«Si j'avais pu, je serais restée au lit à me morfondre et à pleurer pendant les Jeux olympiques», confie Sarah Atcho, écartée du relais 4x100 m à Tokyo.
«Je vais beaucoup mieux. Sinon, je n'en parlerais pas», lance d'emblée la Vaudoise, 26 ans, jointe au téléphone par Keystone-ATS. «Mais j'ai passé des moments compliqués, surtout depuis 6-7 mois. Le plus dur, c'était de gérer les défaites, les retours en arrière, de me remettre sans cesse en question», ajoute-t-elle, sereine.
La goutte d'eau fut sa non-participation aux deux courses de relais à Tokyo, où Riccarda Dietsche a pris sa place aux côtés de Mujinga Kambundji, Ajla Del Ponte et Salomé Kora. «C'est après les JO que je me suis dite à haute voix que j'avais besoin d'aide. Mon cerveau n'a pas tenu pendant les Jeux», glisse-t-elle.
Une reconstruction en tant qu'athlète
«C'était dur de me dire que je ne faisais plus partie de cette équipe. C'était entre guillemets mon équipe. C'est ce relais qui m'a permis de me construire en tant qu'athlète», explique Sarah Atcho, 4e tant aux Européens de Berlin 2018 qu'aux Mondiaux de Doha 2019 en compagnie de ses copines Kambundji, Del Ponte et Kora.
«C'était fini, ceci du jour au lendemain. Tout à coup tu ne représentes plus rien, tu n'es même plus invitée pour représenter le relais dans les événements. Tu es mise de côté», raconte la vice-championne d'Europe M23 de 2017 sur 200 m. «J'ai vécu des épisodes de dépression», avoue-t-elle.
«J'étais au fond du bac à Tokyo»
Le fait que des stars comme la gymnaste Simone Biles ou la tenniswoman Naomi Osaka ont évoqué publiquement leurs problèmes de santé mentale l'a-t-elle aidée? «J'estimais que j'avais une vie sympa, que je n'avais pas de vrai problème. Mais j'ai compris que j'avais le droit de vivre la même chose en entendant des filles autant médiatisées qu'elles oser prendre la parole», glisse-t-elle.
«J'étais au fond du bac à Tokyo, j'ai lâché prise. J'en ai parlé avec Salomé. Elle m'a tout de suite conseillé de voir quelqu'un pour m'aider à m'en sortir. La situation était toxique. C'était dur de ne pas courir. Je ne ressentais plus d'émotions, j'étais vide», se souvient Sarah Atcho, dont la non-sélection était justifiée puisqu'elle n'est pas passée sous les 12'' sur 100 m en 2021.
Salomé Kora est d'ailleurs la seule personne présente à Tokyo à qui la Vaudoise s'est confiée pendant ces Jeux: «Je suis plus proche d'elle. Et je ne me sentais pas le droit de partager ce genre d'émotions avec Ajla et Mujinga, qui vivaient un truc incroyable» aux JO où la Tessinoise s'est classée 5e sur 100 m et la Bernoise 6e sur 100 et 7e sur 200 m avant de prendre la 4e place avec le relais.
Suivie par une psychologue
Sarah Atcho a commencé à être suivie par une psychologue à son retour en Suisse. «Je n'aurais jamais imaginé devoir demander de l'aide. Cela a été dur de l'admettre: mon mental, c'est normalement ma force», explique-t-elle. «Mais on a tous des démons avec lesquels on doit vivre. Je pense que je n'avais pas les bons outils pour gérer cela», ajoute-t-elle.
Paradoxalement, les réseaux sociaux l'ont également aidée à s'en sortir: «M'exposer autant m'a finalement aidée à reprendre confiance en moi. C'est bête, mais j'avais en quelque sorte un objectif à accomplir. Les gens m'ont montré leur soutien, beaucoup m'ont dit qu'ils avaient envie de me voir courir. Je n'étais pas perdue», conclut Sarah Atcho, qui rêve désormais de reconquérir «sa» place au sein du relais 4x100 m helvétique.
(ATS)