Longtemps, les deux mondes ont été séparés par une barrière implicitement jugée infranchissable. D’un côté, le cinéma, art jugé plus noble, et ses comédiens respectés. De l’autre, la télévision et ses noms regardés de haut. Pour un acteur, passer de l’un à l’autre était vu, au choix, comme une déchéance ou un excès de confiance.
Mais les choses ont bien changé. Les séries ont prouvé qu’elles pouvaient avoir autant d’ambition et d’inventivité que les films. Les difficultés du cinéma pour remplir ses salles à travers le monde n’ont fait qu’accentuer le phénomène. Et il n’y a désormais plus rien de déshonorant pour un comédien à tenter l’aventure du petit écran. Mieux: certains s’en servent comme d’un tremplin pour faire leur grand retour, après avoir disparu peu à peu des salles obscures. Voici cinq exemples de come-back impressionnants grâce aux séries.
Sylvester Stallone dans «Tulsa King»
Révélé en boxer dans la saga «Rocky», Sylvester Stallone a incarné le cinéma d’action américain des années 1980. «Rambo», «Cobra», «Haute sécurité»… Il est, avec Arnold Schwarzenegger, la figure combattante de la période. Au point, d’ailleurs, de n’en être jamais sorti. Ses tentatives de faire de la comédie dans les années 1990 n’aboutissent pas, ses films d’action ne marchent plus ou ne sont que d’énièmes suites des franchises qui l’ont fait connaître. Au mieux, on assiste à des réunions de papy qui font de la résistance en mitraillant tout ce qui bouge («The Expendables»).
C’est là qu’intervient le showrunner Taylor Sheridan. Avec sa série «Tulsa King», qui vient de sortir sur Paramount+. Il propose un nouveau rôle à Sylvester Stallone. Celui de Dwight Manfredi, ancien mafieux qui vient de purger une peine de 25 ans de prison. Contraint de s’exiler à Tulsa, dans l’Oklahoma, il compte bien reprendre sa place de «parrain» en y développant un nouveau business pas très légal. Sylvester Stallone s’en donne à coeur joie dans ce nouveau costume d’ex-New Yorkais exilés chez les cow-boys. Et la série a l’intelligence de jouer avec humour sur l’âge de son acteur principal, un peu paumé dans la société moderne.
Kevin Costner dans «Yellowstone»
Taylor Sheridan est d’ailleurs passé spécialiste dans l’art de remettre de vieux acteurs de cinéma au goût du jour. Preuve en est avec son plus gros succès à ce jour, la série «Yellowstone», également sur Paramount+. Kevin Costner, ancienne gloire du cinéma américain des années 1980 et 1990, n’avait plus eu de premier rôle marquant depuis une bonne décennie lorsqu’il réapparaît dans cette série, sous le chapeau de John Dutton, patriarche propriétaire de ranch dans le Montana.
Le rôle est sur mesure pour l’acteur, qui a toujours eu un faible pour le western («Danse avec les loups», «Open range»). Grâce à la série, Kevin Costner a décroché un Golden Globe cette année. Et Taylor Sheridan n’en a pas fini avec les vieilles gloires hollywoodiennes puisque c’est Harrison Ford qui tiendra le rôle principal de «1923», une série dérivée de «Yellowstone» à venir au printemps.
Julia Roberts dans «Homecoming»
Révélée à la fin des années 1980, Julia Roberts est indissociable des années 1990. De comédies romantiques («Pretty Woman», «Coups de foudre à Notting Hill») en film d’auteur («The Player», de Robert Altman) en passant par les thrillers («L’Affaire Pélican»), l’actrice américaine a quasiment tout fait en l’espace de dix ans. Après de grands succès au début des années 2000 («Erin Brockovich»), elle choisit de s’éloigner de Hollywood. L’annonce de sa venue dans une série en 2018 est donc porteuse de beaucoup d’espoirs, qui ne seront pas déçus.
Dans «Homecoming», série adaptée d’un podcast et disponible sur Prime Video, et dont elle est aussi productrice, Julia Roberts incarne Heidi, une serveuse abordée par un enquêteur du ministère de la Défense. Il tente de savoir ce qui s’est passé à Homecoming, un centre de réinsertion pour anciens soldats américains, dans lequel elle travaillait par le passé. Mais Heidi ne se souvient de rien. Bluffante, admirablement bien écrite et mise en scène, «Homecoming» est encore aujourd’hui l’une des meilleures séries disponibles sur Prime Vidéo. Et Julia Roberts a définitivement adopté le format sériel en incarnant, en 2022, l’épouse du procureur du Watergate dans «Gaslit».
Christian Slater dans «Mr. Robot»
En 2015, un ovni débarque sur les petits écrans du monde entier. «Mr. Robot» raconte l’histoire d’Elliott, informaticien de génie le jour, hacker surdoué la nuit, inapte socialement et en proie à d’importants troubles mentaux. La série, aujourd’hui disponible sur Prime Video et OCS, révolutionne la représentation à l’écran des pirates du net. Surtout, elle offre un rôle en or à son acteur principal, Rami Malek, fils d’immigré égyptien désormais courtisé par toute l’industrie. Mais le Mr. Robot du titre est, lui, incarné par un revenant: Christian Slater, ancienne étoile montante du cinéma portée disparue depuis des lustres.
Sa carrière semblait pourtant toute tracée, avec son rôle dans «Le Nom de la rose» quand il n’a que 17 ans. Christian Slater enchaîne ensuite quelques coups d’éclats («True Romance», «Entretien avec un vampire») dans un océan de films oubliables. Depuis les années 2000, il n’a jamais obtenu de grand rôle au cinéma et s’est donc peu à peu tourné vers la télévision. Mais là encore, avant «Mr. Robot», le succès n’avait pas vraiment été au rendez-vous. La consécration publique et critique est venue avec la série geek à souhait, qui lui a valu un Golden Globe en 2016.
Winona Ryder dans «Stranger Things»
Diffusée sur Netflix depuis 2016, «Stranger Things» est une ode aux années 1980. Décor, jeux de rôle, musique, générique, enfants constamment laissés sans surveillance sur des vélos… tout y est. Mais le plus grand emprunt à cette décennie inspirante est probablement celui de l’actrice Winona Ryder, qui joue la mère de Will Byers. Un second rôle, certes, mais suffisamment clef pour remettre sous les projecteurs une actrice qui le valait bien.
Car Winona Ryder, révélée par Tim Burton dans «Beetlejuice» puis «Edward aux mains d’argent», a vu sa carrière stoppée net en 2001, après son arrestation pour vol à l’étalage. Les compagnies d’assurance de l’époque refusent de la prendre en charge, plus personne ne veut l’embaucher et elle est cantonnée à des seconds rôles dans des films confidentiels et/ou sans intérêt (à l’exception notable de «Black Swan», dans lequel elle incarne… une danseuse déchue). C’est le petit écran qui l’a sortie de l’ornière. D’abord grâce à la mini-série «Show me a hero», en 2015. Mais surtout, donc, avec «Stranger Things» l’année suivante. La popularité de cette fiction fantastique a rappelé que Hollywood s’était injustement privé de l’un de ses meilleurs talents.