Leurs deux noms commencent par la même lettre. Un jour sépare leurs deux anniversaires. Kylian Mbappé, roi français du Mondial qatari, est né le 20 décembre 1998, l’année de la première Coupe du monde remportée par les Bleus. Emmanuel Macron, président descendu sur le terrain et féru de vestiaires, est né le 21 décembre 1977, plus d’une année après l’épique finale en Coupe d’Europe entre les Verts de Saint-Etienne et le Bayern de Munich de Beckenbauer.
Un tandem Mbappé-Macron? C’est la thèse préférée du locataire de l’Élysée. Avec force clichés et hugs dimanche soir sur le stade de Lusail, et dans le vestiaire de l’équipe de France, vaincue par l’Argentine aux tirs au but. Tandis qu'au bout de la nuit pluvieuse en France, plus de 200 personnes ont été interpellées pour violences par la police.
Le problème est qu’une fois de plus, le plus jeune chef de l’État français de l’histoire contemporaine s’est pris les pieds, à l’issue de cette finale épique, dans le tapis de son caractère. De son âge. Ou de sa communication. Trop de tapes amicales dans le cou des joueurs, abattus par la défaite. Trop de mots dits à leur oreille, après le séisme des penalties ratés. Un trop long discours dans un vestiaire transformé en chapelle ardente de la défaite.
Sans parler du tsunami de critiques et de blagues sur les réseaux: de la dénonciation de l’empreinte carbone du vol aller-retour de l’Airbus A 320-200 présidentiel, aux plaisanteries sur Mbappé, prié par ce président qui a promis de réformer le système de retraite… de travailler jusqu’à 65 ans. Vrai fan de foot et de l’Olympique de Marseille, Emmanuel Macron en a trop fait. Au point qu’on se demande ce qu’il lui restera à dire, ce lundi soir, lorsque les 23 joueurs retrouveront, place de la Concorde, la foule de leurs fans parisiens.
Trop? Sans doute pour le public français, même pour les fans de foot. Mais peut-être pas pour le reste du monde. Ce qui revient une fois de plus à s’interroger sur la marque que ce président qui se rêvait en PDG d’une «start-up nation» cherche vraiment à laisser derrière lui. La preuve? Il sera déjà, ce lundi, passé à autre chose: en chef des armées sur le porte-avion Charles de Gaulle en Méditerranée. Pour illustrer, avec force images, la puissance de la France.
Dans le vestiaire avec les Bleus
Mais revenons au foot. Quel autre chef d’État se serait ainsi précipité sur le terrain pour prendre dans ses bras le buteur qui renversa le match à la fin de la seconde mi-temps? Qui d’autre est venu, comme lui, à la rescousse du Qatar mis en cause dans l’affaire de corruption au Parlement européen?
La volonté de ne pas faire comme les autres est manifeste. Tout comme le besoin de rendre à l’Émirat ce qu’il a fourni depuis des années à la France comme bons et loyaux services. «Je suis totalement à l’aise avec ça, avait prévenu Emmanuel Macron à Bruxelles, lors du sommet européen intercalé entre la demi-finale et la finale. Il y a quatre ans, j’ai soutenu l’équipe de France en Russie, et je la soutiens au Qatar.»
L’acte est revendiqué. Macron se voit comme le metteur en scène de la vitrine France. Et quel meilleur produit à l’exportation que les Bleus et leur (désormais) mythique défaite du 18 décembre 2022?
Un dribble très politique
«Aujourd’hui, Macron voulait être à nouveau au Qatar, un endroit où de nombreux dirigeants politiques ont évité de se faire voir, estimait dimanche le quotidien espagnol «El Mundo». La preuve en a été la cérémonie d’ouverture de ce Mondial, à laquelle ont assisté presque exclusivement des dirigeants arabes. Le succès, cependant, était trop tentant pour lui pour le laisser filer.»
Un dribble très politique, qui l’a conduit, à tort, à garder trop le ballon. «Accroupi sur la pelouse après le coup de sifflet final, le chef de l’État, qui avait affirmé qu’il fallait séparer le foot de la politique, s’est laissé filmer essayant de consoler Mbappé, prostré sur lui-même, assène l’éditorial de ce lundi du quotidien de gauche «Libération». Le jeune prodige français l’a complètement ignoré. La récré est décidément bien finie.»
Emmanuel Macron, on le sait, ne pourra pas se représenter en 2027. Mais il lui reste un slogan mondialisé pour demain et après-demain, dans une France qui a selon lui tant besoin d’exploits pour sortir de sa déprime chronique: «Mbappé président»!