Business en plein boom
Ils veulent tous décrocher la lune

A l'heure où des entrepreneurs et même des stars hollywoodiennes s'aventurent dans les étoiles, Blick s'est posé une question (en apparence) toute simple: à qui appartiennent donc la Lune et autres territoires cosmiques? Petit tour d'horizon.
Publié: 07.10.2021 à 19:50 heures
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Dernière mise à jour: 08.10.2021 à 16:15 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Il faut croire que la conquête de l’espace parle à beaucoup de gens. Enfin, par beaucoup de gens, j’entends bien entendu les individus plein aux as qui tentent de faire un maximum de profits en s’intéressant à l’espace. Parmi eux, on pense bien évidemment à Elon Musk et Jeff Bezos, qui se sont tous les deux lancés dans le tourisme spatial via leur société respective: SpaceX et Blue Origin.

Mais attention, il n’y a pas que les entrepreneurs qui tentent par tous les moyens d’écrire notre avenir extraterrestre. Ce mardi, une équipe de tournage russe a décollé en direction de la Station spatiale internationale (SSI), devançant ainsi notre cher Tom Cruise qui ambitionnait depuis des années d’être la première star de cinéma à bosser sur orbite. Sans oublier l’acteur de Star Trek, William Shatner, dont on apprenait récemment qu’il était en passe de devenir la personne la plus âgée à se rendre dans l’espace à bord du Blue Origin, la société fondée par… Jeff Bezos.

Un premier proprio autoproclamé

Qu’on se le dise, le business spatial est devenu trendy. Il n’empêche que, dans la catégorie magnats du cosmos, il y a un homme qui sort du lot puisqu’il s’est tout simplement approprié la lune. Son nom: Dennis Hope. Son travail: vendre des terrains lunaires. Ses clients: des personnes comme vous et moi et aussi des chefs d’Etats comme Jimmy Carter, Ronald Reagan, George. W. Bush, ou des acteurs tels que John Travolta ou encore Nicole Kidman, dont il se dit partout qu’ils sont ses précieux clients.

Tout commence dans les années 1970. Dennis Hope vient de divorcer et se retrouve à court d’argent. Il tente de se reconvertir dans l’immobilier avant de se tourner vers l’espace. Pour lui, c’est sûr, il y a beaucoup d’argent à faire loin du plancher des vaches. Mais avant de lancer sa petite société, l’Américain prend tout de même le temps de consulter la loi.

Droits de propriété pour la Lune

Dennis Hope se penche sur «Le traité de l’espace» de 1967 qui stipule que «l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen». Malin, notre homme repère un point sensible: si le texte mentionne qu’aucune nation ne peut posséder la lune, il ne précise rien en ce qui concerne la propriété individuelle. Bingo.

Pour être sûr de son coup, Dennis Hope affirme avoir envoyé une lettre aux Nations Unies dans laquelle il revendiquait les droits de propriété pour la Lune et stipulait son projet immobilier. L’organisation internationale n’aurait jamais donné suite.

De la vente de parcelles à la monnaie lunaire

Son agence immobilière, la Lunar Embassy, voit alors le jour. Pour acquérir un bout de lune, comptez 19 dollars pour la propriété, 1,5 dollar de taxe lunaire et 2,5 dollars de paperasse, ce qui fait 24 dollars (environ 24 francs suisses) au total.

Sur son site internet, l’Américain prétend qu’il aurait vendu plus de 600 millions et demi d’hectares de terres lunaires à des millions de citoyens éparpillés dans une centaine de pays.

Au début des années 2000, Dennis Hope met en place une République démocratique nationale appelée «Gouvernement Intergalactique», afin de protéger ses clients devenus les propriétaires de morceaux de lune. Le but: s’imposer comme une nation officielle et entreprendre des relations diplomatiques avec divers États. Dennis Hope espère même que la Lune rejoigne le Fonds monétaire international, puisqu’il a même institué une monnaie propre à la Lune: le Delta. Normal…

Un business douteux selon les experts

Comme le rapporte le site d’informations en ligne «Insider», le petit commerce de Dennis Hope ne tient pas la route. Joanna Gabrynowiczi, professeure de recherche et directrice du Centre national de télédétection de droit aérien et spatial précise que la Chine et le Canada ont déjà poursuivi des individus essayant de vendre des parcelles lunaires.

Contacté par «Discover Magazine» Ram Jakhu professeur de droit à l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill à Montréal se montre catégorique: «La Lune est une propriété commune de la communauté internationale. Par conséquent, ni les États, ni les individus ne peuvent pas le posséder. C’est très clair dans le traité de l’ONU. Les droits des individus ne peuvent prévaloir sur les droits et obligations d’un État. Personne ne possède la Lune. Personne ne peut posséder de propriété dans l’espace.»

Une législation floue

Mais a défaut de pouvoir s'approprier des terrains cosmiques, de plus en plus de pays s’intéressent désormais aux ressources spatiales. Parmi elles, plusieurs métaux comme le fer, le nickel, le cobalt. Mais alors, qui peut en profiter? En 1967, plusieurs Etats se mettent d’accord en créant «Le traité de l’espace». Dans les grandes lignes, aucun Etat n’a le droit s’approprier des parcelles spatiales. Cependant, le traité reste flou en ce qui concerne l’appropriation de ressources cosmiques. En effet, le texte contente de mentionner la notion «libre utilisation» sans plus de détail.

Il faudra attendre 1979 pour apporter davantage de précisions dans «Le traité de l’espace». On stipule alors que l’espace constitue «le patrimoine commun de l’humanité» et que ces ressources ne peuvent donc pas devenir la propriété d’États, d’organisations nationales et internationales ou de personnes physiques. Néanmoins, seuls dix-huit États signent l’accord. Ce dernier devient alors accessoire…

En 2015, Barack Obama signe le «Space Act», un document mentionnant qu’il est possible pour les entreprises américaines de privatiser les ressources de cosmiques. Mais alors, est-ce contraire aux textes signés par le passé? Un peu comme la mer qui n’appartient à personne mais où n’importe qui peut pêcher, les États-Unis considèrent que le «Space Act» n’est pas contraire au principe de non-appropriation du «Traité de l’espace», dans la mesure où on ne s’approprie pas les corps célestes mais seulement leurs ressources. Entre-temps, Donald Trump est venu renforcer cette position en avril 2020, avec un décret réitérant cette vision.

Oui sauf que cette loi n’a de loin pas fait l’unanimité parmi les autres nations. Depuis 2016, l’ONU se penche sur la question pour pouvoir enfin trancher.

Mais a défaut de pouvoir s'approprier des terrains cosmiques, de plus en plus de pays s’intéressent désormais aux ressources spatiales. Parmi elles, plusieurs métaux comme le fer, le nickel, le cobalt. Mais alors, qui peut en profiter? En 1967, plusieurs Etats se mettent d’accord en créant «Le traité de l’espace». Dans les grandes lignes, aucun Etat n’a le droit s’approprier des parcelles spatiales. Cependant, le traité reste flou en ce qui concerne l’appropriation de ressources cosmiques. En effet, le texte contente de mentionner la notion «libre utilisation» sans plus de détail.

Il faudra attendre 1979 pour apporter davantage de précisions dans «Le traité de l’espace». On stipule alors que l’espace constitue «le patrimoine commun de l’humanité» et que ces ressources ne peuvent donc pas devenir la propriété d’États, d’organisations nationales et internationales ou de personnes physiques. Néanmoins, seuls dix-huit États signent l’accord. Ce dernier devient alors accessoire…

En 2015, Barack Obama signe le «Space Act», un document mentionnant qu’il est possible pour les entreprises américaines de privatiser les ressources de cosmiques. Mais alors, est-ce contraire aux textes signés par le passé? Un peu comme la mer qui n’appartient à personne mais où n’importe qui peut pêcher, les États-Unis considèrent que le «Space Act» n’est pas contraire au principe de non-appropriation du «Traité de l’espace», dans la mesure où on ne s’approprie pas les corps célestes mais seulement leurs ressources. Entre-temps, Donald Trump est venu renforcer cette position en avril 2020, avec un décret réitérant cette vision.

Oui sauf que cette loi n’a de loin pas fait l’unanimité parmi les autres nations. Depuis 2016, l’ONU se penche sur la question pour pouvoir enfin trancher.

Davantage de précisions sont nécessaires

Aujourd’hui, alors que l’espace devient une cible commerciale, on peut se demander si les cadres juridiques et réglementaires des divers traités spatiaux existants sont suffisamment détaillés. Et même si Dennis Hope est un pionnier de l’espace à sa manière, pas sûr qu’on lui donne raison au moment où la conquête spatiale deviendra plus concrète et que tous ses précieux clients (pigeons?) viendront lui réclamer leur dû.

Mais qui dit que d’ici là, la Lune ne sera pas devenue complètement ringarde? On imagine bien Elon Musk construire un palace qui accueillerait tous ses petits copains (presque) aussi riches que lui encore un peu plus loin que notre beau satellite. Une possibilité pour Tom Cruise produire un film de sci-fi sur mars à défaut d’avoir pu décrocher la Lune en premier.

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