Hassan al-Thawadi est le grand patron de la Coupe du monde de football. Il a fait venir le tournoi au Qatar et dirige désormais le Comité suprême qui organise le tournoi. Aujourd’hui – deux semaines avant le coup d’envoi à Doha – Hassan al-Thawadi est au centre d’un scandale. Selon les recherches de «SRF Investigativ», il a supervisé une opération d’espionnage à grande échelle contre la FIFA.
Le nom de code de l’opération annonçait la couleur: «Impitoyable». C’est ainsi que les Qataris ont appelé le programme avec lequel ils ont espionné pendant des années des hauts fonctionnaires de la Fédération internationale de football. Avec l’aide d’ex-agents de la CIA, ils ont mis sur écoute les comptes e-mail et les téléphones, les chambres d’hôtel – les amis et les familles des membres de la FIFA auraient même été espionnés. L’objectif était d’éviter que le Qatar ne perde à nouveau la Coupe du monde en raison des critiques massives dont il fait l’objet.
Blick a enquêté sur le réseau du Qatari: le fait qu’Hassan al-Thawadi ait été impliqué dans l’opération d’espionnage est explosif. Le chef de la Coupe du monde n’est pas seulement en contact avec le président de la FIFA Gianni Infantino, mais il est lui-même à la tête d'une entreprise liée à l'organisation.
Hassan al-Thawadi est président du Conseil d’administration de la «Fifa World Cup Qatar 2022 LLC», une coentreprise entre le Qatar et la Fédération internationale de football. La FIFA détient 51% des parts de l’entreprise. Celle-ci est en grande partie responsable de l’organisation du tournoi et, selon la Fifa, elle est notamment chargée des «services aux équipes, des sites d’entraînement, des bénévoles, de la gestion des invités, de la logistique, de la restauration et de l’accréditation».
Pas de réaction de la FIFA
Dans sa fonction de chef de l’entreprise, Hassan al-Thawadi travaille directement avec les cadres les plus haut placés de la FIFA. La direction, composée de neuf membres, comprend notamment: Fatma Samoura, secrétaire générale de la Fédération internationale de football et donc la deuxième plus haute fonctionnaire de l'organisation derrière Gianni Infantino, Zvonimir Boban, secrétaire général adjoint, Colin Smith, directeur de la compétition et Emilio Garcia Silvero, chef du Département juridique.
Avec Hassan al-Thawadi, la FIFA a donc un espion dans ses propres rangs. Et que fait la Fédération internationale de football? Elle se tait – comme souvent. Le service de presse est resté muet à la demande de Blick.
Des questions se posent, à commencer par la suivante: la FIFA se tait-elle face à ce scandale parce qu’elle veut protéger les Qataris? Theo Zwanziger, ancien président de la Fédération allemande de football et membre du puissant comité exécutif de la FIFA jusqu’en 2015, le soupçonne fortement: «C’est un tel scandale. Il faudrait que les responsables s’en saisissent. Le président Gianni Infantino, serait le premier. Mais il ne le fait évidemment pas, parce qu’il est un vassal du Qatar».
Le président de la FIFA habite lui-même au Qatar...
Theo Zwanziger est lui-même une victime de l’opération d’espionnage. Dans une interview accordée à la «NZZ» de vendredi, il déclare: «Je n’ai rien remarqué. C’est ce qui est perfide dans tout cela. Car dès que l’on s’aperçoit de quelque chose, on peut se défendre.» Le silence de la FIFA ne l’étonne pas: «Comme nous le savons tous, il n’y a absolument rien à attendre de ce côté-là. Le président Infantino a entre-temps transféré son domicile au Qatar et s’est ainsi fait l’otage des dirigeants de ce pays.»
Au début de l’année, Blick a rendu public le fait que le président de la FIFA habite effectivement entre-temps majoritairement à Doha et qu’il y a également scolarisé deux de ses filles. Une preuve supplémentaire de la proximité malsaine entre la Fédération internationale de football et les cheikhs de l’émirat.
Le fait que le patron de la Coupe du monde Hassan al-Thawadi soit personnellement impliqué dans cette opération d’espionnage pourrait en étonner plus d’un. L’ancien président de la FIFA Sepp Blatter a dit un jour à son sujet: «Si j’étais encore président, j’engagerais Hassan immédiatement. Il a un rayonnement humain et est un atout pour cette Coupe du monde.» Depuis, le Valaisan a sans doute changé d’avis. Car les Qataris avaient aussi des vues sur son ancien conseiller, le Suisse Peter Hargitay. Ce dernier se montre très critique envers la Coupe du monde dans l’Etat du désert.
Cette semaine, Sepp Blatter a déclaré à la SRF: «Cela m'a surpris qu’il y ait eu une affaire d’espionnage organisé au sein de la FIFA, c'est inquiétant.»