À Wengen, Vincent Kriechmayr a gagné une descente mais a surtout chuté dans l'estime de nombreux supporters de ski alpin. L'Autrichien a pu s'aligner dans l'Oberland bernois alors même qu'il ne remplissait pas les conditions (de retour de quarantaine, il ne s'y était pas entraîné) et a bénéficié d'une autorisation spéciale de la Fédération internationale de ski (FIS). Cette dernière a contourné ses propres règlements pour lui permettre de faire une manche d'entraînement, le matin même de la première épreuve. Elle a duré... 2 secondes, et de nombreux chefs d'équipes et journalistes ont crié à la mascarade.
Le champion autrichien de 30 ans a alors été autorisé à s'élancer sur le Lauberhorn. Battu vendredi, il s'est ensuite imposé samedi, au nez et à la barbe du héros local, le Bernois Beat Feuz. De quoi déclencher une pluie de sifflets de la part du public oberlandais, lors de la remise des prix.
«L'affaire Kriechmayr» a cela d'ironique que le spécialiste de vitesse a un gros penchant pour la Suisse. L'Autrichien s'entend très bien avec son compère chez Head... Beat Feuz. Il est aussi un fan de hockey sur glace. À ce titre, le champion du monde en titre de descente et de super-G connaît tous les joueurs suisses engagés en NHL.
La preuve? À l'issue du premier entraînement à Kitzbühel, Vincent Kriechmayr a bondi vers l'envoyé spécial de Blick sur la mythique piste autrichienne. «T'as vu Timo Meier? Incroyable ces cinq buts contre Los Angeles!» Le lauréat de Wengen a été ébahi par la performance de l'attaquant appenzellois.
Beat Feuz privé de victoire
Vincent Kriechmayr est loin d'avoir généré le même enthousiasme en Suisse que le 7e meilleur pointeur de la NHL. Infecté au Covid dans son pays natal, l'Autrichien est arrivé trop tard à Wengen pour prendre part aux deux entraînements organisés sur la piste du Lauberhorn.
Repêché grâce à ce décrié simulacre d'entraînement, Vincent Kriechmayr a été copieusement sifflé et même insulté par le public de l'Oberland bernois. Comment a-t-il vécu cette expérience peu enviée? «J'ai été contrarié, c'est sûr, explique le skieur originaire de Linz. Ce n'est pas moi qui ai décidé que je pouvais skier à Wengen: ma fédération a fait une demande et le jury l'a acceptée. N'importe quel autre coureur aurait aussi pris le départ dans ces conditions!»
Le lauréat de la deuxième descente a payé au prix fort sa victoire, acquise juste devant le régional de l'étape, Beat Feuz. «Lorsque j'ai terminé 12e de la première descente du Lauberhorn, plus personne n'a parlé de moi et des conditions de ma participation. Mais après ma victoire, tout cela a donné lieu à un nouveau scandale...»
«Le vrai scandale, c'est le manque de sécurité»
Ce n'est pas vraiment l'hostilité du public (dopé à l'émotion) qui a touché Vincent Kriechmayr, mais plutôt certaines réactions, notamment de la part de la fédération suisse et de l'équipe rouge à croix blanche. «On a évoqué l'un des plus grands scandales de l'histoire de la Coupe du monde. Je trouve cela très violent, surtout à la lueur de terribles failles de sécurité qui ont pu subvenir par le passé», s'étrangle l'Autrichien.
«Vinc'» fait d'ailleurs un raccourci avec un Suisse: «En 2001, à Val d'Isère, Silvano Beltrametti s'est retrouvé en fauteuil roulant, paraplégique alors qu'il était promis à une magnifique carrière. Tout cela parce qu'un filet de sécurité n'a pas réussi à l'empêcher de terminer dans une forêt. Vingt ans plus tard, Nicole Schmidhofer a également fini dans la forêt de Val d'Isère. Pour moi, le vrai scandale est là. Qu'une autorisation de départ fasse plus de vagues que le manque de sécurité me met hors de moi.»
Un sentiment forcément accru par la mésaventure de sa compagne: au moment même où Kriechmayr montait sur le podium à Wengen, Michaela Heider était héliportée vers un hôpital, un genou brisé après une chute contre un filet de sécurité à Zauchensee (Aut).
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Malgré ces déclarations plutôt piquantes, Vincent Kriechmayr veut désormais tourner la page. La compétition va bien sûr l'aider à passer à autre chose, puisque deux autres descentes sont prévues ce week-end, sur la mythique Streif de Kitzbühel (vendredi et dimanche). Une chose est certaine: le héros national autrichien n'y sera pas sifflé.
(Adaptation par Adrien Schnarrenberger et Yvan Mulone)