Attention! Cet article contient des spoilers des saisons 4 et 5 de «The Handmaid’s Tale». Vous êtes avertis: passez votre chemin si vous ne voulez pas qu'on vous les divulgâche!
Il est parfois difficile de se remettre dans le contexte d’une première sortie tant le nombre pléthorique de séries produites aujourd’hui fait qu’on passe rapidement de l’une à l’autre. Mais tentons tout de même. En 2017, quand sort la première saison de «The Handmaid’s Tale», c’est le choc. Bruce Miller, ancien producteur et scénariste d’«Urgences», adapte un roman de Margaret Atwood avec une précision redoutable. Mieux encore, il tire de cette dystopie assez ramassée au départ un univers entier, enrichi sans être dénaturé.
Visuellement, la série, très bien réalisée, dotée d’une esthétique reconnaissable entre toutes, est parfaite. Son actrice principale, Elizabeth Moss, déjà révélée dans «Mad Men», crève l’écran. Et le timing, lui aussi, est extraordinaire. Quelques mois seulement après l’investiture de Donald Trump, la fiction imagine des États-Unis transformés en Gilead, une dictature religieuse ultra-conservatrice qui asservit les femmes. Certaines, appelées «servantes», sont violées tous les mois par les commandants du pays dans l’espoir de donner des enfants à cette nouvelle nation. Il y a donc tout, dès le départ, pour faire de «The Handmaid’s Tale» une série culte. L’Académie des Emmy Awards ne s’y trompe pas et lui décerne deux prix, ceux de la meilleure série dramatique et de la meilleure actrice. Une grande première pour un programme issu d’une plateforme de streaming (Hulu) et non d’une chaîne de télévision.
June doit réapprendre à vivre libre
Cinq ans plus tard, c’est l’heure de la saison 5, diffusée à partir du 14 septembre sur OCS en Suisse. Visuellement, la série n’a rien perdu de sa superbe. L’univers décrit est toujours aussi fascinant et Elizabeth Moss a encore musclé son jeu. On avait laissé son personnage, June Osborne, qui s’est imposée comme l’une des héroïnes les plus badass du petit écran, en bien étrange posture en fin de saison 4. Enfin échappée de Gilead et réfugiée au Canada, elle a manoeuvré pour se retrouver seule avec Fred Waterford, ancien commandant de Gilead qui l’avait réduite en esclavage pendant les trois premières saisons. Oeil pour œil, dent pour dent, June et d’autres anciennes servantes l’ont tué à mains nues dans la forêt.
La saison 5, dont seulement trois épisodes ont été montrés à la presse européenne, reprend exactement là où s’était arrêté la précédente. Et June doit apprendre à vivre avec un assassinat dont elle ne regrette rien. Il se peut même qu’elle y ait pris du plaisir. «The Handmaid’s Tale» montre de façon intéressante la réaction de son entourage proche. Il y a Luke, son mari, complètement dépassé malgré sa légendaire patience, mais surtout sa meilleure amie, Moira, proprement terrifiée par la soif de vengeance de sa copine. Au milieu, June se débat pour ne pas devenir elle-même un monstre semblable à ceux qui lui ont fait tant de mal. Mais peut-on vraiment se remettre d’un tel traumatisme? Comment continuer sa vie d’avant, alors que d’autres criminels n’ont toujours pas été châtiés comme il se doit?
Des débuts poussifs, mais rien n’est perdu
Ces questions, la série les pose pourtant de façon si appuyée que cela devient lassant. Les ralentis, les compositions symétriques de l’image et les si belles lumières laiteuses qui avaient conquis les spectateurs dans la première saison sont trop souvent devenus des gimmicks lourdingues. Si le début de cette cinquième saison ne se complaît pas dans l’esthétisation de la violence (quelque chose qui a beaucoup été reproché aux saisons 2, 3 et 4 de la série, à raison), force est de constater que sa lenteur est devenue un boulet. Elizabeth Moss est parfaite mais son regard caméra, récurrent, agace plus souvent qu’il n’impressionne.
Seulement voilà, on pouvait dire la même chose du début de la saison 4. Avant que celle-ci, dans sa seconde moitié, s’emballe et ose enfin proposer quelque chose de nouveau, tant dans les arcs narratifs que dans la psychée des personnages. Pour cette saison 5, un changement de perspective est bel et bien amorcé. Les premiers épisodes laissent entrevoir un duel sans merci entre June et Serena, veuve faussement éplorée mais vraiment enceinte, qui voit dans l’assassinat de son mari un moyen de se remettre sur le devant de la scène politique à Gilead. On aperçoit également la diffusion des idées réactionnaires de Gilead jusqu’au Canada, où Serena devient une figure adulée par une frange extrémiste de la population.
Il n’y a donc plus qu’à espérer qu’après des débuts poussifs, cette nouvelle fournée de dystopie tiendra toutes ses promesses pour proposer, au-delà de ses plans composés comme des tableaux et du regard magnétique de son actrice principale, une véritable avancée dans sa réflexion et son intrigue. D’autant que cette cinquième saison n’est pas la dernière: une sixième a été commandée par Hulu. La chaîne a aussi acheté les droits des «Testaments», la suite de «The Handmaid’s Tale», également écrite par Margaret Atwood. Gare à l’overdose…