Le premier chapitre du conte de fées de Breel Embolo s'écrit en août 2006 au Rankhof. Ce petit stade bâlois est situé à un kilomètre de la frontière allemande. Mais si l'on en croit le petit garçon alors âgé de neuf ans, il privilégie le basketball au football. La balle orange est la grande passion du Bâlois dans les premières années qui suivent son déménagement du Cameroun vers la Suisse.
Il faudra toute la force de persuasion d'un copain pour que Breel Embolo se rende à l'entraînement du FC Nordstern. Il y étonnera les spectateurs dès le premier contact avec le ballon. Helmut Hornung en faisait partie. Cet octogénaire peine désormais à se déplacer, mais ses souvenirs de ce moment sont bien présents. Pour Blick, il a ressorti le formulaire du premier passeport de joueur de Breel Embolo.
En le regardant, on imagine le garçon griffonner BREEL en lettres capitales en guise de signature, avant de se précipiter sur le terrain. «Il voulait toujours avoir le ballon. Techniquement, physiquement et avec sa vitesse, il était meilleur que tout le monde. Mais, il avait du mal à s'intégrer dans l'équipe», se rappelle Helmut Hornung.
Du «garçon à problèmes» à la star internationale
Breel Embolo a grandi dans la périphérie de Bâle, dans des conditions modestes. Les récits des prétendues bêtises du joueur de la Nati sont nombreux. «Je ne sais plus exactement ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, avoue Helmut Hornung. Mais son comportement était souvent problématique. Deux entraîneurs voulaient le mettre à la porte. J'étais alors responsable des juniors et j'ai osé hausser le ton. 'Tant que j'ai mon mot à dire à Nordstern, le garçon restera!' Sa mère m'a assuré que son fils allait faire des efforts et c'est ce qui s'est passé.»
Olivier Kapp est assis à côté d'Helmut Hornung. C'est le président de ce club de quartier bâlois, autrefois régulièrement présent en ligue nationale A, qui évolue aujourd'hui en 4e ligue. La veille, Olivier Kapp a suivi, avec d'autres membres du club, le premier match de la Coupe du monde des Suisses contre le Cameroun. «Nous avons un petit club de supporters. Tout le monde portait le maillot de la Nati floqué avec son nom.» Après le but victorieux d'Embolo, le petit groupe a explosé de joie et de fierté. «Qu'une star internationale comme Breel ait joué ici, c'est tout simplement génial!»
Cela fait longtemps que le joueur professionnel de l'AS Monaco n'est plus venu au Rankhof. La dernière fois, selon Helmut Hornung, c'était à l'automne 2015. «Quelques jours plus tard, il avait un match à Florence avec le FC Bâle. Breel m'a demandé si je pouvais lui donner quelques conseils pour les duels contre les défenseurs italiens. C'est tout simplement un type bien.»
Un frère protecteur
Changement de décor. A l'autre bout de Bâle se trouve le stade Schützenmatte, siège des Old Boys. Trois messieurs sont assis dans le restaurant du club. Les meilleures actions du match Suisse - Cameroun sont diffusées à la télévision. «Quand je le vois jouer comme ça, je le revois justement quand il était petit chez nous», s'extasie Balz Heusler, président de longue date et aujourd'hui président d'honneur de l'OB. André Moser et Gérard Huguenin, qui ont entraîné Embolo à la Schützenmatte de 2008 à 2010 avant qu'il ne rejoigne les juniors du grand FC Bâle, se souviennent aussi: «Quelqu'un de Nordstern m'a dit qu'il avait une future star, un gamin super talentueux, mais qui devait encore être formé.»
Venir à l'entraînement, avoir son équipement avec soi, être ponctuel, c'est ce que Breel Embolo a appris chez les Old Boys. Le petit Bâlois avait de la peine à arriver à l'heure. «Breel n'y pouvait rien, explique André Moser. Il devait souvent s'occuper de ses jeunes frères et sœurs parce que sa mère travaillait. Mais ses coéquipiers ont tout de suite compris que Breel devait jouer en match. Souvent, il dribblait les défenseurs à lui tout seul, mais laissait ensuite un autre marquer à sa place.»
Une mine d'or
Breel Embolo perdait le sourire que lorsqu'il se sentait injustement traité, par exemple lorsque l'arbitre sifflait mal. «Il se plaignait longtemps», raconte Gérard Huguenin, qui voit en l'entraîneur de la Nati, Murat Yakin, la personne idéale pour l'attaquant. «Yakin lui laisse des libertés parce qu'il en avait lui-même besoin en tant que joueur.»
Les deux années passées chez les Old Boys ne sont pas seulement synonymes de prestige pour le club, elles sont aussi rentables financièrement. Lors de ses transferts chiffrés à plusieurs millions à Schalke, Gladbach et Monaco, des contributions de solidarité à cinq chiffres ont été versées à la Schützenmatte. De l'argent dont le FC Nordstern aurait également pu faire bon usage – mais qu'il n'a pas reçu, car Breel Embolo a quitté le Rankhof avant son douzième anniversaire. «En revanche, explique le président de Nordstern, nous sommes, parmi les plus de 1000 clubs en Suisse, celui chez qui Breel a lacé ses chaussures pour la première fois. Et ça, ça n'a pas de prix!»