En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En U.R.S.S., tout est interdit, même ce qui est permis. Elle n’est pas de moi, elle est de Churchill. Mais c’est à penser qu’on deviendrait de plus en plus soviétique, jour après jour.
Tapez «interdire» dans le moteur de recherche du Parlement fédéral, vous serez assommé de 1855 objets (état au 23 juin 2022). Autant d’idées brillantes. Interdire la pub, le foie gras, les appels surtaxés, la prostitution, la viande à l’école, les feux d’artifice, les chauffages électriques, l’écriture inclusive (ça, j’ai soutenu).
Mettre son nez dans nos habitudes. Nous dire ce qu’il faut faire et surtout ce qu’il ne faut pas faire. Et quand il s’agit de se mêler de la vie des autres, le monde politique a toujours brillé. Avec toujours une bonne raison. Vous me voyez venir…
La morale d'une clique woke
Ainsi, après les articles de Blick sur les échanges WhatsApp entre parlementaires, on trouvera bien un parangon de vertu pour proposer d’interdire les échanges relous entre copains. Introduire l’obligation de se comporter en grand littéraire à tout instant. La médiocrité des vannes nulles remplacée par l’ennui de l’auto-contrôle.
La morale ecclésiastique a fait place à celle d’une clique woke, s’exprimant pour de prétendues victimes qui n’ont rien demandé. Au nom d’une fragilité individuelle projetée sur des parlementaires fédéraux qui en voient bien d’autres que les petites vacheries et surnoms bêtes et méchants dont on s’affuble. Les kilos (octets) de courriels d’insulte et de menaces ne sont pas comparables avec les vannes à Lüscher, soyez-en certain.
Ces messages n'ont rien à faire hors de leur contexte
Sortis de leurs contextes, les messages publiés sont inacceptables. Mais qu’ont-ils à faire «hors de leur contexte»? Rien, tout simplement. Ce qui se dit au confessionnal, entre amis ou dans la chambre à coucher n’existe pas en dehors de son contexte. Un peu comme le problème d’une espèce envahissante exotique, ce n’est pas la plante, c’est son introduction hors sol.
J’ignore qui est le type qui l’a balancé. Je l’imagine se frotter les mains à l’idée de punir le Genevois de service et sa gueule élastique. C’est peu glorieux et cela en dit long sur une société qui distingue de plus en plus mal le légal du moral, le public du privé. En attendant, tâchons de faire en sorte que tout ce qui est encore permis ne soit pas interdit. Et l’esprit taquin, même de mauvais goût, ne l’est pas encore.