Insomnie ou somnambulisme
Ces troubles du sommeil qui perturbent les athlètes avant une compétition

Vous n'arrivez pas à vous endormir la veille d'un examen important? Alors comment les athlètes y parviennent-ils quand une médaille olympique est en jeu? Blick en a rencontré cinq et leur a posé la question.
Publié: 15.10.2022 à 09:10 heures
|
Dernière mise à jour: 17.10.2022 à 12:00 heures
Les Jeux de Pékin étaient épuisants pour certains bénévoles.
Photo: keystone-sda.ch
Blick_Matthias_Davet.png
Matthias DavetJournaliste Blick

Dormir, une activité importante pour beaucoup. Mais il est vrai que par moments, il est plus ou moins facile de tomber dans les bras de Morphée. Par exemple, pour certains la tâche est moins aisée la veille de commencer un nouveau travail ou après une dispute qu’on ressasse.

Notre série «Dans la tête des sportifs»

On a tous et toutes cette petite voix dans la tête qui nous rappelle d'aller faire sa lessive ou alors cette musique qui tourne en boucle et qui ne veut pas s'en aller (Baby shark dou dou dou dou…). Chez le commun des mortels, elle apparaît et disparaît à sa guise.

Mais qu'en est-il chez les athlètes d'élite? Usain Bolt fredonnait-il «I'm blue dabedee dabedaa» au moment de battre le record du monde du 100 m? Michael Phelps s'est-il demandé ce qu'il allait manger le soir même au moment de décrocher sa huitième médaille d'or à Pékin? Blick a rencontré cinq athlètes romands issus de sports divers et variés et a échangé avec eux sur cette large thématique.

Au programme: quatre épisodes diffusés sur quatre samedis.

On a tous et toutes cette petite voix dans la tête qui nous rappelle d'aller faire sa lessive ou alors cette musique qui tourne en boucle et qui ne veut pas s'en aller (Baby shark dou dou dou dou…). Chez le commun des mortels, elle apparaît et disparaît à sa guise.

Mais qu'en est-il chez les athlètes d'élite? Usain Bolt fredonnait-il «I'm blue dabedee dabedaa» au moment de battre le record du monde du 100 m? Michael Phelps s'est-il demandé ce qu'il allait manger le soir même au moment de décrocher sa huitième médaille d'or à Pékin? Blick a rencontré cinq athlètes romands issus de sports divers et variés et a échangé avec eux sur cette large thématique.

Au programme: quatre épisodes diffusés sur quatre samedis.

Ces tracas du quotidien concernent le commun des mortels. Mais qu’advient-il du sommeil chez l’athlète qui devra se battre pour une médaille olympique le lendemain? Comment fait-il pour s’endormir? Blick a posé la question à cinq d’entre eux.

Mathilde Gremaud: «Tant que j'ai un lit, rien ne me dérange»

Photo: keystone-sda.ch

La semaine passée, on vous expliquait comment Mathilde Gremaud avait fait pour décompresser avant les JO de Pyeongchang: en grimpant sur les toits du village olympique. Depuis, elle nous a envoyé une photo de son exploit (l’escalade, pas sa médaille de bronze en ski slopestyle) et on vous laisse bien sûr apprécier tout cela.

Photo: DR

L’escalade a dû donc fatiguer quelque peu la Gruérienne de 22 ans. Mais ce n'est pas comme si elle en avait besoin. «Je dors hyper bien», balance d'emblée Mathilde Gremaud. En soulevant toutefois un problème particulier: le décalage horaire.

Car être trimballée aux quatre coins du monde peut parfois poser des problèmes à la skieuse pour s'endormir. «Je pense que c'est le truc le plus chiant, avoue-t-elle. J'ai envie de dormir, mais je sais que c'est trop tôt. Alors je me force à attendre durant deux heures, sauf que je me réveille deux heures plus tôt le lendemain. Et ce sont des minutes de sommeil que j'ai perdues (rires)

Petite, elle pouvait dormir loin de chez elle

Heureusement pour elle, c'est son seul souci lorsqu'il s'agit de s'endormir. Car l'inconnu ne lui fait pas peur: «Je sais qu'enfants, des gens n'arrivent pas à dormir en dehors de leur maison. Petite, je n'ai jamais eu ce problème.»

Et même la veille d'une éventuelle médaille olympique, Mathilde Gremaud ne se «pose pas trop de questions»: «Bien sûr, ça m'arrive mais en général, dormir est le plus facile pour moi. Si je réfléchis beaucoup, ce n'est pas avant de m'endormir.»

«Tant que j'ai un lit, rien ne me dérange», résume-t-elle tout simplement.

Camille Rast: «À Sölden, je serai peut-être un poil plus excitée»

Photo: keystone-sda.ch

Tout comme Mathilde Gremaud, Camille Rast voyage également beaucoup lors de la saison de ski alpin. Avec les allers-retours entre l'Amérique du Nord et l'Europe, le décalage horaire pourrait aussi être un problème pour la Valaisanne.

Mais le premier facteur qui lui vient en tête lorsqu'on lui parle de la qualité de son sommeil est humain: «Ça dépend de l'endroit, et avec qui on dort.» Car les athlètes n'ont pas toujours la chance de dormir dans des chambres individuelles.

«Même si, avec le Covid, ça s'est amélioré», précise Camille Rast. Peut-être un des rares avantages de la pandémie pour les skieurs qui ont vécu avec une épée de Damoclès sur la tête durant deux ans.

Pas un mauvais souvenir de Pékin

Mais revenons au sommeil. Lorsqu'elle doit partager sa chambre avec une autre skieuse, Camille Rast avoue que ce n'est pas toujours facile: «C'est assez aléatoire. Il m'arrive de parfois extrêmement bien dormir à l'étranger et d'autres fois, de ne pas dormir du tout.»

La jeune slalomeuse de 23 ans sait toutefois que le stress lié à une course ne va pas l'influencer énormément dans son sommeil. Comme par exemple lors des derniers JO. «Je n'ai pas de mauvais souvenirs de Pékin donc j'imagine que j'ai bien dormi», sourit-elle.

Mais dans une dizaine de jours, la nouvelle saison de ski va commencer. Et Camille Rast reconnaît que tomber dans les bras de Morphée risque d'être moins aisé: «À Sölden, je serai peut-être un poil plus excitée. Je n'aurai pas envie de dormir, mais plutôt d'être au départ!»

Roman Mityukov: «Tu ne peux pas t’empêcher de penser à ça — c’est horrible»

Photo: keystone-sda.ch

Comme le laisse deviner la photo qui illustre cet article, Roman Mityukov ne fait pas de méditation. Il fait par contre du yoga, mais ce n’est pas cela qui l’aide à mieux dormir avant une compétition de natation.

«Dans un nouvel endroit, les premières nuits sont compliquées mais je ne sais pas à quoi c’est dû, réfléchit le Genevois de 22 ans. Quand tu te rapproches d’une compét' importante, tu ne peux pas t’empêcher d’y penser. C’est horrible!»

Le format de la natation

Pour le nageur du bout du Léman, il est clair qu’un sommeil est moins qualitatif loin de son chez-lui. Mais il l’est encore moins en pleine compétition, lorsque les résultats doivent être au rendez-vous.

Car en natation, les qualifications ont lieu la veille des potentielles demies et finales. «Lorsque je me qualifie, je reviens à l’hôtel et même si je suis fatigué, je suis encore excité, sourit Roman Mityukov. C’est impossible de sortir ça de ma tête.»

Le nageur sait qu’il n’a pas encore trouvé la solution pour canaliser toute cette énergie: il cherche encore. «Il faut juste que je fasse des trucs à côté, comme parler à des potes, lâche-t-il. Si je suis tout seul dans ma chambre et que j’essaie de m’endormir, ça ne le fait pas.»

La solution des somnifères?

Heureusement pour Roman Mityukov, il lui arrive certains jours de compétition de ne nager que le soir. A ce moment, il sait qu’il pourra dormir jusqu’à tard. «Mais le matin, je me réveille assez vite», soupire-t-il. Son but: obtenir au moins neuf heures de sommeil.

Les premiers jours d’une grande compétition, cela est presque impossible pour le Genevois. Puis la routine s’installe et l’enchaînement des courses l’empêchent de trop réfléchir. S’endormir devient alors (presque) chose aisée.

Mais pas non plus au point d’atteindre les douze-treize heures de sommeil qu’il a en temps normal, lorsqu’il est à Genève. Une solution pourrait alors être de prendre des somnifères. «J’ai effectivement un ami qui en prenait en compétition, et il s’endormait en cinq minutes», se souvient Roman Mityukov. Mais pour lui, ce n’est pas encore d’actualité. «Ce serait vraiment la toute dernière solution», martèle-t-il.

Sarah Atcho: «En temps normal, il me faut 40 secondes pour m’endormir»

Photo: Keystone

Il faut se l’avouer. Lorsque l’idée de ce sujet a été trouvée, on imaginait deux types d’athlètes: ceux qui dorment facilement et ceux qui ont plus de peine à trouver le sommeil. Mais rien ne nous avait préparé à ce que Sarah Atcho vit avant une grande compétition.

Lorsqu’elle glisse pour la première fois le sujet du somnambulisme dans le fil de notre conversation, cela nous frappe. Au moment d’aborder la thématique du sommeil, il est donc logique de revenir là-dessus. «Tu veux te foutre de moi, c’est ça?», rigole l'athlète vaudoise de 27 ans. Bien au contraire!

Sa partenaire a dormi dans la salle de bain

Mais c’est vrai que certaines de ses aventures prêtent à sourire aujourd’hui. Comme lors des Mondiaux 2015 à Pékin, lorsqu’elle se lève une dizaine de fois et s’approche du lit de Marisa Lavanchy, sa partenaire de chambre, elle aussi vaudoise. «J’ai cru que tu allais me buter», lui a avoué le lendemain celle qui aura finalement été dormir dans la salle de bain.

«Ça impacte clairement les autres, mais pas moi, s’exclame avec un air de culpabilité la sprinteuse. De mon côté, je serai peut-être un peu plus fatiguée mais j’aurai quand même bien dormi.» Un somnambulisme qui s’accentue à l’arrivée d’une grande compétition.

Car si Sarah Atcho est chez elle, que son copain se trouve à la maison et qu’ils ont regardé un film tranquille — «mais pas un truc d’action hein» — elle va pouvoir dormir sereinement. Mais si tous ces éléments ne sont pas réunis, elle va alors se mettre à parler dans son sommeil. Et parfois plus.

De la chance pour s’endormir

«Plus je vais être stressée, plus les symptômes vont être graves», s’exclame-t-elle. Quand elle était petite, la Vaudoise sortait de son lit au milieu de la nuit pour se rendre à l’école. «Mais je ne me lève pas si je ne suis pas chez moi, ou plutôt, dans un lieu que je ne connais pas», tempère-t-elle. Car à Pékin, les deux semaines d’acclimatation ont suffi à Sarah Atcho pour effrayer sa colocataire du moment.

Heureusement, la Vaudoise s’est désormais trouvé une partenaire de chambre idéale en la personne de Salomé Kora. «Elle met des boules Quiès et ne va pas s’alarmer», rassure la somnambule.

Au-delà de son histoire plutôt cocasse, Sarah Atcho souffre-t-elle d’un réel manque de sommeil la veille d’une grande échéance? «Il faut que j’aie beaucoup de chance pour m’endormir, répond-elle. En temps normal, il me faut 40 secondes. Là, ça peut aller jusqu’à 30 minutes.»

Durant cette demi-heure, la sprinteuse a le temps de penser à beaucoup de choses: «Dans ma tête, il y a un milliard de versions différentes pour ma course.» Mais finalement, mieux vaut ça que l’envie d’assassiner sa partenaire de chambre...

Sébastien Reichenbach: «Une entreprise de matelas nous suivait pendant un mois»

Photo: keystone-sda.ch

Sébastien Reichenbach a une particularité par rapport aux autres athlètes dans cet article: sur un Grand Tour, son effort est intense durant trois semaines non-stop. On peut alors imaginer qu’il doit aisément trouver le sommeil lorsqu’il se balade sur les routes du Tour de France.

C’est effectivement le cas du Valaisan, qui dit avoir «beaucoup de chance». Car certains des autres cyclistes ont plus de peine à trouver le sommeil: «Je suis assez souvent avec des collègues qui s’endorment vers 2h du matin et qui ne se reposent que durant cinq heures.»

Le Martignerain de 33 ans explique cela par deux raisons: «Premièrement, tout est chamboulé dans l’organisme lors d’un Grand Tour.» L’étape du jour se termine vers 17h pour les plus rapides, une heure plus tard pour le gruppetto. Il arrive donc que les coureurs soupent vers 22h et doivent ensuite rapidement trouver le sommeil.

Il y a également un cercle vicieux. Plus les cyclistes sont fatigués, plus ils ont de la peine à s’endormir. «Et ça peut être très négatif sur un Grand Tour, puisque l’aspect récupération est primordial», souligne Sébastien Reichenbach. Dans les cas les plus extrêmes, certains viennent même jusqu’à prendre des somnifères.

L’entreprise de matelas

Mais ce n’est pas le cas du Valaisan, qui dort généralement «très bien». Généralement, car il lui est arrivé une ou deux fois de ne pas réussir à trouver le sommeil. «Je me voyais gagner, soupire-t-il. Et lorsqu’on est 'seulement' sur le podium ou dans le top 5, on refait la course, encore et encore.» A ce moment, le temps pour s’endormir est plus long pour le Martignerain.

Il avait heureusement une équipe qui était aux petits soins pour lui (et ses coéquipiers). Lorsqu’il courrait pour la Groupama-FDJ, il ne devait pas s’inquiéter de l’acclimatation aux matelas des hôtels. «Une entreprise nous suivait pendant un mois et, tous les matins, deux gars venaient changer les matelas de notre hôtel», sourit-il. Un luxe que Sébastien Reichenbach ne négligeait pas: «En plus, j’ai le même modèle à la maison donc, durant un mois, je dormais dans le même lit que chez moi!»

Grâce à ce confort, le Valaisan pouvait aisément se reposer huit heures en moyenne sur un Grand Tour: «Et même si je n’ai dormi que six heures et demie ou sept heures, c’est suffisant.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la