Josef Hochstrasser est né en 1947 à Ebikon (LU). Il a reçu l'ordination catholique en 1973, est tombé amoureux peu après et s'est marié. L'Eglise catholique lui a interdit d'exercer sa profession. Plus tard, il s'est fait ordonner prêtre réformé et a enseigné la religion à l'école cantonale de Zoug. Josef Hochstrasser est également auteur — il a notamment publié une biographie de l'ancien entraîneur de l'équipe nationale de football Ottmar Hitzfeld. Juste avant Noël, Blick lui a rendu visite. Interview.
Monsieur le pasteur Hochstrasser, lors de la Coupe du monde, on a vu presque tous les joueurs et les supporters prier. Pourquoi les fidèles désertent-ils alors régulièrement vos églises?
C'est probablement parce qu'il n'y a pas grand-chose à célébrer dans les églises. Et pourtant, il pourrait y en avoir. Si l'on se souvenait, par exemple, de celui dont c'est l'anniversaire. Jésus de Nazareth était un homme fantastique. J'imagine qu'à l'époque, il y aurait eu plein de «Ola» sur son passage. Mais depuis, cette flamme s'est presque éteinte. Aussi bien dans l'Eglise catholique que dans l'Eglise réformée.
Cela vous fait-il mal?
Bien sûr.
Auriez-vous besoin d'un messie en chaire et en os pour lutter contre la baisse des effectifs?
Pas nécessairement.
Que peut apprendre l'Eglise du football?
Le football est merveilleusement simple - accessible à tous. S'il devenait soudain très théorique et compliqué, l'intérêt diminuerait. Malheureusement, de nombreux pasteurs, à la peine en face de leur auditoire, ne sont plus authentiques. Ils utilisent soudain un langage sacré que peu de gens comprennent. En outre, les services religieux gagneraient à être plus émotionnels, plus spontanés. Lors d'un match de football, on ne sait pas comment cela va se terminer. Malheureusement, lors d'un service religieux, oui.
Que pensez-vous de la déification des footballeurs? Du point de vue d'un pasteur, n'est-ce pas un blasphème?
Non. Ma réponse est peut-être un peu blasphématoire, mais je trouve que l'on peut très bien classer Jésus dans la même catégorie que Messi, Maradona et Pelé. Ce sont tous des personnes qui suscitent une émotion particulière chez les gens. Les passionnés de football aimeraient pouvoir taper dans le ballon comme Messi. Chez les hommes d'il y a 2000 ans, c'était la même chose: on voulait être aussi juste, aussi généreux que Jésus. Le dénominateur commun est le désir qu'ils éveillent chez les gens.
Le football est donc une religion?
Pour certaines personnes, oui. J'aime me souvenir d'une femme âgée à Dortmund qui disait: «Le BVB est ma religion. Parce qu'il donne un sens à ma vie.» Jésus est une ancre, il a aidé les gens, il a donné un sens à leur vie. Mais pour beaucoup de gens, Messi ou Maradona les aident aussi à surmonter leurs problèmes.
Dans ce cas, le patron de la FIFA, Gianni Infantino, pourrait être comparé au pape François.
Du point de vue des fonctions et de l'importance, le pape François et Gianni Infantino sont totalement comparables. Mais certainement pas au niveau du contenu de ce qu'ils transmettent.
Lors du sommet du G20, Gianni Infantino a proposé aux politiques de faire une pause dans la guerre en Ukraine pendant la Coupe du monde.
Ce n'était pas seulement naïf, c'était présomptueux. Gianni Infantino s'est largement surestimé. En outre, ce n'est pas décent vis-à-vis des personnes qui souffrent de la guerre.
Son discours d'ouverture, dans lequel il a dit qu'il se sentait homosexuel, arabe, travailleur immigré et handicapé, a suscité l'indignation. Chez vous aussi?
Il voulait dire par là qu'il s'identifiait à tous les êtres humains. Même avec les minorités ou les personnes vivant en marge de la société. Son idée était bonne, mais son exécution mauvaise. Son discours m'a fait secouer la tête.
Vous êtes un fan de football. Faites-vous aussi des comparaisons avec le football dans vos sermons?
Oui, il m'arrive d'utiliser le football comme introduction à une prédication. Dimanche dernier justement, le jour de la finale. Le thème de ma prédication était: «Qu'aurait pensé Jésus d'un boycott de la Coupe du monde?»
Et qu'aurait pensé Jésus?
À aucun moment de sa vie, Jésus n'aurait boycotté ce Mondial. Boycotter quelqu'un, cela signifie ne plus vouloir affaire à lui. Mais Jésus a rencontré toutes les personnes, aussi mauvaises soient-elles. Il a discuté avec les pharisiens. Il s'agissait de juifs conservateurs qui plaçaient la loi de Moïse au-dessus du bien-être des gens. Jésus a parlé aux Romains impérialistes. Il s'est confronté à eux et a cherché le dialogue. Un boycott conduit souvent à des guerres. J'aurais souhaité le contraire pour le Qatar.
Comment ça?
Cette Coupe du monde aurait été une occasion unique d'entrer en contact avec un pays à dominante musulmane. Avec la culture, la religion. J'aurais souhaité que des manifestations officielles accompagnent la Coupe du monde, que l'on tienne des forums sur la culture arabe et la religion musulmane. La curiosité aurait été bien plus intéressante qu'un boycott.
En Europe occidentale, le manque de respect des droits de l'homme au Qatar a été le thème dominant de la campagne. La couverture médiatique était-elle exagérée, d'un point de vue chrétien?
Complètement. Nous nous sommes comportés comme si nous étions les bons, ceux qui vivent de manière exemplaire, qui n'autorisent pas la corruption et qui ne respectent pas les droits de l'homme. Et nous avons montré du doigt les insuffisances du Qatar pour nous rendre encore meilleurs. Pourtant, Dieu sait que nous avons suffisamment de saletés devant notre propre porte qu'il faudrait d'abord nettoyer. Notre comportement rappelle la parabole du pharisien et du publicain dans le Nouveau Testament. L'Occident s'est comporté comme le pharisien. Mais savez-vous ce qui me fait plaisir?
Non?
Cet exemple montre à quel point la Bible est toujours d'actualité, même 2022 ans après la naissance de Jésus.
En tant que fan de Young Boys, vous avez aussi un dieu du football en la personne de Erich Hänzi, le défenseur également passé par le Lausanne-Sport.
C'est vrai (rires). C'est bien, mais il faut bien sûr le prendre avec un clin d'œil. En Suisse, nous ne vénérons pas de dieux du football, comme les Brésiliens ou les Argentins par exemple. Nous allons trop bien, il n'y a pas besoin d'un tel engouement.
Est-ce l'une des raisons pour lesquelles les églises suisses restent souvent vides?
Certainement. Quand les gens vont moins bien, les églises sont plus remplies. Je m'en souviens encore très bien: après le terrible attentat de Zoug en septembre 2001, les églises étaient pleines pendant trois semaines. Ensuite, elles se sont à nouveau vidées.