«Je crois en moi. Je pense que je peux sortir au moins un penalty lors de chaque séance», a souri Jordan Pickford après la victoire face à la Suisse, lors de laquelle il a sorti sa «botte secrète», cette gourde qui fait tant parler d’elle depuis samedi soir. Le gardien anglais y avait en effet inscrit où il devait plonger pour contrer le tir de chaque tireur suisse et cette «antisèche» lui a permis de dévier le penalty de Manuel Akanji, lequel a frappé exactement là où l’attendait Jordan Pickford. Celui-ci n’a cependant pas suivi à la lettre tout ce qui était écrit, faisant par exemple parler son instinct, à tort, sur l’envoi de Fabian Schär.
Le gardien anglais a été le héros de cette séance de tirs au but, lui qui devient de plus en plus un vrai spécialiste de l’exercice: il en est désormais à quatre tirs déviés sur quatorze envois dans les grands tournois, un ratio plus qu’appréciable. Et le «coup de la gourde» n’est pas nouveau pour lui, puisqu’il l’avait déjà expérimenté lors de la Coupe du monde 2018 contre la Colombie et très régulièrement avec son club d’Everton.
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Les Anglais ont pris les choses en main
Mais, aussi utile qu’elle soit, cette stratégie n’est pas la seule qui a permis à l’Angleterre de battre la Suisse aux tirs au but. Battus par les Italiens en finale de l’Euro 2021, et régulièrement moqués pour leurs lacunes dans ces séances, les Three Lions ont décidé de prendre les choses en main et ont mis en place plusieurs processus pour augmenter leurs chances de victoire dans cet exercice, qui n’a rien d’une loterie.
Si Cole Palmer, Jude Bellingham, Bukayo Saka, Ivan Toney et Trent Alexander-Arnold ont tous magnifiquement tiré leur penalty face à Yann Sommer, cela résulte d’un long travail psychologique et technique. Chacun des joueurs anglais est ainsi parfaitement préparé et suit une routine, qui commence dès le coup de sifflet final de l’arbitre. Les quelques minutes à disposition sont alors consacrées à la concentration, sans intervention extérieure. Contrairement à plusieurs de ses collègues, Gareth Southgate ne réunit pas tout l’effectif, staff compris, dans un immense cercle, mais ne s’adresse désormais qu’aux onze joueurs amenés potentiellement à tirer. Le but: éviter au maximum les interférences. Même le capitaine Harry Kane, sorti en cours de jeu, n’a pas été convié à ce moment!
«J’ai répété ce geste, j’étais prêt»
Ensuite, chaque tireur anglais a minutieusement préparé son envoi en amont, le répétant à l’entraînement et se visualisant en condition. «Lorsque l’entraîneur m’a annoncé que je devais tirer, mon rythme cardiaque ne s’est pas accéléré, je n’ai pas été surpris. J’ai répété ce geste, j’étais prêt. Je devais simplement me présenter et tirer, sans stress», a révélé Trent Alexander-Arnold. Les Anglais ont inversé le cours de l’histoire et progressé mentalement, ce que révèle également la technique dite de «l’ange-gardien».
Quand un tireur rate, le retour vers ses coéquipiers est long, pénible, douloureux. Plusieurs dizaines de milliers de spectateurs crient leur joie ou leur colère, les oreilles bourdonnent, le sentiment de solitude est immense. Alors, Gareth Southgate et son staff ont assigné un «camarade» à chaque tireur, lequel doit venir physiquement vers lui après son tir au but, réussi ou raté, comme un soutien moral et concret. Le tireur n’est plus seul au monde, il a un «ange-gardien» qui lui veut du bien. Anecdotique? Sans doute pas.
Gourde jetée dans les tribunes
L’Angleterre a ainsi comblé une lacune historique et est même devenue une référence dans cet exercice si particulier des tirs au but. Cela ne veut pas dire qu’ils n’en perdront plus jamais, mais au moins ont-ils évacué le traumatisme et la peur de s’avancer.
Légende du football britannique, désormais présentateur pour la BBC, Gary Lineker a cependant prévenu Jordan Pickford. «Maintenant que son truc est connu, je lui conseillerais, s’il m’écoute, de faire différemment en cas de nouvelle séance dans cet Euro. Il pourrait écrire les indications sur un papier ou directement sur le poteau!», a souri l’Anglais, connu pour son sens de l’humour décapant.
Il est vrai que l’exemple de la gourde peut être dangereux. En 2022, lors du barrage pour la Coupe du monde, le gardien péruvien Pedro Gallese avait usé de la même technique. Son adversaire australien Andrew Reydmane s’en était aperçu et l’avait jetée dans le public! Voilà qui aurait pu inspirer Yann Sommer samedi soir...