On m'a dit «Muscle tes titres, David», alors j'y vais. Mais sans assumer complètement. D'où ce point d'interrogation. Il a le mérite de laisser la question ouverte, de lancer une discussion, et de me donner l'opportunité de défendre une assertion qui peut paraître tirée par les cheveux.
Et pourtant.
Ce qui est sûr, c'est qu'on ne l'a pas vu arriver, ce Lausanne-Servette de samedi, 17ème journée de Super League. La billetterie, d'ailleurs, ne s'emballe que depuis mercredi. Le club vaudois a bien envoyé un duo accordéon-guitare chuchoter à la gare de Genève, l'initiative a fait plouf. Dans le lac. Vous savez, celui dont le débat sur le nom était devenu l'un des seuls moyens de maintenir en vie une rivalité qui, jadis, n'avait pas besoin de ça pour exister.
Le 2 juin 1999, date de la victoire historique de Servette 5-2 à la Pontaise dans une finalissima comme seuls YB, Bâle et Zurich nous en ont offert depuis, a représenté un sommet dont les deux clubs n'ont longtemps fait que redescendre. Pendant deux ans encore, au tournant du siècle, ils ont lutté ensemble dans la première moitié du tableau avant de passer, l’un après l’autre, par la case football des talus. Après ce passage dans les limbes du football suisse, ils ont longtemps fréquenté, à tour de rôle ou ensemble, la Challenge League.
Depuis trois ans, alors que Servette cimentait son retour parmi les équipes de pointe de notre championnat, le Lausanne-Sport a encore fait un aller-retour en deuxième division avant de nous apparaître aujourd'hui... stable. Un adjectif qu'on aurait bien eu de la peine à lui accoler récemment encore. Or, il faut le constater: Un club qui se structure dans les bureaux, sur le point de nommer un directeur sportif, emmené par un entraîneur qui semble avoir avec son équipe trouvé ses marques dans sa nouvelle catégorie de jeu, et suivi par un public qui prend goût à son stade, ça doit inciter à l'optimisme. Avant la déroute contre Grasshopper, le LS restait sur 14 points en six matches. En ce week-end où l'on franchit la moitié de la première phase de championnat, le top 6 est un objectif crédible.
Servette joue le titre, Lausanne l'Europe
Si je disais plus haut que l'arrivée de ce derby était passée inaperçue, c'est surtout de la «faute» de Servette. Ces derniers temps, les événements foot ne font que se bousculer au bout du lac. Depuis quelques mois, entre la qualification héroïque pour l'Europa League, le Stade de Genève plusieurs fois plein, le scénario du match contre le Sheriff, Mourinho regardé les yeux dans les yeux, la présence sur tous les tableaux pour 2024 et les sept victoires consécutives en championnat avant le nul à Berne, difficile de savoir où donner de la tête. Une évidence s'impose toutefois: Servette joue bel et bien le titre.
C'est surtout en cela que le derby de ce week-end doit interpeller et susciter un intérêt et une mobilisation des deux côtés. Ce n'est plus «que» celui des souvenirs ou du nom du lac ou des gueules élastiques contre les pêcheurs, pendant que les Suisse-Allemands jouent entre eux les matches qui comptent. C'est un derby qui a pour enjeu la lutte pour la 1ère place pour l'un, l'Europe pour l'autre, sans parler de la volonté de tout faire pour que le rival ne gagne pas de titre. C'est de ces contextes-là que naissent les grands matches, les souvenirs indélébiles, l'amour pour un sport chez les jeunes générations.
Alors ne boudons pas notre plaisir, et passionnons-nous pour ce Lausanne-Servette. En attendant le prochain derby lémanique du siècle. En mars sûrement.