Certains parlent d’ironie du sort, d’autres de karma ou de drôle de coïncidence. Pour comprendre en quoi ces termes peuvent s’appliquer à la série de promotion/relégation entre le HC Ajoie et le HC Viège, il faut rembobiner.
Alors que les play-off de Swiss League étaient sur le point de débuter au début du mois de février, le HC Ajoie informait qu’il prêtait trois de ses joueurs à Olten: Bastien Pouilly, Tim Minder et Kyen Sopa, 86 matches de National League à eux trois, venaient grossir les rangs des Soleurois. Ces derniers s’apprêtaient à affronter La Chaux-de-Fonds, double tenant du titre et, visiblement, principal détracteur des Jurassiens en vue d’un barrage entre les deux ligues. Ces prêts avaient logiquement alimenté les spéculations. Difficile de ne pas y voir une volonté d’envoyer un futur adversaire au tapis le plus rapidement possible, même si les Ajoulots avaient, à ce moment-là, toutes les cartes en main pour s’en sortir par eux-mêmes.
Près de deux mois plus tard, les Souris ont effectivement sorti le HCC. Mais c’est une autre équipe, dont le dossier pour la National League a été accepté, qui a remporté le titre de seconde division: le HC Viège. Les Valaisans s’offrent ainsi un barrage à la régulière et forcent les Ajoulots à sauver leur place dans l’élite directement sur la glace. Avant le coup d’envoi de la série ce mardi à Porrentruy, le HCA s’est encore offert les services de Jakob Stukel, meilleur compteur de Swiss League, ainsi que le défenseur Cédric Aeschbach. Au bénéfice de licences B, ils arrivent en provenance de Bâle, l’adversaire battu par Viège en finale. Une intrigue à faire pâlir d'envie les «Feux de l'amour», bien qu'Ajoie ne fasse rien d’autre que d’utiliser le règlement à son avantage.
«Ça fait plutôt sourire»
«Ce règlement aujourd’hui, il est particulièrement pénalisant pour toute équipe ambitieuse de Swiss League», confirme Daniele Marghitola, le directeur sportif du HC Viège. «Les licences B, par exemple, étaient plutôt faites pour donner la possibilité à des jeunes joueurs d’évoluer dans une ligue inférieure, à la base. Là, je n’ai pas trop envie de juger, mais j’imagine qu’il y a une petite envie d’essayer de compliquer la tâche à des adversaires en faisant ce genre de manœuvre.»
Comme l’ensemble de son équipe, le Tessinois sait que la tâche s’annonce ardue dans ce barrage. Mais il est prêt à lutter: «Ils n’ont pas pensé que de l’autre côté du tableau, il y avait une équipe qui pouvait aussi arriver à jouer la promotion. Ça fait plutôt sourire qu’autre chose. Maintenant, on doit jouer ce barrage. On sait que ce sera extrêmement compliqué pour nous. L’équipe de National League aura toujours les faveurs des pronostics. Mais on doit y aller le couteau entre les dents pour franchir encore une étape.»
Un HC Viège extrêmement solide
Et dans cette perspective, le HC Viège de l’entraîneur Heinz Ehlers a des atouts à faire valoir. Principalement en défense. Dans les différents clubs qu’il a entraînés en Suisse, que ce soit Bienne, Langenthal, Lausanne, Langnau ou les Lions valaisans, le coach danois a toujours eu la même réputation: la mise en place d’un système verrouillé, extrêmement pénible à jouer (et à regarder par la même occasion) mais diablement efficace. Pour preuve, nos confrères du «Nouvelliste» rapportaient cette statistique en fin de semaine dernière: lors de leur campagne de play-off, les Haut-Valaisans n’ont encaissé qu’1,5 but par match. Aucun champion de Swiss League n’avait réalisé une aussi solide prestation depuis 2005.
Ce chiffre ne doit franchement pas rassurer les Ajoulots, eux qui ont eu beaucoup de mal à l’offensive et à la concrétisation dans leur série face à Lugano, notamment en power-play sur les derniers matches. «C’est clair qu’on a aussi regardé la série d’Ajoie. Ils ont eu, effectivement, des difficultés à l’offensive», confirme Daniele Marghitola. Mais l’ancien joueur n’est pas dupe: «En même temps, ils ont réussi à mettre en difficulté Lugano à plusieurs reprises. Donc, c’était une série très serrée. Ce que je vois, c’est qu’ils restent une équipe de National League avec un très, très bon niveau. Mais de notre côté, c’est vrai qu’on a fait de très gros play-off. On l’a fait avec notre système, avec notre jeu. Et c’est avec cela que l’on va challenger Ajoie lors de cette série.»
Les Jurassiens sont donc prévenus, d’autant qu’il est trop tard pour changer une équipe qui gagne et qui a le vent dans le dos depuis plusieurs mois maintenant. Étant donné ce qui précède, est-ce à craindre pour les deux équipes que la gestion de la pression face à l’enjeu finisse par faire la différence? «Il faut toujours un tout petit peu de pression, de tension pour performer au maximum. On parle souvent d’un équilibre entre n’avoir rien à perdre et puis avoir un tout petit peu de tension pour comprendre qu’on est quand même en train de jouer une promotion. Donc je pense qu’on est dans cet état d’esprit-là. On sait qu’on a fait une très belle saison. On a eu notre titre. Mais en même temps, il y a encore quelque chose à aller chercher», conclut Daniele Marghitola. Place donc à la réalité de la glace dès ce mardi.