Le président français rassure l'Émirat
Pour Paris et pour les Bleus, pas question de «Qatar Bashing»

L'Émir du Qatar peut être rassuré: en France, où son pays a investi des sommes colossales depuis des décennies, le sommet de l'État lui reste acquis. Pas question de «Qatar Bashing» à l'Élysée, alors que les Bleus ont réussi leur début de Mondial.
Publié: 28.11.2022 à 06:21 heures
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Dernière mise à jour: 28.11.2022 à 12:03 heures
Le président français a mis samedi un coup d'arrêt, via Twitter, au «Qatar Bashing» qui commençait à poindre en France. Pour Emmanuel Macron, l'Émirat «peut compter sur le soutien» de Paris, vu les «changements concrets» intervenus dans le pays.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Logique. Implacable. Réaliste. En un tweet publié à la mi-temps du match France-Danemark, Emmanuel Macron a signé la fin de partie française pour le «Qatar Bashing». Pas question de remettre en cause les bonnes relations entre l’Émirat fournisseur de gaz et propriétaire du Paris Saint-Germain, et la République supposée prendre la défense des opprimés et des droits de l’homme.

«Des changements concrets sont à l’œuvre. Le Qatar s’est engagé dans cette voie et doit continuer. Il peut compter sur notre soutien», a asséné samedi le locataire de l’Élysée. Circulez, il n’y a rien à voir. Ou presque…

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Logique, vu l’importance des investissements qataris en France et l’implication passée de Nicolas Sarkozy dans l’attribution de ce Mondial à l’Émirat. Pas besoin de faire un dessin, l’évocation d’un déjeuner suffit.

Le 23 novembre 2010, Nicolas Sarkozy reçoit à sa table présidentielle le prince héritier du Qatar et le président de l’UEFA Michel Platini. Au menu, un seul sujet: comment faire pour que le Mondial puisse atterrir dans les sables qataris. C’est là que tout se joue ou presque. Le poids politique, diplomatique et footballistique des deux interlocuteurs de Tamim Ben Hamad Al Thani (devenu depuis Émir du Qatar) est de nature à faire basculer le choix de la FIFA.

Deux notes classées secrètes

On sait maintenant que deux notes classées «secret» figurent sur la table de l’Élysée. Des notes qui, selon le quotidien «Le Monde», ne seront librement communicables «au plus tôt qu’à compter de novembre 2038, et peut-être seulement en novembre 2063 en ce qui concerne le second (ndlr: dossier)». Sauf à disposer, avant cela, d’une autorisation préalable que pour l’heure, Emmanuel Macron ne semble pas avoir l’intention de donner…

Implacable, ce tweet présidentiel du week-end, au vu surtout de ce que représente le Qatar en France. Outre le club de football du Paris Saint-Germain, acquis en 2011 par une société d’investissement de l’Émirat, l’argent qatari irrigue la capitale française. Hors l’hôtellerie et les investissements de particuliers, les acquisitions d’immeubles parisiens estampillées «Made in Qatar» s’élèveraient à près de 5 milliards d’euros.

S’y ajoutent des participations financières dans des groupes de premier plan de l’Hexagone comme Vinci, Total, Suez, Airbus ou Hachette-Lagardère. Le journaliste Christian Chesnot, fin connaisseur du pays, a décrit avant l’ouverture du Mondial les tentacules français de l’émirat dans le livre «Qatar, les secrets d’une influence planétaire, en 100 questions» (Ed. Tallandier).

Propension française à tendre la main

Son constat? Une propension française à tendre la main, encore plus forte à l’approche du Mondial que les années précédentes. Lesquelles avaient été décrites par l’auteur dans un précédent livre au titre sulfureux «Nos très chers émirs» (Ed. Michel Lafon, 2016). «Je n’ai jamais vu cela, auparavant! expliquait dans l’ouvrage un ambassadeur qatari. J’ai fréquenté des politiques partout; mais aucun ne s’est comporté comme certains Français, aucun ne m’a demandé de l’argent aussi abruptement, comme si c’était naturel, comme si on leur devait quelque chose! On n’est pas une banque.»

Retrouvez Richard Werly sur «Les Informés» de France Info

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Réaliste, enfin, ce tweet avant tout destiné à mettre un terme aux appels lancés aux Bleus par plusieurs responsables politiques français ces derniers jours. Sous la pression de l’opposition de gauche et des organisations de défense des droits de l’homme, la Première ministre, Élisabeth Borne, y était allée de son quasi-feu vert à la dissidence: «Il me paraît une bonne chose que les joueurs puissent s’exprimer sur les valeurs que nous partageons évidemment entièrement, tout en respectant les règles du tournoi», avait-elle déclaré à Berlin, où la main sur la bouche des joueurs allemands a été saluée.

Les Bleus et la liberté d’expression

Idem du côté de la ministre française des Sports, pour laquelle «les Bleus sont libres d’expression» et le fait de porter un brassard arc-en-ciel pour soutenir la cause LGBT n’est pas «un sujet fermé». Et après? Que faire si le onze tricolore continue d’avancer dans la compétition? Emmanuel Macron, avec son rappel à l’ordre, a sans doute voulu éviter de nouveaux dérapages.

On connaissait Sarkozy le Qatari, version années 2010, droit dans ses bottes encore aujourd’hui puisque l’ancien président a toujours défendu, au Conseil d’administration du groupe Lagardère, le fonds souverain du Qatar qui en est l’un des actionnaires. Voici Macron le Qatari, version années 2020, résolu aussi à calmer le jeu alors que depuis 2019, date de l’ouverture d’une information judiciaire pour corruption, le Parquet national financier français cherche à savoir si la France a monnayé son soutien en échange de contreparties.

Entre les commandes de Rafale et le tramway de Lusail

Pas question, par exemple, de rentrer dans une zone de turbulences au moment où les 36 avions Rafale commandés par le Qatar en 2015 sont en train de finir de lui être livrés et sillonnent déjà le ciel du Golfe Persique. Trente-six autres appareils pourraient d’ailleurs être commandés par l’Émirat après la fin du Mondial. Pas question, non plus, de rouvrir le dossier de la participation de plusieurs constructeurs français dans l’édification des stades du Mondial.

Pas question, enfin, de porter atteinte au contrat de 2 milliards d’euros signé pour le tramway de la ville nouvelle de Lusail (accolée à Doha) par le groupe français Alstom associé à Qatari Diar Vinci Construction (QDVC), soit… à un autre groupe tricolore.

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«Ces projets de mobilité urbaine au Qatar mobilisent plus d’une dizaine d’entreprises françaises, que ce soit dans l’ingénierie (Egis, Systra, Arep), dans la construction (Vinci), dans la fourniture de matériel roulant (Alstom), dans la signalisation (Thales) mais aussi dans l’opération d’actifs», argumentait une note du Ministère français des finances publiée le 31 janvier 2022. On s’y félicitait du fait qu'«au-delà des extensions du réseau de transports en commun ferré, les solutions de 'dernier kilomètre' constituent des opportunités».

Le Qatar, la France et Emmanuel Macron, ce président résolu depuis son premier mandat à défendre l’attractivité française? Bien plus qu’une histoire de ballon rond et de liberté d’expression pour les footballeurs…

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