Ludovic Magnin a retrouvé du travail
«J'ai du mal quand je me fais critiquer et insulter par des anonymes»

L'entraîneur vaudois Ludovic Magnin a accordé une interview à Blick. Il parle de sa période sans club, des rivalités entre les entraîneurs, des critiques sur Internet, de son incursion dans le monde des médias et de sa mission avec son nouveau club autrichien d'Altach.
Publié: 10.01.2022 à 06:15 heures
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Dernière mise à jour: 12.01.2022 à 12:05 heures
Ludovic Magnin s'acclimate à sa nouvelle vie en Autriche.
Photo: Benjamin Soland/Blick/freshfocus
Michael Wegmann

Ludovic Magnin, vous avez dirigé vendredi votre premier entraînement avec le SC Rheindorf Altach. Comment c’était de retrouver le terrain?
Ludovic Magnin: Magnifique, génial, même s’il faisait un peu froid. C’est le travail sur le terrain et l’odeur des vestiaires qui m’avait le plus manqué ces derniers mois.

Justement, depuis votre licenciement du FC Zurich en octobre 2020, vous avez été sans club. Comment vous en êtes-vous sorti pendant ces quinze mois?
J’ai eu besoin des six premiers mois pour me déconnecter. Pour moi, pour ma famille et pour recharger mes batteries. Pendant cette période, j’ai immédiatement coupé court à toutes les demandes. Mais à partir du septième mois, je me suis rendu compte que j’étais prêt pour un nouveau poste d’entraîneur. Plus le temps passait, plus je commençais à avoir des fourmis dans les jambes.

Pourtant, vous n’avez signé un nouveau contrat à Altach que neuf mois plus tard. Pourquoi cela a-t-il duré si longtemps?
C’est relativement simple: soit les clubs que j’aurais voulu rejoindre ont opté pour un autre candidat, soit c’est moi qui ne voulais pas.

Photo: Benjamin Soland/Blick/freshfocus

Avec combien de clubs avez-vous négocié durant cette période?
J’ai parlé avec cinq ou six clubs. Et j’ai reçu des demandes d’une douzaine d’autres.

Quand parle-t-on avec les responsables des clubs?
En général, quand on fait partie des trois derniers candidats.

N’avez-vous jamais perdu patience?
Non. Mais bien sûr, je me suis parfois demandé pourquoi je n’avais pas dit oui à tel ou tel club. Disons qu’Altach est arrivé au bon moment. J’ai un super feeling et je pense que j’ai ma place ici.

Qu’auriez-vous fait si ça n’avait pas fonctionné avec Altach? Auriez-vous accepté la prochaine offre, peu importe le club?
Non. Pour moi, il était clair que je préférais faire quelque chose de complètement différent plutôt que d’accepter un poste d’entraîneur dans la panique.

Quand auriez-vous pris la décision de changer de carrière?
Probablement bientôt. Je n’ai jamais fait de pause depuis ma carrière de joueur, j’ai tout de suite commencé à suivre une formation d’entraîneur. Ce temps d’arrêt m’a fait du bien. Mais je ne suis pas du genre à rester assis à la maison.

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas trouvé un poste d’entraîneur qui vous convienne?
J’aurais trouvé quelque chose...

Vous avez une formation d’enseignant primaire. Actuellement, ils sont très recherchés!
Je sais. Il n’y a pas si longtemps, ma femme me l’a aussi rappelé. Elle voulait probablement que je quitte enfin la maison (rires). J’avais certainement cette alternative en tête. Mais elle était encore loin dans mon esprit.

Vous et votre ami Alex Frei étiez, avec Mario Frick, dans la sélection finale du FC Lucerne. Est-ce qu’on joue cartes sur table à ce moment-là?
Nous le savions tous les deux. Pendant cette période, nous n’avons guère eu de contacts. Une fois la décision prise, nous nous sommes téléphoné et nous en avons ri.

Est-ce que l’on se réjouit pour un autre entraîneur lorsqu’il obtient un poste? Ou la solidarité entre entraîneurs n’est-elle pas si grande?
Je ne peux parler que pour moi. Si je suis dans une liste restreinte et qu’un autre candidat obtient le poste, je ne me réjouis pas vraiment. Je me demande plutôt ce que j’aurais pu faire de mieux lors de mon entretien. Je pense que je me suis amélioré d’appel vidéo en appel vidéo.

Il est frappant de constater qu’il y a beaucoup de commentaires dès que vous ou Alex Frei êtes pressentis comme entraîneurs…
La plupart du temps des commentaires négatifs.

Vous le remarquez?
Oui, que je le veuille ou non.

Et que faites-vous?
Je n’ai aucun problème si une personne se tient debout avec son vrai nom et critique mon travail. Mais j’ai du mal à accepter que des gens anonymes critiquent ou insultent des entraîneurs, des joueurs ou d’autres personnalités publiques. Si je pouvais en décider, j’interdirais les commentaires anonymes sur les sites web des médias et sur les forums. J’ai entendu dire que certains entraîneurs ont des personnes qui écrivent des commentaires positifs sur les forums en leur nom.

Vous n’êtes pas sérieux?
Mais si!

Pouvez-vous nous donner des noms?
Non. Mais ce n’est certainement pas le cas d’Alex ni de moi.

Photo: BENJAMIN SOLAND

Ces derniers mois, vous avez changé de camp et travaillé comme consultant pour la chaîne Blue. Ce travail vous a-t-il plu?
Beaucoup. C’était vraiment passionnant, et cela m’a beaucoup apporté.

Quoi, par exemple?
Je vois maintenant le travail des journalistes d’un autre œil. J’ai beaucoup plus de compréhension et de respect pour ce qu'ils font. Honnêtement, j’ai été surpris par la quantité de travail qu’il y a derrière. Et surtout les analyses de match!

Comment ça?
Elles sont aussi détaillées et laborieuses que les données présentées par les analystes dans les clubs. La seule différence est que les entraîneurs et les journalistes les utilisent différemment. D’une manière générale, je suis d’avis qu’il faudrait intensifier la collaboration. Nous travaillons dans le même domaine. Peut-être que les clubs s’isolent aussi trop. Je pense qu’avant, on était plus proches les uns des autres. D’ailleurs, les arbitres et les joueurs aussi.

Que voulez-vous dire par là?
J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, les compétences sont beaucoup plus séparées. Chacun vit dans sa bulle. A l’époque, on plaisantait avec les arbitres, avant et même pendant les matches.

On dit que Nicole Petignat parlait beaucoup en tant qu’arbitre...
C’était drôle à l’époque. Sur le terrain, elle me disait toujours ce que je devais faire. Et je lui disais comment elle devait siffler.

Dorénavant, vous devez empêcher la relégation de la lanterne rouge en Autriche. Y parviendrez-vous?
Nous verrons bien. Je vais donner tout ce que je peux. J’exige de moi la même chose que des joueurs: peu de temps libre et beaucoup de travail.

La situation n’est pourtant pas désespérée. En Autriche, les points sont divisés par deux avant le tour de relégation, puis chaque équipe joue deux fois l’une contre l’autre lors des play-off.
C’est vrai: pour nous qui sommes derniers du classement, ce mode de compétition est génial. Mais si j’avais repris une équipe de tête, je ne dirais pas ça!

(Adaptation par Matthias Davet)

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