Ne vous fiez pas à son acronyme. Le GIFF a beau être le «Geneva international Film Festival», le Festival international du film de Genève, c’est bien plus qu’un rendez-vous du cinéma. Du 4 au 13 novembre, on pourra bien sûr voir des longs-métrages, dont des avant-premières suisses ou mondiales. Mais aussi des séries et, plus surprenant, des performances et des installations numériques originales et immersives. C’est que le GIFF a pour objectif, depuis son lancement en 1995, d’abattre les barrières entre les genres pour célébrer la création audiovisuelle au sens large. Il l’a d’abord fait en intégrant la télévision. Puis, aujourd’hui, en proposant des pièces de théâtre immersives ou des œuvres en réalité virtuelle.
Rendez-vous est donc pris dans une dizaine de cinémas, auditoriums et salles de concert de Genève qui accueillent les différents événements. Pour l’occasion, Blick vous a concocté un petit programme, éclectique mais loin d’être exhaustif, avec le meilleur de ce GIFF. De quoi remplir ses journées avant, pour les plus endurants, d’enchaîner avec les Nuits Blanches du festival, qui prolongent les festivités jusqu’à 4h du matin.
Des invités prestigieux
La star invitée du GIFF cette année, c’est lui: Nicolas Winding Refn, cinéaste danois controversé à qui l’on doit, notamment, la fabuleuse vision de Ryan Gosling en blouson blanc, gants et cure-dents entre les lèvres dans «Drive». Le réalisateur donnera une masterclass vendredi 11 novembre, avant de recevoir le Geneva Award. Le GIFF en profite pour rediffuser certains de ses films («Pusher», «The Neon Demon» et «Only God Forgives», notamment) mais surtout présenter en avant-première sa nouvelle série, «Copenhagen Cowboy». Un retour aux sources qui promet de la noirceur éclairée aux néons, comme toujours chez Nicolas Winding Refn.
Samedi 5 novembre, le public pourra faire la rencontre d’Alexandre Astier, auteur français dont le parcours résonne avec la volonté du GIFF de construire des passerelles entre les arts. Le créateur de la série culte «Kaamelott», désormais déclinée en film, n’est pas seulement scénariste, acteur et réalisateur, mais aussi producteur et compositeur des musiques de ses œuvres.
Du côté des films
Difficile de faire une sélection des films du GIFF, tant la programmation est riche. Celles et ceux qui n’ont pas froid aux yeux pourront dévorer «EO» et «Pacifiction», deux ovnis projetés au dernier festival de Cannes. Le premier suit les aventures d’un âne (oui oui, «eo» signifie «hi-han» en polonais), le second un haut-commissaire français qui déambule en Polynésie.
Autre film très attendu, «Saint Omer» raconte le procès d’une mère infanticide, du point de vue d’une romancière venue y assister pour trouver l’inspiration. Reparti du festival de Venise avec deux prix, dont le Lion d’argent, ce long-métrage puissant et inconfortable, que l’on doit à la réalisatrice française d’origine sénégalaise Alice Diop, interroge la place des femmes dans la société et le rapport complexe à la maternité.
Dans les productions locales, impossible de ne pas être attiré par «Unrueh», du Zurichois Cyril Schaüblin. À première vue, on ne peut pas faire plus suisse qu’un long-métrage sur une manufacture de montres dans un petit village des Alpes à la fin du XIXe siècle. Mais lorsqu’une ouvrière croise la route d’un géographe communiste, le film prend une tout autre allure, politique et rêveuse, absolument inclassable.
Avant-premières en série
Du côté des séries, là aussi, la programmation est riche, avec quelques pépites drôlissimes («Toutouyoutou», mélange improbable entre espionnage industriel, aéronautique et débuts de l’aérobic en France dans les années 1980) et des avant-premières alléchantes. À commencer par «Headhunters», polar norvégien adapté d’un roman de Jo Nesbø sur un chasseur de têtes qui, récemment embauché dans une grande entreprise, décide de voler un tableau à son nouvel employeur. Aux manettes, les productrices d’une autre série norvégienne très réussie, «Occupied», promettent un thriller teinté d’humour noir.
De l’humour noir, on devrait aussi en retrouver dans «Des gens bien», série franco-belge sur le meurtre d’une femme, assassinée par son policier de mari. L’amant de la victime, gendarme, mène l’enquête tambour battant. «Thieves like us», série portugaise, n’est pas ponctuée de meurtres, mais de cambriolages commis dans les années 1980. Jusqu’à ce que les Bonnie & Clyde de Lisbonne s’en prennent à la Banque nationale...
Des œuvres immersives décapantes
Deux créations immersives ont retenu l’attention de Blick. La première, «Evolver», déjà présentée au festival de Tribeca à New York, propose d’emmener les spectateurs au cœur… d’un corps humain. Il suffit pour cela d’enfiler un casque de réalité virtuelle et de se laisser guider (par la voix de l’actrice Cate Blanchett en VO) à travers des images et des sons qui reproduisent le souffle, la circulation sanguine, les moindres pulsations des organes. Un périple contemplatif produit par le roi du genre, le cinéaste Terrence Malick («Tree of Life»).
Avec «Les Aveugles», la réalité virtuelle se mêle cette fois au théâtre. Douze spectateurs équipés là aussi d’un casque sont invités sur scène à se réapproprier l’espace, la lumière et le son d’une pièce adaptée d’un texte de l’écrivain belge Maurice Maeterlink. Celui-ci raconte l’histoire de douze aveugles abandonnés dans une forêt par le prêtre qui devait les raccompagner à l’hospice. Peu à peu, les spectateurs vont donc se fondre avec les personnages. Intrigant.