Le temps grisonnant et la fine pluie de cet après-midi bâlois n'affectent en rien le moral de Germano Vailati, un homme qui prend visiblement la vie par le bon bout. Et au moment de s'approcher du lieu prévu pour le shooting photo, le sourire de l'ancien gardien du FC Sion s'illumine encore un peu plus. La raison? Une simple question. Trouve-t-il plus difficile d'arrêter un penalty ou de pêcher un poisson? La réponse fuse: «Un penalty, je pense», rigole-t-il.
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Le Tessinois le reconnaît sans peine, il n'a jamais été très bon dans cet exercice, ne stoppant d'après ses souvenirs que «deux ou trois tentatives». Un ratio moins bon qu'avec sa canne. Car, depuis tout jeune, Germano Vailati est un mordu de pêche. Une passion transmise par son père il y a maintenant plus de trente ans sur les bords du lac de Lugano. «Depuis, c'est devenu mon hobby, quelque chose de très différent du foot qui me permettait de me calmer et de me relaxer avant ou après un match.» Pour l'ex-professionnel, devenu entraîneur des gardiens des équipes M17 et M19 du FC Bâle, la nature est un lieu de ressourcement, loin du strass et du stress d'une carrière de «footeux» disputant presque chaque saison une Coupe d'Europe.
La pêche comme école de vie
Le Tessinois estime d'ailleurs que cette passion lui a permis de se surpasser au quotidien et de devenir ainsi l'un des gardiens les plus emblématiques de l'histoire du Championnat suisse. «J'ai eu des moments difficiles dans ma carrière, durant lesquels je me permettais de m'entraîner davantage et plus dur, car je savais que, le soir, j'allais pouvoir me détendre à la pêche et récupérer un peu, évacuer le stress de la journée et être prêt pour le lendemain.» Comme s'il allait suivre une thérapie, donc, Vailati profitait de chaque ouverture pour aller s'adonner à sa passion.
«J'ai toujours préféré investir mon temps libre comme cela plutôt que de sortir et d'aller dans des soirées. Dans le foot, c'est compliqué d'avoir des hobbys à côté. Il y a beaucoup de joueurs qui vont du foot à la maison et de la maison au foot et qui, durant leur temps libre, font des choses futiles, sans évoluer dans leur vie.» Et c'est justement ce qu'il tente encore aujourd'hui de faire au maximum, même si son emploi du temps est encore plus chargé qu'auparavant.
A l'eau avec Yann Sommer
Sur les bords des cours d'eau bâlois, des lacs de montagne valaisans ou de la Sitter à Saint-Gall, la pêche à la mouche a ainsi jalonné la carrière du portier aux 118 matchs de Super League. Passion que Germano Vailati a également pu partager avec certains de ses camarades de vestiaire. Olivier Monterrubio, Alberto Regazzoni et Arnaud Bühler à Sion ou Yann Sommer à Bâle. Tous sont allés s'initier ou s'exercer au lancer avec le Tessinois. Mais également le bien nommé Urs Fischer, entraîneur qu'il a connu au FC Bâle entre 2015 et 2017. «Nous étions en camp d'entraînement à Crans-Montana et j'avais pris ma canne avec moi, raconte Germano Vailati, amusé par ce souvenir. Je lui ai proposé de m'accompagner et, même s'il n'était pas très favorable au début, il a finalement aimé et s'est mis à la pêche à la mouche depuis.»
Au terme de sa carrière, conclue en 2018 avec cinq titres de champion de Suisse et deux Coupes, le Tessinois a décidé de se lancer pleinement dans sa passion, proposant de traverser le globe en sa compagnie pour aller pêcher. «Sans tuer», assure-t-il. Destinations possibles? La Patagonie, les Seychelles, la Bolivie ou encore le Soudan. «Lors des deux années qui ont précédé la fin de ma carrière, deux anciens hockeyeurs, Sandro Moggi et son frère Claudio, et moi avons dessiné les contours d'une agence de voyages de pêche que nous avons appelée Fishbreak.»
Grâce à la pêche, il a pu faire le tour du monde
Une idée qui a germé dans son esprit notamment au fil de ses différentes vacances et qui a donc pu se matérialiser en juillet 2018, une fois sa carrière de gardien mise derrière lui. Sans regret. «Durant toutes mes pauses de championnat, je suis parti à l'étranger et je me suis ainsi créé un réseau et de bonnes connaissances, explique-t-il. De 2018 jusqu'au début du covid, j'étais entraîneur des gardiens M16 du FC Bâle à 50% et je travaillais pour l'agence que nous avons créée. Nous organisions des voyages partout dans le monde.»
Deux années durant lesquelles l'ancien gardien du FC Sion a pu assouvir sa soif de découverte et pêcher de nombreuses espèces de poissons. Alors, au moment de voir les frontières se fermer et le monde s'arrêter de tourner, la déception n'a pas trouvé grande place dans la tête du Tessinois. Ce d'autant plus qu'il a pu partager son savoir et sa passion en Suisse, en proposant notamment des cours de lancer à ceux qui cherchaient à se perfectionner ou aux curieux sans expérience. Offre qui a su trouver son public.
Désormais à 100% au FC Bâle
Mais cet arrêt lui a également donné envie de revenir au ballon rond à plein temps. «Je suis encore jeune et en bonne condition physique, donc j'essaie de pousser avec le football. De plus, j'ai une grande expérience et c'est magnifique de pouvoir la transmettre à des jeunes qui ont de 17 à 19 ans, de laisser ma trace dans leur développement. Mon boulot, c'est de faire performer au maximum mes six gardiens et, pour bien le faire, il faut que je m'investisse à 100%. Je pourrai pêcher plus intensément à 60 ans», rigole-t-il.
De son côté, une fois la pandémie passée, l'agence a vu ses affaires reprendre et les voyages se remettre en place. Mais cette fois-ci sans une implication complète de Germano Vailati, qui répond tout de même présent lorsque l'on fait appel à lui. Souvent pour des conseils. Toujours avec grand plaisir. «J'aide les clients à choisir leur destination, à régler les derniers préparatifs si on me le demande», détaille-t-il. Mais la soif d'aventure et de pêche n'est jamais bien loin, et le Tessinois s'envole tout de même deux semaines par an à l'autre bout du monde avec un petit groupe d'initiés.
La pollution comme ennemi numéro un des pêcheurs
Quel a été le voyage favori du Tessinois? «Le Soudan et ses îles vierges, souffle-t-il après avoir hésité un peu tant les bons souvenirs sont nombreux. C'était la liberté totale, il n'y a pratiquement personne sur la mer soudanaise et la mer Rouge. Nous avons passé dix jours sur un bateau, sans réseau, avec un téléphone satellite. C'était magnifique et cela reste mon expérience préférée.» La situation s'est largement détériorée depuis. Outre la guerre qui a éclaté il y a maintenant un an dans la région, c'est la pollution qui, comme presque partout, fait des ravages.
«En 2023, un bateau de transport maritime s'est renversé quelques mois avant mon arrivée, regrette Germano Vailati qui assure, de son côté, compenser comme il le peut les émissions produites par ses voyages. Plusieurs énormes containers ont dérivé vers les îles vierges. Nous devions donc nous déplacer sur des Pampers et des seringues. Marcher sur des déchets dans des endroits qui n'avaient jamais vu d'hommes auparavant est très triste.»
«Les lois doivent changer»
Dans une moindre mesure, la Suisse et ses rivières souffrent aussi. La faute notamment à des lois «dépassées». «Nous aimerions que les choses changent. Les prescriptions datent d'il y a soixante ans, lorsque tout le monde pouvait tuer 50 poissons par jour sans rendre de comptes», peste l'ancien gardien professionnel. Celui-ci souhaiterait particulièrement protéger les poissons en apprenant aux pêcheurs à manier les truites, dont la population ne cesse de baisser, pour les laisser repartir ensuite sans dégât, quelques secondes après leur capture. «Beaucoup essaient de faire changer les choses, mais c'est très long dans notre pays. Cependant, la détérioration des cours d'eau va, elle, très vite.»
D'ici là, Germano Vailati, qui s'efforce de rester optimiste, souhaite continuer à faire découvrir sa passion. Notamment à ses jeunes neveux qui, à peine arrivés chez lui, demandent à leur oncle d'aller pêcher. «Un poisson qui n'a aucune valeur pour nous est la plus belle prise du monde pour les enfants. C'est beau à voir», conclut-il avant de s'en aller préparer l'entraînement de ses autres protégés, ceux qui portent des crampons aux pieds.