Les images de ce 2 décembre 2010 à Zurich sont restées gravées dans la mémoire collective du monde du sport. Un Sepp Blatter plutôt décontenancé déplie un papier et s’exclame: «Qatar».
Pour le petit émirat du golfe Persique, ce moment a été un grand triomphe. Face à de puissants concurrents comme le Japon, l’Australie, la Corée du Sud et les Etats-Unis, une monarchie de moins de trois millions d’habitants a obtenu l’organisation de la Coupe du monde de football 2022 dans son pays.
Mais chez tous les autres, la décision des 22 fonctionnaires de la FIFA a suscité des réactions oscillant entre l’amusement, le cynisme et l’horreur. Même le président de la FIFA, Sepp Blatter, a avoué plus tard avoir voté pour les Etats-Unis et a vivement critiqué la décision d’attribuer la compétition au Qatar. Il a également désigné les coupables: l’ancien président de l’UEFA Michel Platini et le président français de l’époque Nicolas Sarkozy auraient fait pression en coulisses en faveur du Qatar, et ce par tous les moyens. Ce que tous deux nient catégoriquement.
Un homme: Mohamed bin Hammam
Ce qui est impressionnant, en revanche, c’est l’imbroglio juridique et politique qui a suivi l’attribution de la Coupe du monde jusqu’à aujourd’hui. Des accusations de corruption ont très vite fait surface. L’impitoyable justice américaine a rapidement mis hors d’état de nuire d’importants représentants de la FIFA. Dans le sillage des Américains, le Ministère public de la Confédération (MPC) n’a pas tardé à enquêter. Les remous provoqués par des rencontres non consignées entre Gianni Infantino, le successeur de Sepp Blatter à la présidence de la FIFA, et Michael Lauber, procureur général de la Confédération, ont même amené ce dernier à perdre son poste.
En novembre, le MPC a porté plainte contre Sepp Blatter et Michel Platini pour un virement de la FIFA au Français. Les deux fonctionnaires, qui ne sont toujours pas inquiétés pénalement, bénéficient de la présomption d’innocence.
Lorsqu’il est question des implications problématiques du Qatar dans le football mondial, il est toujours question d’une personne: Mohamed bin Hammam. L’ancien président de la fédération qatarie de football et haut fonctionnaire de la FIFA aurait déjà joué un rôle peu glorieux lors de l’attribution de la Coupe du monde à l’Allemagne en 2006.
Les enquêteurs ont découvert un versement de 6,7 millions d’euros de la Fédération allemande de football (DFB) au Qatar avant la décision. Bin Hammam a confirmé cette transaction par la suite.
Dans cette affaire également, le Qatari a indirectement occupé la justice suisse. Dans le cadre du processus de l’attribution de la Coupe du monde à l’Allemagne, les hommes de Michael Lauber ont tenté de prouver la complicité de fraude de fonctionnaires allemands, autour de la légende Franz Beckenbauer. L’abandon du procès a été une débâcle pour les procureurs.
Une influence plus coûteuse
Autrefois proche de Sepp Blatter, bin Hammam s’est détourné de ce dernier et a même voulu lancer en 2011 sa propre candidature à la présidence de la FIFA, qui n’a toutefois pas abouti. La même année, la commission d’éthique de la fédération l’a suspendu à vie pour corruption. Néanmoins, il est considéré comme l’homme décisif qui a convaincu le comité exécutif de la FIFA d’organiser la Coupe du monde dans son pays.
Tirant les leçons de ces scandales, la FIFA a adapté la procédure d’attribution: ce ne sont plus 22 membres du comité exécutif qui décident, mais le congrès avec les 207 représentants de toutes les fédérations. Si influence il y a toujours, elle est désormais plus coûteuse.