Le conseiller national PLR Christian Lüscher n'a pas de filtre, du moins lorsqu'il pianote sur son smartphone. Dans le groupe WhatsApp des élus latins au Parlement, le Genevois fait des «blagues» (selon ses dires) envers les femmes ou encore ses collègues issus de l'immigration. Il demande par exemple à Isabelle Moret, fraîchement élue au Conseil d'État vaudois, «d'arrêter d'embêter les hommes qui travaillent» et de «retourner faire la poussière».
L'ancien élu Fathi Derder n'est pas logé à meilleure enseigne: Christian Lüscher l'appelle «le bougne» — pour «le bougnoule», une référence même pas masquée aux origines algériennes du journaliste radio, revenu entre-temps à la RTS. Ce n'est pas tout, puisque l'ex-conseiller national est aussi accusé d'être un voleur. «C'est bizarre, j'avais un stylo en argent et maintenant il a disparu», écrit (sur le ton de la plaisanterie) Christian Lüscher.
Le PLR passe l'affaire sous silence
Venant d'un ténor de la Berne fédérale, c'est du lourd. Mais la direction du parti reste silencieuse. Le président du PLR, Thierry Burkart, ne veut pas s'exprimer. Pas même pour dire que ces choses se règlent à l'interne. Impossible donc de savoir si le parti va demander des comptes à Christian Lüscher ou si les propos du Genevois sont tacitement acceptés.
La présidente des Femmes PLR, Susanne Stauffacher Vincenz, interrogée par Blick, nous demande également de faire preuve de compréhension envers son «silenzio stampa». Vendredi matin, dans la Salle des pas perdus, les membres du PLR s'en tiennent à un silence poli.
«Plein soutien» de Philippe Nantermod
Et le vice-président Philippe Nantermod? Sur WhatsApp, Christian Lüscher avait conseillé au Valaisan, jeune père, de «faire garder les enfants par les femelles, comme chez tous les mammifères».
Le Morginois prend la défense de son confrère avocat et collègue de parti. «Triste monde que celui où des échanges privés et potaches entre amis finissent dans le Blick», écrit-il sur Twitter. Avec au passage un tacle à son ou sa collègue, «pauvre hère», ayant fait fuiter l'information.
Dans les autres groupes politiques, on ne veut pas non plus s'exprimer publiquement. «C'est une affaire qui concerne uniquement le PLR», nous répond-on en chœur. Ce qui n'empêche pas, à l'abri des micros et des stylos, de déplorer la teneur des propos «plaisantins» de son auteur.
Plusieurs membres du Parlement ne sont que peu surpris de la teneur des messages dévoilés. En quinze ans sous la Coupole fédérale, Christian Lüscher s'est forgé une réputation de politicien qui flirte souvent avec les limites. Il les dépasse parfois avec son humour corrosif, que seule une parlementaire semble découvrir: elle tombe des nues en découvrant la teneur des propos du Genevois.
«Chez nous, cela ne passerait pas»
Beaucoup de nos interlocuteurs relèvent qu'il y avait une intention de légèreté dans les propos de Christian Lüscher. Un passage est plus problématique: le surnom de Fathi Derder. «Nous ne tiendrions jamais de tels propos dans notre parti, répond un conseiller national. Si nous le faisions, nous serions à 1000% mis sur la touche par la direction de notre groupe parlementaire.» Les propos sexistes vont aussi beaucoup trop loin, de l'avis général.
Le principal concerné ne comprend pas que ces révélations — «pour l'audience de Blick», selon lui — fassent autant de vagues. Il s'agit de surnoms de longue date et connus de tous, assure le Genevois. Christian Lüscher en a aussi un, «le vieillard», et quiconque se serait senti blessé par le contenu de ce groupe WhatsApp «entre copains» aurait pu se manifester et quitter le groupe, assurait-il jeudi.
Ce vendredi matin, le conseiller national PLR n'avait «rien à ajouter».