Une nouvelle étoile de la Nati est née: que ce soit lors du match nul contre l’Italie ou du 4-0 contre la Bulgarie, le jeune Noah Okafor a ébloui la Suisse.
Mais qui est la jeune star du Red Bull Salzbourg? Sa mère, Nicole, et son père, Christian, ont confié à Blick l’histoire de leur famille, les attaques racistes auxquelles ils ont dû faire face et pourquoi l’amour passe avant tout chez eux.
Blick: Nicole Okafor, votre fils Noah a marqué son premier but avec la Nati contre la Bulgarie lundi soir, et a ouvert le score lors de cette rencontre. Qu’est-ce que vous avez ressenti?
Nicole: Mon cœur de maman battait la chamade. C’était tout simplement magnifique.
Étiez-vous au stade?
Nicole: Pas moi, je n’aime pas trop la foule. Mais toute la famille y était.
Christian: C’est-à-dire moi, nos trois autres fils et notre fille.
L’histoire de votre famille est tout à fait passionnante. Vous, Nicole, êtes originaire d’Aesch (BL) et vous, Christian, êtes arrivé en Suisse depuis le Nigeria.
Christian: Oui, j’ai pris la fuite parce que je n’avais pas de perspectives d’avenir au Nigeria. J’ai grandi dans la pauvreté la plus totale, nous dormions à six dans une pièce sur des nattes en carton. Quand on vit ce genre de choses, cela nous marque énormément.
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Comment vous êtes-vous rencontrés?
Christian: J’ai fui en Autriche, à Vienne, et j’y suis resté six mois, mais je n’ai pas trouvé de travail. J’ai ensuite trouvé un emploi à Munich, où je suis resté cinq ans. Au début des années 1990, j’ai rendu visite à un ami à Bâle, où j’y ai rencontré ma femme.
Nicole: À cette époque, je n’étais pas vraiment du genre à sortir. Mais une de mes amies devait partir en vacances et m’a dit: «Viens avec moi, s’il te plaît! Et si l’avion s’écrasait? On ne se reverrait plus jamais». Je suis partie avec elle et j’ai rencontré Christian. J’ai eu un coup de foudre. Il était tellement aimable et toujours souriant. C’est ce que nous avons essayé de transmettre à nos enfants: toujours garder les pieds sur terre, et aller chercher l’amour à l’intérieur de soi. L’amour, c’est l’énergie la plus élevée de chaque être humain.
Christian: J’ai trouvé du travail comme mécanicien automobile. J’ai toujours travaillé, je n’ai jamais eu de problème avec la loi. Pourtant, j’ai quand même dû me rendre de temps en temps au poste de police.
Pourquoi?
Christian: Parce que je suis noir, tout simplement.
Nicole: C’était culturellement difficile pour nous. Beaucoup de gens me demandaient comment je pouvais être avec un homme à la peau noire.
Noah a-t-il aussi été victime de racisme?
Christian: Un épisode en particulier l’a beaucoup marqué, lui et ses frères et sœurs. En 2016, les trois garçons jouaient au FC Bâle, deux y sont toujours d’ailleurs. Je suis allé les chercher à l’entraînement, j’ai été contrôlé et j’ai dû montrer tous mes papiers d’identité. Une fois que j’ai récupéré les enfants et que je suis reparti, on m’a contrôlé à nouveau et ça a duré une demi-heure. Les garçons étaient furieux, ils ont dit au policier qu’il faisait ça parce que nous étions noirs.
Nicole: Mon mari a souvent été maltraité par les policiers. Ça n’a pas été facile à vivre pour les enfants.
Christian: D’un autre côté, je comprends aussi les forces de l’ordre. Beaucoup de mes compatriotes s’intègrent mal. Ils viennent en Suisse, dans un nouveau pays, et ont une nouvelle chance dans un endroit avec des règles et où tout le monde travaille. Et que font-ils? Ils vendent de la drogue. Comment peut-on gâcher une chance comme ça? C’est dégoûtant. Je ne comprends pas. C’est aussi pour ça que je n’ai que très peu de contacts avec mes compatriotes.
Êtes-vous retournés au Nigeria depuis?
Nicole: Oui, trois ou quatre fois en famille.
Est-ce que cela a toujours été une évidence que Noah jouerait pour la Suisse?
Christian: Bien sûr. C’est aussi ma patrie aujourd’hui.
Comment était-il quand il était enfant?
Nicole: Il a toujours exprimé clairement ce qu’il voulait. Lorsque les choses ne se passaient pas comme il l’espérait, il pouvait «faire la gueule» et entrer dans une colère telle qu’on pouvait voir ses veines sortir de son cou. Il a toujours eu les idées très claires et s’est inscrit lui-même au FC Arisdorf à l’âge de 9 ans. Personne ne lui disait ce qu’il devait faire. Il s’est bien adapté à Salzbourg même si c’était difficile pour lui d’être pour la première fois loin de sa famille, tout seul au début de la pandémie de Covid-19.
Pourquoi a-t-il quitté le FC Bâle?
Nicole: C’était bon pour son développement sportif.
Christian: Tout était lié à la démission de Marco Streller. Il y avait beaucoup d’agitation et de discussions au sein du club, l’entraîneur Marcel Koller ne pouvait pas travailler tranquillement. On ne voyait pas de perspective pour qu'il franchisse un cap.
Vos deux plus jeunes fils, Isaiah, 16 ans, et Elijah, 18 ans, jouent aussi au FCB. Lequel des trois est le plus talentueux?
Christian: Bonne question (rires).
Nicole: Chacun est unique à sa manière. Notre fille Sona, 23 ans, a joué au volley-ball et fait de la danse, Joel, 28 ans, est dans le fitness et la nutrition.
Quelle est la prochaine étape pour Noah après Salzbourg? Le RB Leipzig?
Christian: Question suivante.
Est-ce qu’il donne souvent des nouvelles depuis l'Autriche?
Christian: J’y vais souvent de mon côté.
Nicole: Tous les jours. La distance n’affecte pas l’amour dans notre famille.
(Adaptation par Louise Maksimovic)