Chutes, victoires, drames...
Les Suisses racontent leur Enfer du Nord

Heiri Suter, Fabian Cancellara, Silvan Dillier, Stefan Küng et Filippo Colombo savent à quel point Paris-Roubaix est difficile. Blick raconte leurs histoires.
Publié: 07.04.2024 à 10:41 heures
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Heiri Suter est l'un des six frères qui ont tous pratiqué le vélo au plus haut niveau. En 1923, il est le premier Suisse à remporter Paris-Roubaix.
Photo: Keystone
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Mathias Germann

Les Suisses ont une histoire particulière avec Paris-Roubaix. Voici quelques tranches de vie de l'Enfer du Nord.

Filippo Colombo s'enfuit dans la forêt

Il fait le bonheur de nombreux fans et la peur des cyclistes professionnels année après année: le fameux passage dans la forêt d'Arenberg. Sur les 2,6 kilomètres de pavés de la catégorie 5 étoiles (la plus difficile), bien des rêves et bien des os se brisent. Le dernier Suisse à avoir été touché? Filippo Colombo (26 ans) l'année dernière. A environ 60 km/h, c'est arrivé après seulement 100 mètres. «Ma roue avant a explosé. J'ai continué à rouler sur les jantes, j'ai voulu freiner. Mais devant moi, d'autres coureurs sont tombés et je suis passé par-dessus». Son coude s'est cassé sur les pavés: «L'os était déplacé d'environ trois centimètres. Comme d'autres coureurs fonçaient sur moi, je me suis réfugié dans la forêt à côté de la piste», explique le Tessinois.

La victime la plus célèbre d'Arenberg a été le triple vainqueur Johan Museeuw. En 1998, le «Lion des Flandres» a percuté le sol si violemment que sa rotule a volé en éclats. Il a souffert d'une infection et a même dû craindre d'être amputé de la jambe. Il est revenu et a encore gagné deux fois (en 2000 et 2002).

A propos: des semaines avant la course, des chèvres sont traditionnellement envoyées dans la forêt d'Arenberg - elles mangent l'herbe entre les pierres. Cette année, il y a une nouveauté: pour ralentir la cadence, les organisateurs ont ajouté au pied levé un virage à 180 degrés avant l'entrée dans la forêt. Cela suscite de grandes discussions. Lorsque le grand favori Mathieu van der Poel a appris la nouvelle, il a demandé, horrifié: «C'est une blague?»

Stefan Küng se fait écraser par une voiture

Au cours des deux dernières années, Stefan Küng a terminé cinquième et troisième. La longue course de 259,7 kilomètres lui convient bien - plus elle devient difficile, plus il s'épanouit. Cette fois encore, il est le plus grand atout suisse, tandis que Stefan Bissegger se croit capable de monter sur le podium.

Küng garde de mauvais souvenirs de l'édition 2017. Le Thurgovien est d'abord impliqué dans une chute, puis il subit une crevaison. Comme si cela ne suffisait pas, un chariot de matériel lui roule sur le bras après un autre accident. Küng remonte sur son vélo, parcourt encore 70 kilomètres, puis abandonne dans d'atroces souffrances. Des années plus tard, il dira: «En enfer, il n'y a pas de règles».

Silvsn Dillier: «Je voyais la peur dans les yeux»

Paris-Roubaix est déjà difficile par temps sec. Lorsqu'il est mouillé, il devient particulièrement dangereux. Silvan Dillier (33 ans) peut en parler en 2021. «Lorsque nous nous sommes approchés du premier passage pavé, j'ai vu la peur dans les yeux de nombreux coureurs. C'était l'horreur, de la boue partout. Nous roulions comme sur de la glace et j'ai mangé beaucoup de boue pendant ces six heures».

Après plus de six heures, il franchit la ligne d'arrivée en 49e position - et avant même de se nettoyer dans la mythique douche commune du vélodrome de Roubaix (elles sont séparées par de vieux murs en béton), l'Argovien pose pour une photo - fatigué, usé et complètement recouvert de boue. «Il faut immortaliser un tel moment. Peut-être que je ne le revivrai plus jamais», dit-il. Dillier ne réitérera d'ailleurs guère sa deuxième place de 2018 cette fois-ci - il est un auxiliaire important de van der Poel au sein de l'équipe Alpecin-Deceuninck.

Heiri Suter écrit l'histoire en 1923


Le premier triomphe suisse - 83 ans avant Cancellara - est signé Heiri Suter (1899-1978) : il est le premier Suisse à remporter Paris-Roubaix, il réalise même le doublé puisqu'il domine également le Tour des Flandres la même semaine. L'homme de Gränichen (Argovie) est ainsi le premier non belge à réussir cet exploit. Suter était le plus performant des six frères, tous coureurs cyclistes.

Pour parcourir les 290 kilomètres, Suter a mis près de neuf heures. En 1988, Thomas Wegmüller est lui aussi à deux doigts de la victoire, il cherche à s'échapper au Carrefour de l'Arbre - un tronçon pavé également très difficile - et termine deuxième derrière Dirk Demol. Son retard? Deux secondes.

Un moteur? Fabian Cancellara se contente de sourire

Le meilleur Suisse de l'histoire de cette course disputée depuis 1896 est sans conteste Fabian Cancellara (43 ans). L'actuel patron de l'équipe suisse Tudor est, avec son punch, taillé sur mesure pour Paris-Roubaix, qu'il remporte à trois reprises (2006, 2010, 2013). Lors de son succès en 2010, le Bernois est tellement supérieur qu'il est ensuite confronté à des accusations de dopage moteur. Certains n'arrivent tout simplement pas à croire que «Spartacus» agisse sans aide extérieure lors de son solo de 50 kilomètres (il a deux minutes d'avance à l'arrivée).

Cancellara se contente de sourire avec lassitude. Il n'y a pas de preuves de tricherie. Et dix ans plus tard, l'Union cycliste internationale conclut qu'il n'y a pas de dopage mécanique dans le cyclisme. «Avec une probabilité de 99%», a déclaré Jean-Christophe Péraud, membre de l'UCI. Il a passé des années à chercher des moteurs, des générateurs et des batteries.

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