Deux conseillères nationales créent le malaise
«Je me réjouis de l'Euro, pour regarder des lesbiennes jouer au foot»

Les conseillères nationales socialistes Tamara Funiciello et Anna Rosenwasser sont critiquées pour des commentaires douteux sur les championnats d'Europe de football féminin prévus cette année en Suisse. Pourtant féministes, leurs propos ont choqué certaines sportives.
Publié: 14:01 heures
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Dernière mise à jour: 14:40 heures
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Cet été, la Suisse accueillera le championnat d'Europe de football féminin.
Photo: Pascal Muller/freshfocus
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Joschka Schaffner

Cet été, la Suisse accueillera le championnat d'Europe de football féminin. Ce qui constitue l'un des principaux événements sportifs de l'année est bien entendu aussi un sujet de discussion politique. Les conseillères nationales socialistes Tamara Funiciello et Anna Rosenwasser se sont exprimées sur le sujet dans le cadre de leur «revue de session féministe». Elles se sont alors distinguées avec des propos clivants sur la communauté lesbienne. 

«J'adore parler de l'Euro», a déclaré Anna Rosenwasser. «Car tout le monde pense ainsi que je m'intéresse au football, alors que je m'intéresse surtout aux lesbiennes qui font du sport.» La Zurichoise admet toutefois ne pas encore savoir si elle se rendra à un match. 

Un choix des mots discutable

De son côté, la Bernoise Tamara Funiciello a indiqué qu'elle avait obtenu 35 billets lors d'une vente de prélocations très prisée. Elle gère désormais ses précieux sésames au moyen d'un tableau Excel. Cet intérêt plus marqué pour le football ne l'a toutefois pas empêché d'utiliser les mêmes mots que sa collègue du Parlement: «Pendant un mois, je ne fais rien d'autre que de regarder des lesbiennes jouer au football», a-t-elle balancé.

Les déclarations de deux parlementaires datent, certes, du mois d'octobre. Mais depuis, Blick a appris qu'elles étaient sujettes à un débat controversé, y compris dans le milieu des footballeuses. Il faut dire que les deux conseillères nationales s'attaquent ainsi aux préjugés: une femme qui joue au football devrait forcément être lesbienne. Et ceux qui les regardent le font uniquement en raison de leur apparence.

Ces propos irritent certaines sportives, d'autant qu'ils sont émis par des femmes. Pourtant, Anna Rosenwasser, l'ancienne directrice de l'Organisation suisse des lesbiennes, s'est souvent engagée pour l'égalité de genre. «Être une personne ouverte signifie aussi apprendre quand c'est désagréable», avait-elle déclaré lors d'un débat avec la jet-setteuse Vera Dillier.

Lors du même événement, elle s'était aussi montrée très dure envers Thomas Gottschalk, un célèbre animateur allemand de radio-télévision: «Il peut continuer à afficher son attitude condescendante envers les femmes et leur corps. Cela nous montre à quel point il est encore considéré comme normal que les hommes puissent commenter impunément le corps des femmes», avait lancé la Zurichoise. Ses propres mots sur les footballeuses laissent donc songeur. 

Tamara Funiciello se défend

Si Anna Rosenwasser n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations, Tamara Funiciello, elle-même lesbienne, a défendu ses propos: «Je ne voulais évidemment pas dire par là que toutes les footballeuses étaient lesbiennes.» Mais la Bernoise estime dommageable que la qualification de lesbienne soit encore perçue comme une injure. «Comme si notre sexualité était une insulte...», soupire-t-elle.

Il faut rappeler que le football et la défense de la communauté lesbienne sont très liés en Suisse. Il y a un quart de siècle, l'Organisation suisse des lesbiennes est brusquement entrée dans la conscience publique lorsque le FC Wettswil-Bonstetten a dissous son équipe féminine parce que des lesbiennes y jouaient. «C'est alors que des footballeuses lesbiennes et hétérosexuelles se sont engagées ensemble pour leur droit à pouvoir faire du sport», explique la conseillère nationale.

Le sport a aussi joué un rôle majeur quand la Bernoise a décidé de faire son coming-out. «Megan Rapinoe, Ali Krieger, Jenni Hermoso... elles ont des enfants et sont ouvertement lesbiennes», affirme Tamara Funiciello. Pour elle, il est important d'avoir de tels modèles. Quoi qu'il en soit, la parlementaire reste grande supportrice de football et se réjouit beaucoup de l'Euro à domicile. «Le football féminin a gagné en visibilité et en pertinence ces dernières années et je souhaite qu'il soit désormais encouragé comme il se doit en Suisse aussi.»

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