Une petite voix dans le crâne
Rien de tel qu'une bonne insulte pour se motiver durant une course

Quand la course est lancée, les athlètes doivent réaliser la meilleure performance possible. Pour cela, certains se motivent parfois de manière peu orthodoxe. Blick en a interrogé cinq à ce sujet.
Publié: 29.10.2022 à 09:33 heures
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Dernière mise à jour: 29.10.2022 à 09:55 heures
En plein effort, les athlètes pensent à différentes choses. Mais rarement à leur lessive.
Photo: keystone-sda.ch
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Matthias DavetJournaliste Blick

La course est lancée. Durant les dix secondes, deux minutes ou trois heures qui vont suivre, les sportifs vont tout donner pour arracher un résultat digne de ce nom. Bien sûr, leur entraînement des derniers mois va beaucoup compter. Mais pas que…

Notre série «Dans la tête des sportifs»

On a tous et toutes cette petite voix dans la tête qui nous rappelle d'aller faire sa lessive ou alors cette musique qui tourne en boucle et qui ne veut pas s'en aller (Baby shark dou dou dou dou…). Chez le commun des mortels, elle apparaît et disparaît à sa guise.

Mais qu'en est-il chez les athlètes d'élite? Usain Bolt fredonnait-il «I'm blue dabedee dabedaa» au moment de battre le record du monde du 100 m? Michael Phelps s'est-il demandé ce qu'il allait manger le soir même au moment de décrocher sa huitième médaille d'or à Pékin? Blick a rencontré cinq athlètes romands issus de sports divers et variés et a échangé avec eux sur cette large thématique.

Au programme: quatre épisodes diffusés sur quatre samedis.

On a tous et toutes cette petite voix dans la tête qui nous rappelle d'aller faire sa lessive ou alors cette musique qui tourne en boucle et qui ne veut pas s'en aller (Baby shark dou dou dou dou…). Chez le commun des mortels, elle apparaît et disparaît à sa guise.

Mais qu'en est-il chez les athlètes d'élite? Usain Bolt fredonnait-il «I'm blue dabedee dabedaa» au moment de battre le record du monde du 100 m? Michael Phelps s'est-il demandé ce qu'il allait manger le soir même au moment de décrocher sa huitième médaille d'or à Pékin? Blick a rencontré cinq athlètes romands issus de sports divers et variés et a échangé avec eux sur cette large thématique.

Au programme: quatre épisodes diffusés sur quatre samedis.

Dans ce dernier épisode de notre série «Dans la tête des sportifs», nous avons demandé à nos cinq athlètes ce qui leur venait à l’esprit au moment de leur épreuve. Et leur réponse a parfois été… surprenante, entre insultes et sol en lave.

Mathilde Gremaud: «Il faut écouter le danger et travailler avec»

Photo: keystone-sda.ch

En voyant Mathilde Gremaud s’envoler, difficile de ne pas être impressionné. Pour la Fribourgeoise, jusqu’ici tout va bien. «Dans ma tête, je souris», affirme-t-elle simplement. Tout comme dans «La Haine»: «L’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage.»

«Si tu perds ta concentration, c’est là que ça peut être dangereux», souffle la Gruérienne. A des mètres éloignés du sol, la peur pourrait envahir de nombreuses personnes. Mais pas Mathilde Gremaud. «Le but, ce n’est pas de me dire: 'Oulah je suis à cinq mètres de haut' mais plutôt: 'Trop bien, je suis à cinq mètres de haut, exactement là où je dois être et dans la bonne position.»

La hauteur ne prend réellement tout son sens que si un mouvement n’est pas correct. «Si je fais un truc faux, j’aurais tendance à penser: 'Je vais me prendre une belle boîte car je suis encore loin de l’atterrissage.'» Pour éviter de tels risques, Mathilde Gremaud doit rester concentrée tout du long.

La recette du succès

Selon elle, il faut aussi «écouter le danger et travailler avec». C’est pour cela que parfois, à l’entraînement, elle préfère éviter de se mettre en péril et refuse d’exécuter certains exercices, tant qu’elle n’est pas en confiance. «En compétition c’est différent, car il y a de l’adrénaline», précise-t-elle quand même.

Et cette poussée est encore davantage présente lorsqu’elle réussit ce qu’elle doit faire. Comme en slopestyle, discipline dans laquelle Mathilde Gremaud enchaîne plusieurs sauts. «C’est à chaque fois une petite victoire, qui te fait te sentir bien. Dans ma tête, je suis en mode: 'Let’s go, on continue'.»

Puis, il y a le saut final. «Là, c’est un sentiment de fierté. Il y a l’adrénaline et les émotions qui vont avec qui ressortent», sourit la championne olympique. Avant de nous donner la clé de ses meilleures performances: «Il suffit que je sois super relax, concentrée et positive.» Ça a l’air presque simple dit comme ça.

Camille Rast: «Je m’énerve quand je fais des fautes»

Photo: freshfocus

Camille Rast nous disait dans le deuxième épisode: «À Sölden, je serai peut-être un poil plus excitée. Je n’aurai pas envie de dormir, mais plutôt d’être au départ!» Sans doute que son envie de départ a été renforcée au moment où elle a vu que les conditions météorologiques étaient incertaines. Finalement, le premier géant de la saison a été annulé chez les dames.

Ainsi, on n’a pas pu plonger dans la tête de la Valaisanne avant son départ, dans le portillon, là où «c’est le plaisir qui ressort le plus souvent». Et, surtout, on ne l’a pas vu dévaler les pentes de la station autrichienne.

Si cela avait été le cas, vous auriez pu tenter d’imaginer ce à quoi pensait Camille Rast lors de ses deux manches. Et autant dire que la skieuse valaisanne n’est pas tendre avec elle-même: «Je m’énerve quand je fais des fautes.»

La résilience de la Valaisanne

Car en slalom ou en géant, le moindre faux pas peut changer une course de rêve en un véritable cauchemar. Dans la tête de Camille Rast, cette faute va la pousser à aller encore plus loin. «Mon discours interne va changer pour me motiver à chercher encore plus mes limites, malgré l’erreur.»

Et c’est peut-être ce genre de «petite voix dans la tête» qui a permis à la technicienne de Vétroz de réaliser un excellent exercice 2021-22, avec notamment, une 4e place lors du slalom de Schladming (AUT). «Je me pousse à me battre jusqu’au bout», s’exclame-t-elle sur son état d’esprit en course.

Après la grosse blessure subie en 2019 et la résilience dont elle a fait preuve, Camille Rast est effectivement une battante. Elle lutte effectivement jusqu’au bout et personne ne serait étonné de la voir monter sur son premier podium de Coupe du monde cette saison. Voire plus.

Roman Mityukov: «Quand je m’arrache, je pense à tous les sacrifices effectués»

Photo: keystone-sda.ch

Lorsqu’il s’élance, le stress de Roman Mityukov disparaît totalement. Le Genevois se sent désormais… comme un poisson dans l’eau. Surtout sur 200 m dos, sa discipline de prédilection.

Ses deux allers-retours du bassin sont très différents dans sa tête. «Au premier, je pense à la stratégie et parfois au gars à côté», confie-t-il. A l’inverse de son dernier 100 m, où il est tout seul dans sa tête avec pour but «d’être le plus léger possible».

Mais c’est surtout lors des dernières longueurs que tout s’emballe dans son esprit: «Je m’arrache et je pense à tout le travail ou les sacrifices effectués, aux gens qui me regardent. Finalement, à toutes les choses qui peuvent me donner une petite force supplémentaire.»

Et quand ça ne fonctionne pas?

Le Genevois pense aussi à s’encourager. «Vas-y», «Ce n’est pas dur», «Ce n’est qu’une course» sont le genre de phrases qui résonnent dans le crâne du nageur sur les derniers mètres.

Cette équation fonctionne quand tout va bien. Mais que se passe-t-il dans la tête de Roman Mityukov si, à tout hasard, il rate une de ses poussées? Beaucoup d’injures. «Puis tu continues et tu ne penses plus à ça. La course va tellement vite que tu dois te concentrer sur la suite.»

Sarah Atcho: «Je m’imagine que le sol, c’est de la lave»

Photo: keystone-sda.ch

Pour la sprinteuse Sarah Atcho, chaque centième est important. C’est pour ça que la Vaudoise doit trouver des astuces pour aller un poil plus vite. Dont une assez étonnante.

«The floor is lava», un jeu qui se rapporte aux jeunes, un peu moins aux Jeux olympiques. Et pourtant. «Je m’imagine que le sol, c’est de la lave, rigole Sarah Atcho. Je dois être tellement rapide au sol afin qu’elle ne m’atteigne pas.» Une technique qu’elle a mise en place il y a deux ans. Même si elle explique qu’en 2018, elle faisait déjà la même chose avec de la chaleur en lieu et place de la lave.

Et quand elle doit partir, Sarah Atcho ferme les yeux: «Je dois me concentrer sur moi-même. Quand le coup part, c’est une détonation qui fait que je dois exploser hors des starting-blocks.»

Ne pas se souvenir de la course

L’idéal, pour elle, serait de ne penser à rien. Mais c’est bien évidemment plus facile à dire qu’à faire. «Je me dis plutôt que mon pied gauche est trop à droite. Je suis trop dans la réflexion et c’est de l’énergie que je ne mets pas dans mes jambes», souffle-t-elle.

La sprinteuse sait que, dans l’idéal, il ne faudrait penser à rien et être juste concentrée sur sa course. «Les plus belles courses sont finalement celles dont on ne se souvient pas», rigole-t-elle.

Sébastien Reichenbach: «Je regarde à gauche et à droite en me disant: 'Je reviendrais bien ici'»

Photo: Getty Images

Les efforts de Sébastien Reichenbach ne durent pas une poignée de minutes. Lorsqu’il enfourche son vélo, c’est bien souvent pour de longues heures. Entre le départ en début d’après-midi et l’arrivée en fin de journée, un cycliste a le temps de penser à beaucoup de choses.

C’est lorsque l’échappée s’est envolée et que le peloton ralentit que Sébastien Reichenbach se détend enfin. S’il est dans le peloton, il sait que le calme «peut durer deux-trois heures». Que fait-il alors? «On discute de tout et n’importe quoi avec les autres… un peu comme si on était au bistrot, sourit le Valaisan. D’ailleurs, les courses que je préfère sont celles où tu as des copains avec qui tu peux rigoler.» Pour lui, le temps passe alors bien plus vite.

A l’inverse, s’il est rapidement distancé et se retrouve dans le gruppetto très tôt, le plaisir a disparu. «C’est une journée de galère et là, tu n’as pas envie de parler.» Dans sa tête, des pensées négatives apparaissent même. «J’ai envie d’arrêter le vélo et je me dis: 'Vivement que ce soit fini.' C’est dur d’être positif dans ce genre de moments.»

Mais lorsqu’il a attrapé l’échappée, Sébastien Reichenbach avoue ne pas avoir vraiment le temps de penser à grand-chose. «Entre les cols – dans lesquels tu dois gérer ton effort — et les descentes à tombeau ouvert, il y a peu de moments où ton esprit part.»

Le coup de boost des proches

Une échappatoire rare, mais qui peut se produire: «Souvent, on est dans de beaux endroits. Je regarde alors à gauche et à droite en me disant: 'Je reviendrais bien ici.'»

Outre les panoramas, l’esprit de Sébastien Reichenbach peut également être perturbé par les gens aux alentours. Même si, à nouveau, son esprit est changeant s’il est dans le peloton ou aux avant-postes. «Dans l’échappée, je suis concentré et c’est plutôt un ensemble de bruits qui me porte, souligne le Valaisan. Dans le peloton, j’ai davantage le temps de regarder le public et de me perdre un peu.»

L’ancien cycliste de la Groupama-FDJ a d’ailleurs plus tendance à observer les spectateurs lorsque ses proches se rendent sur la course. «C’est important de les voir», glisse-t-il. C’est donc pour cela que la famille Reichenbach et sa compagne lui annoncent généralement où ils se trouvent sur le parcours… et de quel côté de la route. «Ça me donne un coup de boost et c’est toujours bien apprécié.»

Un regain d’énergie qui peut également venir de lui-même. «Je me parle à moi-même et je peux me dire: 'Allez, dans 300 mètres c’est fini, arrache-toi jusqu’en haut.' Souvent, ce genre de discours arrive quand je suis à la limite de craquer et seul avec mon effort.»

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