Un commentaire de Léo Michoud
A Payerne, des barbouillages racistes... pour l'exemple à ne pas suivre

Les tags racistes et sexistes des Brandons de Payerne ont animé la semaine. Est-ce dans l'ADN satirique du carnaval? Non, l'esprit carnavalesque, ce n'est pas cibler les commerces étrangers avec des «vannes» pourries et puantes, estime notre journaliste Léo Michoud.
Publié: 15.03.2025 à 13:22 heures
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Dernière mise à jour: 17.03.2025 à 16:15 heures
Les tags des Brandons de Payerne ont défrayé la chronique la semaine dernière, à la suite du carnaval vaudois.
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Léo MichoudJournaliste Blick

Je sais, c’est carnaval. C’est satirique, c’est de l’humour, c’est la tradition, c’est tout ce que vous voulez. Mais c'est surtout raciste, sexiste, antisémite et très très con.

Derrière les tags racistes et sexistes des Brandons de Payerne, plusieurs cerveaux ont mis leurs neurones en commun – dont le nouveau municipal PLR* de la ville. Pendant six mois, à raison d'une réunion par semaine, les Barbouilleurs ont tricoté les 250 «blagues» qu'ils allaient inscrire sur les commerces broyards.

Vous avez bien lu. Ça fait 24 soirées passées ensemble à laisser germer la satire. Tout ça pour en arriver à des saillies «humoristiques» puantes: à des Thaïlandais qui cuisinent du chien, à des Libanais assimilés au terrorisme du Hezbollah et à une contrepèterie «escalope/salade-escalade/salope».

Ce n'est pas suffisant? Sur le Manor – dirigé jusqu’à sa fermeture récente par Bertrand Bladt, issu d’une famille juive – on lit: «Liquidation totale, solde de 39 à 45%». Et à deux pas de là, sur le Marionnaud concurrent: «On a gazé la blatte, on a le monopole». C'est inadmissible.

Payerne, une histoire d’antisémitisme

Niveau antisémitisme, Payerne n'en est pas à son coup d’essai. En 1942, le marchand juif Arthur Bloch est assassiné par des sympathisants nazis de la commune. Une histoire que Payerne n’apprécie pas remuer. En 2009, l'année de sa mort, Jacques Chessex publie son roman «Un Juif pour l’exemple», qui relate ce drame et nomme les coupables.

La même année, lors du cortège des Brandons, un char se pavane en ville et enterre l'écrivain, choquant déjà les associations antiracistes. Sa déco? Des boilles à lait sur lesquelles il est écrit «Ci-gît Chessex» – avec le double S à la façon des Waffen-SS. Dans ces mêmes récipients, les nazis locaux avaient caché les restes dépecés du juif payernois mort pour l'exemple.

Chessex décrivait l'impunité, le malaise, le silence et la pression qui régnaient à Payerne il y a 83 ans. Tout est encore là, intact. Côté Municipalité, comité des Brandons et municipal tagueur, on promet mollement une remise en question. Ancienne syndique de Payerne et chargée des Institutions religieuses, la présidente du Conseil d'Etat vaudois Christelle Luisier Brodard (PLR) nous a répondu d'un timide statement où elle «déplore les propos peints sur certaines vitrines».

Renverser les puissants et dire les termes

Et c'est tout. Personne pour dire les termes: le racisme et le sexisme polluent nos rues. Mais, ce n'est pas ça, carnaval. Historiquement, c'est l’occasion pour le petit peuple de renverser symboliquement les puissants. Le temps d’un jour, d’un week-end ou d’une semaine, on se déguise, on danse, on prend un moment de répit festif. Et on adresse notre satire carnavalesque aux puissants.

Donc c'est évident: ce n'est pas renverser la table que de s'en prendre aux victimes de l'holocauste, aux restaurateurs libanais, aux épiciers asiatiques ou aux femmes que l'on traite de salopes. Le racisme ne se combat pas à la Vaudoise, en s'excusant d'avoir heurté «des sensibilités».

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Le racisme se combat en poussant des gueulées, comme l'on fait de courageux Payernois cette semaine. Quitte à se prendre un retour de bâton violent. Car en 2025, certains se laissent pousser des ailes. Aveuglés par des figures de pouvoir, par bêtise ou par haine de l'autre, ils oublient ce que l’histoire nous enseigne. Qu'ils aillent se faire voir ailleurs qu'à carnaval.

*J'en profite pour dire à Lionel Voinçon, barbouilleur et municipal PLR qui aura des élections à assurer prochainement, que cela ne se fait pas, de demander ses sources à un journaliste.

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