Il y avait un air de sortie de classe(s) au Stade de Genève mardi soir. 5000 élèves genevois avaient été invités à assister à la défaite de Servette Chênois contre Chelsea (0-7). Bien sûr, tous n’avaient pas répondu à l’appel du Département de l’instruction publique pour «mettre en avant le football féminin et célébrer la pratique du sport par toutes et tous, au-delà des stéréotypes de genre». Une soirée qui a été une réussite. Preuve en est: une affluence record pour du football féminin en Suisse, avec 12’782 spectateurs annoncés.
Les plus jeunes pupilles s’étaient déplacés au match sous la tutelle de leurs enseignants. C’était le cas de ces trois classes primaires de Vernier, qui avaient uni leurs forces pour cette expédition.
«Le football féminin est sous-coté»
Mais le groupe le plus bruyant et le plus enclin à parler à la presse était la 934 du CO Renard. Sur l’esplanade devant le stade de Genève, l’enseignante attend patiemment que ses élèves la rejoignent petit à petit.
Les élèves de cette classe, intrigués par mon carnet et mon stylo, ont formé un cercle autour de moi. Luca a été un des premiers à prendre la parole. «Ce n’est pas la première fois que je vais à un match de football féminin, annonce fièrement le jeune garçon de 12 ans. Je suis déjà allé voir Benfica lorsqu’elles ont joué en Champions League.»
A-t-on donc affaire à un passionné? «Je pense clairement que les joueuses sont sous-cotées. Elles ont de nombreuses qualités et un style de jeu qui est bon.»
Sa camarade Shkirta, également 12 ans, lui emboîte le pas et partage son avis sur le manque de considération. Alors qu’elle tente de donner son avis en expliquant que les joueuses ont aussi du talent, elle est interrompue par un autre élève qui estime que les femmes sont moins fortes que les hommes. Sans se laisser abattre, la jeune Shkirta reprend: «C’est exactement de ça que j’ai peur: que les garçons de ma classe s’énervent si ce soir (ndlr: mardi soir), le niveau de jeu est plus faible.» Espérons pour elle que ses camarades masculins ont apprécié leur soirée.
Milena, 13 ans, explique de son côté que c’est la première fois de sa vie qu’elle assiste à un match de football féminin mais elle s’en réjouit. Reviendra-t-elle? «Oui, mais avec mes parents cette fois.» L’enseignante bat le rappel des troupes: il est l’heure de rejoindre les gradins.
Ambiance dans le stade
De mon côté, j’en profite aussi pour trouver ma place. Au moment où les joueuses rentrent sur la pelouse, une chose me surprend: les cris d’encouragement. Un son aigu qu’on a très peu l’habitude d’entendre dans des stades de football, généralement rempli par des spectateurs à la voix plus grave. Les «Allez Servette» des 12’782 (jeunes) spectateurs détonnent.
Durant la rencontre, un brouhaha constant rempli le Stade de Genève. Les fans en herbe, censurés toute la journée par leur professeur, ont profité des 90 minutes pour discuter allègrement. Pour une fois, les enseignants ne pouvaient pas les reprendre.
Lucide, ce public novice a rapidement senti que les Servettiennes n’allaient pas passer la soirée la plus agréable. Il s’est d’emblée enflammé pour les quelques actions à disposition: les Genevoises qui franchissaient la ligne médiane ou un arrêt de la gardienne Ines Pereira.
Jusqu’au bout, les supporters ont joué à fond leur rôle de 12e femme et le coach Eric Sévérac l’a même souligné en conférence de presse: «Ils nous ont donné beaucoup de force.» Les sept buts encaissés par les Genevoises n’ont pas suffi à doucher l’enthousiasme de ces écoliers en vadrouille.