Non, Christian Constantin n'est pas d'humeur à ressortir de vieilles querelles en ce jeudi. Interrogé sur «l'affaire Murat Yakin», qui remonte à plus de deux ans, le président du FC Sion botte en touche: «Ah bon, il y a bientôt une nouvelle audience? Aucune idée. Pour moi, l'affaire est réglée: Murat a démissionné et renoncé à son contrat. Sinon, demande à mon avocat».
«CC» se trompe de prendre ce dossier à la légère. Du moins selon nos recherches, qui montrent que cette «querelle» pourrait coûter plus d'un million au Valaisan. Comment est-ce possible, si Murat Yakin a lui-même démissionné? «Christian Constantin ne l'a pas licencié comme cela a été avancé à l'époque», précise l'avocat du boss de Tourbillon Alexandre Zen-Ruffinen.
Le «crime»: avoir découché
Pour comprendre, reprenons l'histoire depuis le début. Nous sommes le 5 mai 2019 et le FC Sion, devant ses supporters, prend l'eau de toutes parts. La défaite contre le tout-puissant YB (0-4) n'est pas le (seul) motif du courroux du président. Pas non plus la place au classement occupée par le club valaisan, un seul petit point devant le 9e rang synonyme de barrage.
Si «CC» a vu rouge, c'est en raison des circonstances d'une défaite à Zurich quelques jours plus tôt. «La nuit avant ce match que nous avons perdu 1-0, Murat Yakin et son staff n'ont pas dormi à l'hôtel de l'équipe, mais ailleurs. Ils ont laissé tomber l'équipe dans un moment crucial alors que la 3e place qualificative pour l'Europe était à portée du FC Sion. C'est complètement fou et incompréhensible. Je ne peux pas décrire ma déception», s'était-il étranglé à l'époque.
Le Valaisan tombe d'un peu plus haut encore lorsqu'il apprend que le scénario s'était déjà produit au début avril avant un match contre Thoune (remporté 2-1). «Murat me l'a confirmé», assure Christian Constantin. La confiance entre le président du FC Sion et son coach, qu'il idôlatrait au point d'avoir organisé une conférence de presse à Zurich (!) pour prolonger son contrat de trois ans, est rompue à tout jamais.
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«CC» a-t-il levé la main sur Yakin?
Ce qui devait arriver arriva: dans un communiqué, le FC Sion reproche un «comportement non professionnel» à Murat Yakin et son staff, envoyés «en vacances» de manière anticipée. Juste avant de valider son envoi, Christian Constantin avait communiqué sa décision à son staff et à son équipe dans une salle de conférence de son hôtel de Martigny.
C'est là, à l'intérieur de cette pièce sans décoration ni fenêtre, que s'est déroulée la scène qui doit à nouveau occuper les juges dans un futur proche. La question à plus d'un million: est-ce que Christian Constantin a physiquement attaqué Murat Yakin? Le président du FC Sion s'en défend vertement: «Je l'ai retenu par l'épaule lorsqu'il est sorti. Il y avait une cinquantaine de témoins dans la salle. Je n'aurais jamais agi violemment, je ne suis pas fou!»
Ce qui est sûr et ne fait pas débat en revanche, c'est que «CC» s'est adonné à des joutes verbales contre l'actuel coach de l'équipe de Suisse. Les médias s'en étaient donné à coeur joie à l'époque, collectant les perles: «Murat et son staff ne travaillent pas assez. Ils composent les programmes d'entraînement de manière à pouvoir rentrer le plus souvent à Zurich. Ce n'est pas un staff de travailleurs, mais de personnes qui ne pensent qu'à leur confort», accusait le boss de Tourbillon.
«Pas un mot de français!»
Autre passage, au moment de la «mise en vacances» prématurée: «Murat dispose de trois semaines pour se reposer. Après, je l'envoie pour trois semaines à un cours de langue intensif. C'est plus que nécessaire: il est là depuis septembre et il ne sait pas un mot de français!»
Ou encore: «Murat a 44 ans. Il est grandement temps qu'il apprenne à travailler correctement. Je vais le convoquer tous les matins à 8h pour un café et un rapport à la Porte d'Octodure. C'est le seul moyen de m'assurer qu'il soit présent. Et je validerai tous les plans d'entraînement», promettait Christian Constantin, évoquant un entraîneur qui ne serait «qu'un petit enfant qui prétend ne pas avoir mangé de Nutella alors qu'il en a plein autour de la bouche».
Le 23 mai 2019, l'avocat Kai Ludwig écrit dans un communiqué de presse que Murat Yakin a rompu son contrat avec le FC Sion au 10 mai 2019 sans préavis et pour justes motifs. «Cette décision est provoquée par des comportements contraires au droit du président du FC Sion Christian Constantin, qui a violé gravement et à plusieurs reprises les droits de Murat Yakin ainsi que son devoir de diligence en tant qu'employeur. Mon client réclame par conséquent l'intégralité du salaire qui lui est dû jusqu'à la fin de son contrat et fera valoir cette revendication devant les tribunaux si nécessaire.»
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Procédure encore en cours
Voilà où nous en sommes aujourd'hui. L'avocat a précisé cette semaine à Blick: «La procédure ouverte aux prud'hommes contre l'Olympique des Alpes SA est encore pendante aujourd'hui». Comme il s'agit d'une procédure en cours, aucune prise de position ne sera communiquée par Murat Yakin.
L'avocat de Christian Constantin Alexandre Zen-Ruffinen n'est pas plus loquace. Où en sommes-nous donc? Selon les informations de Blick, il y a déjà eu une première audition. La seconde est prévue en novembre. Murat Yakin veut faire valoir son salaire restant: deux saisons complètes à 500'000 francs, sans compter les primes. La facture totale pourrait se situer entre 1,2 et 1,4 millions de francs pour le FC Sion.
Les faits qui se sont déroulés à la Porte d'Octodure devraient peser lourd dans la balance. Est-ce que Christian Constantin est passé à l'acte ou non? «L'affaire» de l'hôtel à Zurich pourrait aussi jouer un rôle. Murat Yakin se défend en expliquant que l'établissement n'avait plus de chambres de libres. Le FC Sion assure avoir obtenu une version contradictoire de la part de l'hôtel.
Prochain round en novembre, donc. Sauf si les protagonistes parviennent à un accord avant cela.