Quand le foot devient religion
«Lionel Messi, que ton nom soit sanctifié…»

Une nouvelle divinité, de magnifiques infrastructures, des milliers et des milliers de croyants: ceux qui ont regardé la Coupe du monde au Qatar se demandent si l'on prie plus dans le football qu'à l'église? Tentative de réponse.
Publié: 24.12.2022 à 20:59 heures
Lionel Messi a rejoint Diego Maradona au sein des divinités footballistiques.
Photo: Getty Images
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Michael Wegmann

Il y a environ quatre milliards de fans de football dans le monde. Et ils sont de plus en plus nombreux. Pour certains d'entre eux, il y a un nouveau saint depuis dimanche dernier: Lionel Messi. En ayant décroché la Coupe du monde, l'Argentin acquiert un statut céleste – il devient le «messie», le «dieu du football».

Avec ce trophée, Messi gravit la dernière marche de l'échelle céleste. Il se trouve désormais à hauteur que son compatriote — le «divin» Diego Maradona. Ce dernier a été canonisé lors de la Coupe du monde 1986, après son but de la main en quart de finale contre l'Angleterre. C'est lui-même qui a parlé de la «main de Dieu».

Diego Maradona est vénéré en Argentine.
Photo: Getty Images

Maradona est officiellement vénéré comme une divinité. Le 30 octobre 1998, des admirateurs ont fondé en Argentine la «Iglesia Maradoniana». En 2015, l'église de Maradona compte un demi-million de membres dans le monde. Au lieu du «Notre Père…», ils invoquent le «Notre Diego…». Avec la mort du «Pide de oro» 2020, ses adeptes n'ont pas diminué, bien au contraire.

Un disciple de Messi aura-t-il bientôt l'idée de fonder une église de la «Pulga»? C'est bien possible. Ballon au pied, il est aussi divin que Maradona.

Jésus Cruyff, également saint

Le football a plusieurs saints. Aux Pays-Bas aussi. «Dieu est mort - Cruyff n'est plus», avait titré un magazine de football néerlandais lorsque Johan Cruyff est décédé en mars 2016. Génial en tant que joueur, il est même devenu un entraîneur pour l'éternité. «Cruyff a construit la cathédrale. Nous ne faisons que l'entretenir», a dit un jour Pep Guardiola. «JC». Comme Jésus-Christ. Comme Johan Cruyff.

Le Portugais Cristiano Ronaldo est lui aussi vénéré. «CR7» a franchi il y a quelques jours le cap des 500 millions d'abonnés sur Instagram. Aucun être humain n'en a plus.

Pour de nombreuses personnes, le football a plus que des caractéristiques religieuses. Pour beaucoup, il est une religion. Il n'y a pas qu'en Argentine ou au Brésil que les gens sont capables de vendre un rein pour un abonnement de leur club – au Maroc ou en Allemagne aussi. «Nous sommes étroitement liés, pour l'éternité. Avec toi, on oublie ses soucis, on perd les notions d'espace et de temps.» Ce qui sonne comme une louange à Dieu est en fait une strophe de l'hymne du club de Wolfsburg.

Quiconque a allumé sa télévision et a mis un match du Mondial a dû être frappé par l'omniprésence de la foi: ce qui était autrefois des églises sont aujourd'hui des stades. Ces nouveaux temples sont des œuvres architecturales dans lesquelles on prie assidûment. Les supporters dans les tribunes, les joueurs sur le terrain. En entrant sur la pelouse, avant le coup d'envoi, avant un penalty, pendant les célébrations ou après le coup de sifflet final.

Montiel célèbre avec la Vierge

Sa foi est même à fleur de peau. Le tireur argentin du pénalty décisif Gonzalo Montiel a dévoilé un tatouage de la Vierge Marie lors de la célébration du titre de champion du monde. Le «divin» Messi a également un tatouage de Jésus. Le prodige brésilien Neymar a, lui, une croix avec des ailes d'ange.

Les confessions de foi semblent également plus présentes que jamais. De nombreux joueurs à la Coupe du monde s'expriment publiquement sur leur foi: ils remercient Dieu de leur talent et de leur force dans des interviews ou sur les réseaux sociaux. Ils révèlent qu'ils prient ou lisent la Bible tous les jours. «C'est tout simplement incroyable. Je savais que Dieu me donnerait le trophée. C'était une grande joie», a d'ailleurs déclaré Messi après son triomphe.

Les joueurs marocains ont également prié sur le terrain.
Photo: DUKAS

On prie dans les stades, pas dans les églises

Des dieux du football, une pelouse sacrée, des supporters en prière, des acteurs croyants. Les églises nationales de notre pays ne peuvent que rêver d'infrastructures aussi pleins — et avec une ambiance incroyable. Leurs églises se vident de plus en plus. D'année en année, elles perdent des membres. En 2021, rien qu'en Suisse, 62'000 personnes ont quitté l'Eglise catholique ou réformée – un chiffre jamais atteint auparavant.

Rien d'étonnant donc à ce que les religions chrétiennes profitent désormais de la popularité du football – et non plus l'inverse comme auparavant. Les organes religieux, comme par exemple «Kathpress», «kath.ch», «reformiert.ch» ou «jesus.ch», ont découvert le football comme moyen de communication et publient régulièrement des articles sur le football et ses «dieux». Mais ça suit une certaine logique. Ne dit-on pas: «Si la montagne ne va pas à toi, va à la montagne»?

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