A ce jour, seuls cinq joueurs suisses ont passé la barre des 100 sélections: Heinz Hermann (118), Alain Geiger (112), Stephan Lichtsteiner (108), Stéphane Chapuisat (103)) et Xherdan Shaqiri (100). «Disputer 100 matches pour son pays est un honneur. Mais le simple fait de porter le maillot de l’équipe nationale est déjà un honneur, souligne Granit Xhaka dans un long entretien à Keystone-ATS.
«Je dois aujourd’hui remercier mes parents pour leur soutien. Mes coéquipiers et le staff également. Maintenant, ma carrière ne va pas s’arrêter après le match de mardi. Je n’ai que 29 ans. Je veux battre le record de sélections de Heinz Hermann. Il est largement à ma portée», lâche le joueur d’Arsenal.
Mais avant de partir à la chasse de ce record, Granit Xhaka a tenu à revenir sur les cinq grandes étapes de sa carrière internationale. De Wembley 2011 à Bucarest 2021, la route qu’il a tracée, si elle n’a pas vraiment ressemblé à une belle ligne droite, témoigne du caractère d’un joueur qui ne doute de rien et dont l’implication envers la sélection ne se discute pas.
Wembley 2011
Tout a commencé pour Granit Xhaka au printemps 2011. Après un terne 0-0 en Bulgarie, Alex Frei et Marco Streller annonçaient leur retraite internationale pour ouvrir la porte à la nouvelle génération. Ottmar Hitzfeld lançait ainsi Granit Xhaka dans le grand bain à Wembley pour une rencontre déjà capitale dans la course à la qualification pour l’Euro 2012 que la Suisse ne gagnera pas.
«Je me souviens très bien de la date du 4 juin 2011. C’est le jour où Ottmar Hitzfeld est venu frapper à ma porte pour me demander si j’étais prêt à jouer contre l’Angleterre. Je lui ai répondu que j’étais venu pour ça. Je me rappelle aussi que j’ai failli complètement craquer lors de l’hymne national. L’émotion était immense. Une première sélection à 18 ans dans un Wembley plein à craquer. C’était le premier match de la nouvelle génération. Ottmar Hitzfeld n’avait pas hésité à nous accorder sa confiance. Je lui en serai toujours reconnaissant.»
Sao Paulo 2014
Granit Xhaka a disputé son premier grand tournoi avec l’équipe A à l’occasion de la Coupe du monde 2014. Le Champion du monde M17 évoluait alors au Borussia Mönchengladbach. Il avait, on s’en souvient, clairement affiché ses ambitions avant de s’envoler pour le Brésil. «J’ai dans ma valise de quoi tenir jusqu’à la finale», avait-il glissé malicieusement. Mais le parcours de l’équipe de Suisse devait se conclure au soir d’un huitième de finale dramatique contre l’Argentine de Lionel Messi.
«J’ai eu la chance de disputer ma première Coupe du monde dans le pays du football. Ce fut un très beau tournoi avec ce huitième de finale contre Messi, Di Maria et Higuain. On rêve d’affronter de tels joueurs. Nous avons livré un très grand match. Je me souviens que le public brésilien nous avait soutenus d’une manière extraordinaire. Il s’en était fallu d’un rien pour que nous poussions l’Argentine aux penalties. Ce huitième de finale fut une expérience extraordinaire qui nous a vraiment enrichis.»
Lens 2016
Le 11 juin 2016, Granit Xhaka affronte avec la Suisse son frère Taulant qui joue pour l’Albanie. Ce duel fratricide, qui avait souri au cadet grâce à une réussite de Fabian Schär, fut pour le Bâlois le grand moment d’un Euro qui a laissé, au final, bien des regrets.
«Jouer un match international contre son frère n’est vraiment pas banal. Ce Suisse – Albanie restera à jamais, tant pour Taulant que pour moi, une partie extraordinaire. Après ce premier match, il y a eu bien sûr le huitième de finale de Saint-Etienne contre la Pologne. Nous avons été vite menés au score avant de marcher pendant plus d’une heure sur les Polonais. Je me souviens que nous avions bénéficié de tant de chances de gagner ce match avant les penalties. Et c’est moi qui ai été le seul à rater son penalty lors de cette séance. Ce fut terrible. Après, il faut être capable de se relever. Je crois avoir su le faire.»
Kaliningrad 2018
Buteur – comme Xherdan Shaqiri d’ailleurs – dans ce Suisse – Serbie de Kaliningrad pour la Coupe du monde 2018 qui n’était pas pour les deux compères un match comme les autres, Granit Xhaka garde un souvenir mitigé de cette rencontre. La joie de l’avoir gagnée 2-1 bien sûr, mais aussi le sentiment de s’être en quelque sorte brûlé les ailes ce soir-là avec toutes les polémiques suscitées par les célébrations des buteurs qui avaient mimé l’aigle albanais.
«Ce match contre la Serbie fut le plus poignant, le plus émouvant de ma carrière. Il y avait d’abord l’importance de l’enjeu. Nous devions le gagner pour nous qualifier pour les huitièmes de finale. Or, les Serbes ouvrent le score dans un stade acquis pratiquement à leur cause. Le match s’est durci. J’ai le bonheur d’égaliser et je fais alors un geste qui, sur le moment, m’est apparu opportun. Mais après, je me suis rendu compte qu’il m’avait coûté une énergie folle. Le huitième de finale de Saint-Pétersbourg contre la Suède fut l’un de mes pires matches en sélection. J’étais comme vidé. Tout ce qui avait pu être dit et écrit après la Serbie avait été bien trop pesant. Je retire de cette Coupe du monde 2018 une immense… frustration.»
Bucarest 2021
Trois ans après cette terrible désillusion contre la Suède, la Suisse du capitaine Granit Xhaka signe enfin l’exploit espéré depuis des années. A Bucarest dans une rencontre au scénario improbable, la Suisse élimine la France, Championne du monde en titre, de l’Euro 2021.
«Pour une fois, notre entame de la compétition fut mauvaise. Le nul contre le Pays de Galles et la défaite face à l’Italie ont fait naître bien des polémiques, souvent futiles d’ailleurs. Mais grâce à l’expérience acquise au Brésil, en France et en Russie, nous sommes parvenus à redresser la barre. Nous avons répondu sur le terrain. Et lorsque tu élimines le Champion du monde, tu prends conscience que tu peux réaliser vraiment de très grandes choses. La réussite ne nous a malheureusement pas accompagnés en quart de finale contre l’Espagne. Mais cet Euro 2021 demeure à ce jour, et de loin, mon plus beau tournoi.»
(ATS)