Ce jeudi matin, le calme semble revenu du côté de la Porte d’Octodure à Martigny. Les habitués prennent un verre au bar. Christian Constantin passe boire un petit café à son tour. Comme si de rien n’était. Au siège du FC Sion, la présentation de Mario Balotelli est prévue dans l’après-midi et cette sérénité tranche avec l’effervescence de la veille, dernier jour du marché des transferts.
In extremis, le FC Sion a fait signer un contrat à Mario Balotelli, la superstar italienne. Comment en est-on arrivé à ce que l’attaquant italien appose sa signature au bas du bout de papier? Outre Christian Constantin qui parlerait à merveille de n’importe quel sujet, c’est peut-être Barthélémy Constantin, directeur sportif du club, qui nous racontera le mieux cette histoire à multiples rebondissements. «J’étais le seul fou à y croire encore», rigole-t-il en préambule. Témoignage en plusieurs actes.
Acte I. L’arrivée de Balotelli en Valais
«Mardi soir, à la veille du dernier jour du mercato, les représentants de Mario Balotelli étaient présents à Martigny. Nous avons mangé ensemble et avons bien discuté. Nous étions d’accord sur les termes avec eux. Mais ce n’était toujours pas le cas avec son club en Turquie. La soirée s’est bien passée. Mario, lui, est arrivé en pleine nuit. Il a pris la voiture avec un collègue depuis l’Italie. Je l’ai accueilli vers 3h30 du matin et l’ai accompagné à l’hôtel. Il fallait tout de même qu’il dorme un peu avant la dernière journée.
À cet instant, je ne peux pas dire si j’étais sûr que cela se ferait. Mais j’y ai cru durant tout l’été alors je n’allais pas flancher à cet instant. Fin de la journée à 4h30 et réveil 1h et quelque plus tard.»
Acte II. La visite médicale et la traque
«Nous avions décidé d’anticiper la visite médicale car nous étions sûr que cela se jouerait à la minute. Et comme il fallait que les médecins donnent leur feu vert avant que le transfert ne se confirme, il fallait voir un cardiologue. Le nôtre a son cabinet à Sierre. Le seul créneau qu’il avait de libre était à 7h30 du matin. J’ai embarqué Mario et nous nous sommes rendus là-bas les deux. On a eu un coup de bol que personne ne nous voie dans les rues de Sierre (rires).
Le reste des examens médicaux a eu lieu à la Porte d’Octodure. Lors des derniers jours du mercato, il y a toujours un peu d’effervescence autour de l’hôtel. Mais pas à ce niveau. Il fallait le ramener sans que personne ne le voie. Là je ne peux pas tout vous dire par contre… Tout ce que je peux dévoiler, c’est qu’on a trouvé un moyen de le faire entrer dans le bâtiment en douce. Personne ne l’a vu.
C’était l’essentiel. Après avoir tout réglé, nous avons à nouveau fait en sorte de le faire sortir pour qu’il aille se reposer à l’hôtel quelques heures. De toute façon, il n’y avait plus grand-chose à faire à cet instant. Pour lui en tout cas. Car pour nous, il y avait encore beaucoup de boulot même si le temps commençait à presser. C’était le début de l’après-midi et il était impossible de quitter mon bureau sans que tout le monde me demande où on en était et si c’était fait. Personne ne semblait me croire, mais il était 16h30 et non, ce n’était de loin pas fait.»
Acte III. La fermeture du mercato
«Ce qui manquait? Un accord avec la formation turque. Et pour être franc, c’était le point compliqué. Nous avions eu de nombreux échanges avec eux durant tout l’été. Mais nous savions qu’à 18h pile, tout devait être réglé sinon le transfert capotait. Concrètement, il fallait que les documents administratifs soient envoyés à la Ligue à cet instant pour valider l’inscription du joueur en Super League. Par la suite, nous avions jusqu’à minuit pour que le transfert international entre les deux fédérations soit accepté.
À 17h00, nous avons fait revenir Mario à la Porte d’Octodure. Car il fallait bien sa signature à un moment si l’accord d’Adana Demirspor était présent. Retour donc avec lui au sous-sol de l’hôtel. Là, François Moubandje était présent. Il s’agit de notre autre recrue de dernière minute. Nous les avons fait patienter ensemble, au calme. C’était le seul endroit calme, d’ailleurs. Les dernières minutes ont été terriblement tendues.
À 17h45, nous n’avions toujours aucun accord et à chaque convention que nous recevions de l’autre club, il y avait un point qui n’était pas celui discuté quelques instants auparavant au téléphone. On se demandait si c’était un problème de langue, à force. À 17h54, nous avons reçu une nouvelle proposition… qui n’était toujours pas la bonne. À cet instant, nous avions deux choix: abandonner ou accepter. Sans rentrer dans des détails trop confidentiels, il ne s’agissait pas d’un problème d’argent, mais de structure. Bref, nous avons décidé d’accepter puisqu’il nous restait moins de cinq minutes pour tout envoyer à la Ligue.
À cet instant, je cherche le président (ndlr: Christian Constantin) pour le faire signer. Je courais dans tous les sens, la secrétaire du bureau d’architecture aussi. Finalement nous lui avons mis la main dessus. Il a piqué un sprint à travers les couloirs pour envoyer les documents signés. À 17h58 et des poussières, on valide tout. Je suis avec notre personne de contact à la Ligue. Je lui dis 'envoie, envoie, envoie, envoie, envoie'. Il ne restait qu’une minute et le moindre problème technique aurait tout fait planter. Au moment où l’horloge affiche 18h00, nous savons que de notre côté, tout a été envoyé. Mais nous ne savons pas si la Ligue a tout reçu.»
Acte IV. Le retour au calme
«À 18h03, je suis toujours en train de harceler la Ligue pour être sûr que tout est OK. Ce sont trois minutes qui durent une éternité. À cet instant, l’adrénaline est à son maximum. Le cœur va en haut, en bas, en haut, en bas. Finalement, on reçoit la validation que tout est en ordre. Ne reste donc plus qu’à valider le transfert international. Une formalité.
Au moment où je sais que c’est fait, j’appelle immédiatement Paolo (ndlr: Tramezzani, l’entraîneur) pour lui annoncer la bonne nouvelle. Juste après, j’appelle ma maman. Elle m’a énormément soutenu durant toute cette période et plus généralement depuis que je suis directeur sportif. C’est aussi grâce à elle que nous avons réussi ce pari. Enfin, j’appelle ma filleule et lui dis de passer à la Porte pour manger ensemble et boire un petit verre. À table, on ne fête pas plus que cela. On boit ce petit verre et on commence enfin à souffler.
Je suis de retour à 23h à la maison. C’était quasi impossible de dormir après une journée de fous comme celle-ci. Depuis que je suis directeur sportif, je n’ai jamais vu une telle fin de mercato et je suis content que nous ayons réussi ce coup. C’est aussi grâce à mon père et mon président que cela a pu être possible. Il m’a fait confiance dans ce dossier et c’est beau de voir qu’il m’a cru quand je lui ai dit qu’il y avait une petite chance.»