Le problème du 14 février, c’est qu’il est très difficile de considérer ce jour comme un autre alors que tout le monde, à commencer par l’intégralité des panneaux publicitaires, vous en parle. Chacun sa stratégie pour passer le cap: plonger la tête la première dans l’océan de bouquets de roses et de moelleux au chocolat en forme de cœur que promet la société capitaliste, rester barricadé chez soi ou sortir avec des amis, il n’y a pas de mauvaise façon de faire. Personnellement, je m’adonne à un plaisir étrange et malsain: aller dans un bar pour jeter un œil distrait à un match de football du Paris Saint-Germain dont je n’ai strictement rien à faire. Généralement, le PSG perd et ma vie m’apparaît bien plus lumineuse que celle de supporters d’un club perpétuellement décevant (réflexion faite, il y a peut-être de mauvaises façons de faire…).
Autre solution prisée: regarder une série au chaud sur son canapé. Et comme je passe tout de même nettement plus de temps à en sélectionner pour vous qu’à regarder du football, en voici huit à déguster selon l’humeur et la situation. Que vous soyez célibataire épanoui ou déprimé, en couple heureux ou au bord de la rupture, il y en aura pour tout le monde.
Black Mirror - «San Junipero»
Oui, cette sélection commence étrangement non pas avec une série entière, mais avec un épisode de l’anthologie «Black Mirror». Autant je ne suis pas sûre que voir le Premier ministre britannique obligé de faire des choses très sales avec un cochon soit adapté à un programme de 14 février (c’est ce qui se passe dans le tout premier épisode), autant «San Junipero», l’épisode 4 de la saison 3, est pile dans le thème. Petite parenthèse lumineuse dans un océan dystopique fort sombre, il raconte une formidable histoire d’amour entre Yorkie et Kelly, deux jeunes filles radicalement différentes. On ne vous en dira pas plus car, bien sûr, «Black Mirror» réserve son lot de rebondissements improbables, si ce n’est que l’atmosphère eighties y est parfaite, tout comme les deux actrices principales, Mackenzie Davies («Halt and catch fire») et Gugu Mbatha-Raw («The Morning Show»). Sans nul doute le meilleur épisode de cette série très surcôtée.
À voir sur Netflix si… vous voulez de l’optimisme, du bonheur et faire autre chose de votre soirée puisque ce n’est qu’un épisode.
Shrill
Cette série comique absolument charmante suit les aventures d’Annie, une jeune femme grosse bien décidée à être plus heureuse sans se mettre au régime. Malgré un patron psychopathe, une mère qui aimerait qu’elle partage avec elle un programme Weight Watchers et un petit copain d’une nullité abyssale, Annie se bat pour se faire une place dans le journalisme et le monde en général. Très cash, très politique sans jamais tomber dans le pamphlet, «Shrill» esquisse les contours d’un univers plus inclusif.
À voir sur Canal+ si… votre couple vous paraît bancal (vous pourrez comparer avec celui d’Annie, forcée de sortir par le jardin de chez son compagnon qui a honte d’elle) et/ou vous avez besoin de prendre confiance en vous.
New Girl
Après avoir découvert son petit ami dans leur appartement avec une autre femme, Jess doit déménager. Elle s’installe alors avec trois hommes dans une colocation et entame sa reconstruction, sous les yeux médusés des garçons dépassés par la situation. En plus de ses personnages attachants et de la présence de Zooey Deschanel dans le rôle principal, «New Girl» empile les gags burlesques et l’humour décalé avec beaucoup de légèreté.
À voir sur Disney + si… vous venez de rompre et vous en êtes encore à la phase où vous pensez qu’il vaut mieux se faire rouler dessus par un camion que poursuivre son chemin seul. Spoiler: ce n’est pas vrai.
Normal People
Adaptée d’un roman de Sally Rooney, «Normal People» est un sommet d’érotisme qui a révélé Paul Mescal et Daisy Edgar-Jones au monde. Si ces arguments ne sont pas suffisants pour vous convertir à cette production de la BBC, sachez qu’on y suit les atermoiements de Connell et Marianne, deux jeunes Irlandais issus de milieux sociaux différents qui vont se croiser et se quitter sur plusieurs années. Il y aura du sexe, une observation très fine des comportements sociaux, encore du sexe, une formidable réflexion sur la construction de la masculinité et toujours plus de sexe.
À voir sur Canal+ si… vous voulez savoir ce que sont de vraies bonnes scènes érotiques à l’écran.
Please like me
Comédie romantique australienne passée un peu sous les radars à sa sortie en 2013, «Please like me» vaut le rattrapage. Le pitch de départ est typique de la «dramédie»: Josh, 21 ans, comprend après moult hésitations qu’il est gay et veut faire son coming-out à ses parents. Cela coïncide avec le moment où il doit s’occuper de sa mère bipolaire, qui sort d’une tentative de suicide. De cet ensemble disparate d’éléments comiques et tragiques, Josh Thomas, le créateur de «Please like me», tire une fiction fine et équilibrée, très bien écrite et interprétée, qui explore les années charnières de la vingtaine.
À voir sur Netflix si… vous avez envie de douceur et que les poules transgenres (oui oui) ne vous font pas peur.
The Leftovers
Même lorsqu’il parle de super-héros (avec la formidable «Watchmen»), Damon Lindelof invente de formidables histoires d’amour. C’est aussi le cas dans «The Leftovers», monument du petit écran sorti en 2014. Dans cette série, le co-créateur de «Lost» imagine que 2% de la population disparaît du jour au lendemain. Loin d’être une enquête sur le pourquoi du comment, «The Leftovers» dissèque poétiquement ce qui reste de la vie après la perte et avec le manque. Troublant et infiniment émouvant.
À voir sur Prime Video si… vous aussi, vous pensez que les séries tristes, si elles sont belles, ne sont pas déprimantes.
The Affair
Noah Solloway, professeur et écrivain, passe ses vacances d’été dans la riche propriété de son beau-père. Il y rencontre Alison, serveuse meurtrie par la mort récente de son enfant. Tous deux entament une relation adultère qui va bouleverser toute leur vie. Derrière l’apparente simplicité de cette intrigue, boostée en première saison par une enquête policière, «The Affair» est une analyse chirurgicale des mécanismes de l’amour. En divisant chaque épisode en deux parties, qui racontent exactement les mêmes événements du point de vue de deux personnages différents, la série invite à reconsidérer son regard et accepter qu’un récit n’est jamais neutre. Si les dernières saisons ont perdu en inventivité, les deux premières sont exceptionnelles.
À voir sur Paramount+ si… vous avez besoin de relativiser vos problèmes de couple ou de vous rappeler qu’il n’existe aucune vérité intangible en amour.
Grace et Frankie
Grace et Frankie, septuagénaires, ne s’aiment pas beaucoup. Malheureusement pour elles, leurs maris, eux, s’aiment vraiment. Lorsqu’ils leur annoncent qu’ils sont homosexuels et vont se marier, les deux femmes n’ont d’autre choix que de se serrer les coudes pour surmonter cette épreuve. Jane Fonda, Lily Tomlin, Martin Sheen et Sam Waterson donnent du corps à cette comédie pas exempte de défauts mais souvent hilarante et toujours sympathique, qui a le mérite de mettre le troisième âge sur le devant de la scène.
À voir sur Netflix si… vous voulez vous rappeler que l’amitié sera toujours là quand l’amour déserte.