Les JO de Paris approchent à grands pas. Alors que l'organisation de l'événement sportif le plus attendu de l'année rencontre encore des soucis d'organisation, des bruits courent selon lesquels la capitale française ne serait ni prête ni vraiment envieuse d'accueillir les Jeux cet été, notamment pour des raisons financières.
Il n'en reste que dans quelques mois, les athlètes du monde entier poseront leurs valises dans la ville lumière pour donner le meilleur d'eux même et décrocher une médaille. Paris sera-t-elle à la hauteur de la détermination des sportifs? Comment se passent les derniers préparatifs de l'événement? Quel est le degré de danger terroriste? La correspondante de la SRF à Paris Mirjam Mathis donne sa vision du tableau. Interview.
Quatre mois avant le début des Jeux olympiques de Paris, qu'est-ce qui prédomine? L'impatience ou la peur?
On ne ressent pas encore d'euphorie ou de joie olympique ici. C'est plutôt l'inquiétude et le mécontentement qui dominent.
Quelles sont les principales préoccupations des gens sur place?
Elles concernent notamment la sécurité, le chaos redouté dans les transports, ou encore l'augmentation probable des prix dans tous les domaines.
Les organisateurs cherchent désespérément des agents de sécurité privés. On dit qu'il manque encore environ 20'000 personnes dans ce domaine.
Oui, c'est un grand sujet. L'association des agents de sécurité privée parle même d'une pénurie bien plus importante. Sans compter les Jeux olympiques, il manquerait déjà environ 20'000 agents de sécurité en France. Et pour les Jeux, il faudrait encore 25'000 agents de sécurité privés supplémentaires.
Qui va être recruté pour palier ce phénomène?
Des étudiants, des chômeurs, et depuis peu... des retraités. La condition est qu'ils doivent avoir plus de 18 ans. Les personnes intéressées reçoivent une formation de trois semaines. La question est de savoir comment on peut faire une sélection sérieuse en raison de l'énorme manque de personnel.
On recherche aussi beaucoup de femmes, car les hommes ne sont pas autorisés à fouiller les femmes au corps. Y a-t-il suffisamment de volontaires fémninines inscrites?
Non. Mais le recrutement des hommes est aussi un problème...
Les enjeux liés aux JO existent aussi pour les forces de l'ordre. Pourquoi ce mécontentement au sein de la police?
Parce qu'une interdiction générale de prendre des vacances a été prononcée pour la police pendant les Jeux olympiques et paralympiques, alors qu'il y a des vacances scolaires à cette période. Beaucoup de gens sont donc directement concernés par cette mesure. Chaque policier reçoit tout de même une prime spéciale de 1000 à 1900 euros en compensation, selon le lieu d'intervention.
Quel est le rôle de l'armée dans le dispositif de sécurité des Jeux?
Actuellement, 10'000 soldats sont prévus pour être basés dans l'est de Paris. Mais ce nombre devrait encore augmenter.
La cérémonie d'ouverture fait l'objet de vives discussions. Pour la première fois, elle ne se déroulera pas dans un stade de taille raisonnable, mais sur et le long de la Seine. Sécuriser une zone de 6 kilomètres est plus compliqué que de sécuriser un stade. Pourquoi prendre ce risque supplémentaire?
Paris accueille à nouveau les Jeux olympiques après un siècle d'absence. La ville veut offrir au monde et à sa population un spectacle unique et grandiose. L'idée de la cérémonie d'ouverture sur la Seine est assez folle, mais elle fournira certainement des images fantastiques. L'objectif est de placer les sites historiques, les monuments de Paris, au centre de l'attention. Les rencontres de beach-volley se dérouleront par exemple devant la Tour Eiffel, tandis que la lutte aura lieu au Grand Palais.
Cette cérémonie d'ouverture est-elle responsable au vu de la situation sécuritaire tendue?
Les défis pour les organisateurs sont énormes. Et les plans sont déjà adaptés. Ce ne sont plus 600'000 spectateurs qui seront admis comme prévu, mais seulement 300'000. D'ailleurs, les billets pour la cérémonie coûtent déjà jusqu'à 2500 euros. Et les billets gratuits promis à la population n'ont pas encore pu être réservés.
Le 13 novembre 2015, Paris a été ébranlée jusque dans ses fondements par des attentats terroristes. Ce traumatisme a-t-il déjà été oublié par la population locale?
Il est étonnant de voir à quel point les gens font preuve de pragmatisme face à la menace terroriste ici. Je pense que les autorités s'en préoccupent et s'en inquiètent beaucoup plus. C'est leur devoir. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné à l'époque? Que devons-nous améliorer? Comment pouvons-nous éviter de tels drames à l'avenir?
En 2022, le Stade de France a accueilli la finale de la Ligue des champions. La situation a dégénéré devant le stade. La police a réagi de manière excessive et a fait usage de gaz lacrymogènes, blessant 230 personnes. Ce n'est pas la meilleure publicité pour les Jeux olympiques en termes de sécurité.
Cet incident a été un choc et a longtemps été un grand sujet de discussion, y compris en ce qui concerne les Jeux. Un rapport indépendant a été rédigé à l'époque, dans lequel la responsabilité principale de l'UEFA a été établie, mais qui a également fortement critiqué le traitement des supporters par la police. La police française est malheureusement connue pour ne pas hésiter à faire usage de gaz lacrymogènes ou de matraques. Elle a d'ailleurs été critiquée par le Conseil de l'Europe l'année dernière lors des manifestations sur la réforme des retraites.
Le président Emmanuel Macron est actuellement sous pression sur le plan intérieur. Quelles sont ses préoccupations les plus urgentes?
Actuellement, Macron doit gérer la colère des agriculteurs. Ils se révoltent en raison des réglementations environnementales et des nombreuses charges administratives qui pèsent sur eux. Le problème fondamental du président est qu'il n'a pas de majorité au Parlement. Il est attaqué à gauche comme à droite. C'est soit il fait passer ses idées en cavalier seul, comme la réforme des retraites, soit il doit faire des concessions. On lui reproche aussi régulièrement de ne pas comprendre les gens dits «ordinaires» et leur quotidien.
Un déroulement sans accroc des JO l'aiderait-il sur le plan politique?
Pas sur le plan politique, mais sa cote de popularité remonterait sans doute. Il sait se mettre en scène, et c'est un fan de sport avoué. Il voudra certainement profiter des Jeux olympiques.
Le village olympique se trouve dans la banlieue de Saint-Denis, au nord de Paris. C'est un bon choix, selon vous?
Sur le fond, je trouve que c'est une bonne idée. Tout un quartier va être revalorisé durablement par la construction et la rénovation d'infrastructures. Après les Jeux, les logements des athlètes seront transformés en logements sociaux et familiaux et en bureaux. Le nouveau centre aquatique, par exemple, qui accueillera les compétitions de sports nautiques, sera à la disposition des habitants de Saint-Denis après l'événement. Ce sont donc des investissements pour l'avenir. Mais là encore, la question de la sécurité reste un défi de taille.
Les épreuves de natation se dérouleront également dans la Seine. Pour le permettre, beaucoup d'argent a été dépensé pour nettoyer le fleuve. Ces 100 dernières années, il n'avait jamais été possible de s'y baigner. Les Parisiens peuvent s'en réjouir.
Eh bien en fait, l'idée de se baigner soi-même dans la Seine à partir de 2025 ne suscite pas une grande euphorie parmi la population. C'est pourtant le grand et ambitieux objectif de la municipalité parisienne: 1,4 milliard d'euros ont été investis dans l'extension et l'amélioration des infrastructures. La qualité de l'eau est désormais bien meilleure, mais la pollution a tout de même empêché l'organisation de tous les événements tests pour les Jeux olympiques l'été dernier. On ne sait pas encore de manière certaine si l'on pourra vraiment nager dans la Seine pendant les Jeux olympiques.
Un syndicat radical a récemment présenté un plan de grève dans les transports en commun parisiens pendant les Jeux olympiques.
J'ai constaté au fil de mon expérience en France qu'il s'agissait souvent de menaces plus que vaines. La semaine dernière, par exemple, la Tour Eiffel est restée fermée pendant 6 jours en raison d'une grève. Les syndicats y sont traditionnellement forts et les Français favorables à la grève, et prêts à aller très loin. Il n'en reste qu'une grève des transports en commun pendant les Jeux olympiques entraînerait effectivement un chaos total.
Même sans grève, Paris sera confronté à de gros problèmes de circulation. On attend entre 600'000 et 800'000 voyageurs par jour pendant les JO. Comment le trafic va-t-il être géré?
Avec la sécurité, la congestion du trafic est un autre problème majeur à résoudre. Mais il faut dire que d'ici l'été, de nombreux chantiers qui compliquent encore la circulation aujourd'hui seront terminés. La ville a beaucoup investi dans le développement des transports publics. L'infrastructure sera donc meilleure qu'actuellement. Mais il est clair que les problèmes de circulation ne pourront pas être évités avec une telle masse de personnes. Cet été, la circulation à Paris sera trois à cinq fois plus lente qu'en temps normal.
Les locaux seront aussi touchés par ces ralentissements.
Nous en arrivons au mécontentement que j'ai évoqué au tout début. On demande déjà aux Parisiens d'éviter la foule pendant les Jeux. Beaucoup ont prévu de quitter la ville pendant cette période. Certains loueront sûrement leur appartement à des visiteurs pour l'événement.
Vous restez à Paris pour couvrir la cérémonie d'ouverture et la suite des Jeux pour la SRF. Comment appréhendez-vous cet événement?
Nous sommes en plein dans les préparatifs. Mon équipe est surtout préoccupée par des questions logistiques. Normalement, nous emportons beaucoup de matériel, de grosses caméras et beaucoup de bagages lors des recherches. Nous devons trouver des alternatives plus légères, notamment en ce qui concerne le transport. Nous essaierons peut-être d'utiliser des vélos-cargos. Mais il est clair que les Jeux Olympiques seront aussi un défi pour nous, les journalistes!