il est devenu si fort. «Il compensait sa stature par un travail acharné. Là où certains autres rechignaient en salle de force, il était toujours le premier.»
Une envie constante
Ce qui l'étonnait le plus? L'envie constante. «Et l'enthousiasme qu'il mettait à la tâche, appuie-t-il. C'était facile de collaborer avec lui. Il était à la fois très concentré à l'entraînement, mais capable de déconner très rapidement. Je pense que c'est également quelque chose qui l'aide aujourd'hui à décompresser en compétition.»
Aujourd'hui, sa science de la courbe fait merveille. Et c'est peut-être ce qu'il reconnaît le plus entre le Marco d'aujourd'hui et celui de 2007. «Il a toujours eu ce feeling inné, apprécie-t-il. Son toucher de neige lui permettait de creuser de sacrés écarts. Comme aujourd'hui, en un sens. On a l'impression que la courbe est la même qu'un adversaire, mais il a gagné une demie seconde par rapport à ses adversaires. C'est fou.»
Rumo Lussi aime utiliser le terme d'intuition pour évoquer son ancien poulain: «C'est ce flair qui lui permet de se tirer de toutes les situations ou presque. Il ne chutait quasi jamais en étant plus jeune. Pourquoi? Car il a cette capacité à ne jamais subir les événements. Même lorsqu'il est mal pris, il va toujours être capable de garder sa vitesse tout en rattrapant la situation. Ses adversaires doivent souvent donner un coup de frein pour ne pas partir à la faute. Lui, non. Cela fait une autre partie de la différence entre lui et les autres.»
Il est redevenu fan
Et un détail technique lui est également resté. «Il a toujours eu la jambe extérieure qui s'écartait plus que les autres, analyse-t-il. C'est quelque chose qui lui faisait perdre de l'efficacité en étant plus jeune. Ce que je trouve fantastique, c'est que c'est désormais un avantage car il parvient à tailler des courbes comme personne d'autre.
Aujourd'hui, Rumo Lussi ne s'occupe plus au quotidien de Marco Odermatt. «On s'écrit quelques messages, mais il a suffisamment de monde autour de lui, rigole-t-il. Je pense qu'il a bien su s'entourer.» Cela ne l'empêche pas de regarder les courses. Et de vibrer. «L'autre jour lorsqu'il a effectué sa remontée incroyable à Schladming, c'est impossible de regarder la course comme un technicien. Tu redeviens instantanément un fan. Ce qu'il est en train de réaliser, c'est incroyable.»