Du hockey à la voile
Elena Lengwiler, le joker de la voile suisse aux Jeux

Il y a trois ans, elle jouait encore en LNB de hockey sur glace aux GCK Lions. Elle est aujourd’hui en lice aux Jeux en kite surf. Portrait d’une fille hors-norme.
Publié: 04.08.2024 à 20:00 heures
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Dernière mise à jour: 04.08.2024 à 23:31 heures
Elena Lengwiler, un parcours atypique pour une femme qui n'en finit pas de surprendre.
Photo: Nick Soland
Grégoire Surdez

Elena Lengwiler est une force de la nature. Il suffit de lui serrer la main pour comprendre pourquoi et comment elle ne lâche pas facilement la barre de son kite-surf. Rencontrée juste avant le début des Jeux à Marseille, la Zurichoise est une fille hors norme. Et pas seulement parcequ’elle possède depuis toujours un gabarit peu commun: près de 100kg de muscles. On ne passe pas du hockey à la voile en moins de quatre ans sans posséder un petit quelque chose en plus. «Je suis une action girl, rigole-t-elle d’entrée. Si je cours, au bout de cinq minutes je m’endors. J’ai toujours eu besoin d’action, de vitesse, d’adrénaline.»

Ce discours tranche avec une certaine timidité qu’elle apprend à maîtriser à mesure que son nom gagne en notoriété. Mais qui est donc cette Suissesse venue de nulle part et qui pourrait bien être le joker de l’équipe à Marseille? «Je suis née dans la région de Zurich et j’ai pratiqué le hockey sur glace pendant 20 ans. J’ai fait mon parcours dans l’organisation des ZSC Lions, en junior, en LNB et un peu en LNA. Il m’a manqué peu de chose pour atteindre le top niveau.»

Douze matches en LNA de hockey sur glace

Une fois encore sa modestie la rattrape. Un rapide coup d'œil sur les pages d’un célèbre site de statistiques laisse tout de même apparaître une saison avec 12 matchs dans l’élite pour un total de 5 points (3 buts et 2 passes). C’était lors de l’hiver 2014-2015, et elle n’avait que 18 ans.

«J’ai vraiment joué ensuite jusqu’en 2022 en LNB avec les GCK Lions, dit-elle. Avant de passer complètement au kite-surf. C’est en 2018 que j’ai découvert le kite avec Jonas, mon compagnon qui est devenu mon mari. Il pratiquait cette discipline et j’ai essayé, comme ça, pour voir. Je me souviens bien de ces premiers jours. D’abord sur la plage, juste pour apprendre à maîtriser la voile. Ensuite dans l’eau, à faire du body-tracking. Et puis, le premier bord, le troisième jour.» Les spécialistes apprécieront sans doute la performance, signe que cette fille a une capacité d’apprentissage au-dessus de la moyenne.

Photo: Screenshot ZSC Lions

C’est ce que confirme Christian Scherrer, le CEO de l’équipe suisse de voile. «Elena est une éponge, dit-il. Lorsqu’elle a été intégrée dans le groupe kite-foil de Swiss Sailing, elle n’avait pas encore atteint les résultats requis. Mais les coaches ont bien senti qu’il y avait quelque chose de spécial avec elle. Elena a eu l'intelligence de se nourrir des expériences des plus anciens et des conseils de notre coach Mathieu Girolet. Depuis, sa ligne de progression suit une pente ascendante très raide. Et ce n’est pas fini.»

Ce n’est qu’en 2021 qu’Elena Lengwiler a pris son envol, passant du kite-surf traditionnel au Formula Kite, la version volante de cette machine infernale. La discipline venait d’être admise pour ces Jeux de Marseille et inconsciemment sans doute, la possibilité de participer à cette compétition s’est insinuée dans l’esprit de la championne. «Je ne pensais pas aux Jeux au début mais juste à progresser. Lors de ma première compétition, au printemps 2022, en Suisse, je me souviens que j’arrivais à peine à faire un virement. Mais je voulais voir si j’aimais ces courses de kite et j’ai adoré malgré la difficulté. je me suis alors mis au travail pour progresser.»

Le jour où elle a rangé son équipement de hockeyeuse

En octobre de la même année, elle se classe 38e aux championnats du monde de Formula Kite en Sardaigne. Un résultat complètement invraisemblable si on se souvient que six mois plus tôt elle arrivait à peine à exécuter proprement un changement de direction. «C’est là que je me suis dit que je pouvais essayer de viser les Jeux. J’ai alors rangé mon équipement de hockeyeuse pour me consacrer uniquement au kite. Je pense que toutes mes années passées sur la glace m’ont énormément servi pour progresser en voile. Le principal point commun que je vois entre ces deux disciplines qui semblent très éloignées, c’est la vitesse. Vitesse pure de la glisse. Mais surtout vitesse dans la prise de décision. Le hockey et le kite nécessitent de savoir agir très rapidement, presque à l’instinct.»

Photo: keystone-sda.ch

Pour décrocher son sésame olympique Elena Lengwiler a poursuivi sa folle ascension entamée aux mondiaux 2022. D’épreuves de coupe du monde en championnats mondiaux ou européens, elle a gravi les échelons de la classe. C’est en avril 2024, à Hyères, qu’elle a véritablement explosé en gagnant la course de la dernière chance, une compétition qui offrait les cinq derniers tickets pour Marseille aux filles et aux garçons pas encore sélectionnés jusque-là. En gagnant 10 des quatorze manches, Elena a réalisé une performance qui a marqué les esprits, au point de la classer au rang des outsiders pour ces Jeux.

Une vraie force de la nature

Avant de poser ses voiles et son kite à foil sur la plage du centre nautique du Roucas-Blanc, Elena a encore confirmé qu’elle était l’un des talents émergent de cette classe en plein développement. En mai, toujours à Hyères, elle s’est cette fois classée 6e des Mondiaux après avoir atteint les demi-finales. Juste derrière elle au classement, la présence de l’Américaine Daniela Moroz, six fois championne du monde, en dit plus long que n’importe quel long discours. Elena Lengwiler est une force de la nature.

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