Evoquer 2006 avec Ludovic Magnin, c'est replonger l'actuel entraîneur du Lausanne-Sport dans d'excellents souvenirs. «Sincèrement, rien que de vous en reparler, j'ai la chair de poule!», lâche-t-il au milieu de la conversation, dix-huit ans plus tard. Ce tournoi, resté mythique dans l'imaginaire collectif, revient aujourd'hui sur le devant de la scène, car l'équipe de Suisse se rend à nouveau dans le grand pays voisin pour y disputer la phase finale d'un tournoi, l'Euro en l'occurrence cette fois.
100'000 Suisses à Dortmund
Si cette Coupe du monde 2006 est restée dans les mémoires de toute une génération de supporters et de joueurs, c'est aussi et surtout en raison de ce match à Dortmund, où 50'000 fans de la Nati ont formé un mur rouge au Westfalenstadion, tandis que 50'000 autres faisaient la fête en ville. «L'euphorie était folle. On avait réussi à créer quelque chose autour de cette équipe. Sincèrement, c'est le plus beau tournoi que ma génération a eu la chance de disputer. Tous les cadres étaient en forme et étaient arrivés à maturité», se remémore Ludovic Magnin, l'infatigable latéral gauche de cette équipe.
Sur la Nati
Pas de clan dans l'équipe cette fois
Surtout, l'osmose dans l'équipe était top. «On n'avait pas de clans, bien au contraire. Ma génération n'a pas vraiment connu cet aspect-là. Quand je suis arrivé, oui, c'était le cas, avec des tables pour les Alémaniques et des tables pour les Romands. Mais ensuite, non. On avait des Romands qui jouaient en Suisse alémanique ou même en Allemagne, comme moi, mais aussi des Alémaniques en France, comme Alex Frei, qui était à Rennes à l'époque», se souvient Ludovic Magnin, lequel a débuté en sélection en 2000, et se montre également reconnaissant envers Köbi Kuhn et Michel Pont pour leur gestion des temps libres lors de cette Coupe du monde 2006.
«Le staff a vraiment fait du bon boulot au niveau humain, ils ont trouvé le bon équilibre entre la nécessité d'être entre nous, de nous protéger, et le temps accordé aux familles. On a pu voir nos femmes et nos enfants et c'était important. Avec Ottmar Hitzfeld en 2010, on avait l'impression que le toit de l'hôtel nous tombait sur la tête. En Allemagne en 2006, c'était ouvert sans trop l'être, juste ce qu'il fallait», se souvient le Vaudois, lequel a encore plus apprécié ce tournoi parce qu'il se disputait en Allemagne, son deuxième pays de coeur après la Suisse.
«Je jouais mon plus beau football à cette époque»
«Pour ma génération, c'était déjà fort. Mais pour moi encore plus. Je peux le dire, il s'agit du plus beau tournoi de ma carrière internationale, le moment où je suis le plus fort. Sincèrement, je jouais mon plus beau football à cette époque.» Il vient alors de fêter ses 27 ans et s'éclate à Stuttgart, où il deviendra champion d'Allemagne en 2007, trois ans après l'avoir été en 2004 avec le Werder Brême. «J'étais dans mon jardin. En plus, avec ce premier match contre la France à Stuttgart, mon stade. C'était le top.»
Et puis, bien sûr, ce fameux match contre le Togo à Dortmund, avec ce mur rouge. «Et en plus, je suis décisif sur le 1-0 d'Alex Frei, en étant à l'origine de l'action», enchaîne Ludovic Magnin, qui garde évidemment un moins bon souvenir, beaucoup moins bon même, de l'élimination aux tirs au but face à l'Ukraine en 8es.
«Cette sortie, bien sûr que je l'ai en travers de la gorge.» Lui aussi interrogé par Blick, Michel Pont est persuadé que la Suisse aurait pu aller très loin si elle avait passé l'obstacle ukrainien. «Avec des si, on arrive à tout en football..., rétorque Ludovic Magnin. Mais oui, on se sentait forts. Quand on voit que la France arrive en finale et qu'on les avait dominés lors du premier match, on peut avoir des regrets légitimes. On avait vraiment le sentiment d'être une équipe dure à battre et on avait bougé la grande équipe de France. Nous avions eu 3 ou 4 grandes occasions de marquer, mais Fabien Barthez avait tout sorti.»
«On ne voulait pas que ça s'arrête»
Après l'élimination, un silence de plomb régnait dans le bus. «On était tristes. Dévastés. D'avoir perdu, d'un côté, mais aussi parce que cette belle aventure collective s'arrêtait. On était tellement bien entre nous qu'on ne voulait pas que ça s'arrête.» Le parcours de la Nati a cependant été stoppé net par Andreï Shevchenko et ses coéquipiers de la Zbirna.
Observateur attentif du monde du football, le Vaudois espère évidemment voir la Nati aller le plus loin possible lors de cet Euro. Voire même faire mieux que le 8e de finale de 2006.
L'euphorie autour de l'équipe était différente
«Je leur souhaite aussi de revivre ces moments au niveau de la liesse populaire, parce que c'est ce qui reste en premier, près de vingt ans après. La différence entre nos deux époques, au niveau de l'enthousiasme, c'est qu'on avait pu créer une euphorie collective et populaire durant la qualification. Il y avait moins de qualifiés, chaque faux-pas se payait cash et était éliminatoire. Et à chaque fois, on arrivait à s'en sortir, donc le public nous suivait à fond! Et puis, bien sûr, il y a cette double confrontation contre la Turquie en barrages qui a définitivement scellé le pacte entre le public et nous. C'est sûr que c'est plus dur de faire grandir une euphorie dans le pays quand on peut se qualifier directement en faisant quatre matches nuls de suite, mais cela peut aller très vite pendant le tournoi.» La Suisse de Vladimir Petkovic l'avait expérimenté à l'Euro 2021, avec deux premiers matches très compliqués, avant de vivre l'un des plus grands exploits de l'histoire de l'équipe nationale en 8es face à la France et de faire descendre tout le pays dans la rue.
La préparation du LS recommence lundi
Si Ludovic Magnin suivra tout ceci de près, il ne devrait pas avoir le temps de se rendre en Allemagne, sauf miracle, même pour un court aller-retour. La préparation pour la nouvelle saison de Super League recommence lundi, le 17, et il y a toute la planification à effectuer, les transferts à gérer... Le boulot du quotidien d'un entraîneur, loin de la folie insouciante de l'été 2006, laquelle reste cependant bien ancrée dans son esprit.