Ce n’est pas faute de s'être posé la question. Tant de fois! Mais Loïc Gasch, le sauteur en hauteur multiple médaillé de Sainte-Croix, en est convaincu en 2023, alors qu'il n'a que 29 ans: le temps de sa retraite sportive est venu. Une année plus tôt, il s'était laissé une saison pour essayer de raviver la flamme de sa passion. Et il s'est rendu compte qu'elle ne brûlait plus autant.
«Je fais une bonne saison pourtant, je me qualifie pour les championnats d'Europe en salle à Istanbul. Mais je me blesse en finale. Là, j’en ai vraiment marre. Je me prépare pour l’été, mais pour moi, le plaisir était parti.» Il vit un adieu mémorable au Weltklasse de Zurich: «J’ai pu finir en beauté. Tous mes amis sauteurs en hauteur internationaux étaient là. C’était beau. Tellement beau qu’à la fin, je me suis demandé si j’arrêtais vraiment! Mais je ne pouvais pas terminer d’une meilleure manière, c’était magique.» Une magie qui s’est très vite estompée. Lui ont succédé les doutes, les regrets et les difficultés…
«Je pensais avoir bien préparé la suite, mais je me suis complètement trompé. Je n’ai vraiment ouvert les yeux que l’année passée, en arrêtant ma carrière sportive. À ce moment-là, j’ai voulu prendre mes distances avec le monde de l’athlétisme. Je voulais me construire une image en dehors de ma carrière d’athlète, mais en fait, cette image m’ennuyait. J’avais une représentation un peu cliché de l’homme qui a réussi dans la finance. J’ai compris que mon métier, je l’appréciais tant que je le partageais avec le sport, pas quand je le pratiquais à 100%. Ça a été la désillusion.»
La vie de bureau ne lui a pas convenu
Des mots forts qui montrent à quel point le Nord-vaudois a été pris de court dans sa reconversion. Pourtant, sa décision d’arrêter le saut en hauteur n’a pas été prise sur un coup de tête. Pendant des mois, les arguments en faveur de son retrait se sont accumulés: ses chevilles «dans un sale état, avec des douleurs tout le temps» et son statut d’athlète professionnel, sans autre à-côté à partir de février 2022. Alors, il s'est investi à 100% dans son nouveau travail, dans une administration communale. «Ca ne m’a pas convenu», dit-il au sujet de la vie de bureau et son premier travail à 100% après sa carrière.
Les regrets sont là, la déception aussi et le retour sur terre est brutal. Et il ne peut s'empêcher de se demander ce qui se serait passé s'il avait continué le saut en hauteur encore une année ou deux, lui qui s'était pourtant laissé une saison de réflexion avant d'arrêter. Vivre de l'athlétisme, d'ailleurs, n'avait jamais été son objectif d'enfance. «Je n’ai jamais rêvé des Jeux Olympiques». En pratiquant, il a atteint des sommets insoupçonnés. Il admet: «Ca a été facile. Je me suis beaucoup entraîné, j’ai sacrifié beaucoup de choses, mais c’est devenu ma passion, donc je ne le vivais pas comme des contraintes. Tout s’est passé très vite et très bien. À part les années où je me suis blessé, j’ai toujours progressé».
Les blessures et les opérations lui minent le moral
Aura-t-il pu aller encore plus haut? Quand sa saison de la dernière chance débute, l’envie est là. Loïc Gasch saute et vit avec une philosophie particulière: «Tout ce que je fais, c’est soit je m’amuse, soit je ne le fais pas. Je prends un peu la vie comme un jeu». Mais peu importe sa motivation: ses multiples blessures et opérations lui font broyer du noir et le minent. «A l’entraînement, on en demande tellement à son corps. On joue avec la limite et, des fois, on la franchit.»
Loïc Gasch décide donc d’atterrir et rester au sol en 2023. Il met fin à sa carrière, un véritable deuil. «Je l’ai très mal vécu. Pourtant, j’étais certain que j’étais prêt à le vivre». Sans compter sur la nostalgie qui fait mal. «Les premiers championnats que j’ai regardé à la télévision, ça a été bizarre et difficile». Nostalgie douloureuse qu’il rationnalise. «Je suis comme la plupart des gens, le négatif, je l’oublie. Là, si je repense à l’athlétisme, tout ce qui était négatif, je dois vraiment réfléchir pour m’en souvenir. Des fois, je me demande même pourquoi j’ai arrêté. Alors que, sur la fin, je n’en pouvais plus. Aller à l’entraînement était une corvée».
Son entourage était présent, heureusement
Il souligne que son entourage est présent pour le soutenir. Aussi pour lui rappeler par moments pourquoi il n’est plus sauteur en hauteur. Un entourage solide, une constante dans la vie de Loïc Gasch. Déjà tout au long de sa carrière sportive, entre 2010 et 2023. «L’athlétisme est un sport individuel, mais j’ai toujours été entouré, que ce soit par mes amis, ma famille et les entraîneurs que j’ai eus. Ça a vraiment été ma chance».
Son entourage l’a tout autant accompagné au moment de tourner cette page de 2,33 mètres de haut. Et heureusement. Parce que «réussir à dire au revoir, merci, on se reverra, mais d’une autre façon», ça n'a «rien de facile».
Il est désormais pleinement épanoui dans sa reconversion professionnelle
Malgré les difficultés, aujourd’hui, Loïc Gasch se considère pleinement reconverti. «Parce que j’arrive à me projeter. Je me retrouve.» Des retrouvailles intensifiées par la tournure inattendue qu’a pris sa carrière professionnelle.
En effet, pour son plus grand bonheur, l’ancien athlète a été engagé par Athletissima, en qualité de chef de projet. Incapable de contenir son sourire, il n'a que du bien à dire du meeting lausannois. «J’allais le voir quand j’étais petit. Après, j’y ai participé en tant qu’athlète. Ensuite, en tant qu’ambassadeur. Maintenant, je suis collaborateur. C’est la roue qui tourne et c’est vraiment une chance pour moi, tout est parfait! Je m’épanouis comme ça n’a jamais été le cas au travail. En plus, je peux apporter une expertise intéressante, vu que j’ai été du côté des athlètes.»
Le sourire revient. Loïc Gasch est désormais heureux dans sa vie professionnelle. «J’ai pris le maximum que je pouvais prendre du sport. Je suis à un stade où j’ai envie de redonner, et Athletissima est une façon de le faire.» La page est tournée. Et cette fois, elle l'est vraiment.