Première femme à occuper le poste de rectrice de l’Université de Genève depuis sa création, soit précisément 465 ans, Audrey Leuba s’attendait probablement à présider aux destinées d’un lieu de connaissance progressiste, ouvert aux femmes et sensible aux réalités du monde. Raté. Il n’aura fallu que 44 jours pour qu’elle soit ramenée à son mari.
Moins de deux mois après son entrée en fonction, la professeure de droit civil que l’Assemblée de l’Université et le Conseil d’État ont eu tellement de peine à dénicher doit se dire que son bail de quatre ans pourrait ressembler à une éternité.
Dans leur élan louable de dénonciation des atrocités commises par le gouvernement israélien à Gaza (et dans celui visant à tordre le cou à la collaboration académique avec Israël qui l’est un peu moins), les étudiants de l’alma mater, en plein bourgeonnement politique, semblent prêts à faire feu de tout bois. Quitte à piétiner leurs propres idéaux.
Une info qui devient accusation
Dernier exemple en date, relayé par «Le Courrier», publication genevoise de la gauche militante: Audrey Leuba serait inféodée à son époux. Comme au siècle dernier. Ou comme dans la vision que défend le Hamas aujourd'hui.
On résume une info qui s’est rapidement muée en accusation. La raison pour laquelle la nouvelle rectrice n’accéderait pas aux revendications estudiantines est liée au fait que son mari siège au Conseil d’administration de la filière lucernoise d’une entreprise américaine qui, entre autres nombreuses activités, fournit des réacteurs pour les F-35 achetés par Israël.
Les étudiants de l’UNIGE n’ont pas attendu d’occuper les locaux d’Uni-Mail pour faire une fixette sur leur nouvelle rectrice. Cette dernière venait à peine de communiquer ses ambitions que la CUAE, le syndicat étudiant et association faîtière de l’Université de Genève, se disait «terrifié» (sic) par son programme.
L'objet de la terreur générée par Madame Leuba? Accrochez vos ceintures. Dans un post confit de respect qui commence par «Leuba, on t’a à l’œil», les jeunes syndicalistes dénoncent (étonnamment) sa politique du «Vivre ensemble», regrettant que «Leuba» (qui n’aura jamais de prénom) veuille redécorer les locaux, au lieu de parler du «stress créé par les examens». Pauvres petits.
Également dans le collimateur des étudiants, la volonté «d’excellence» de Madame Leuba, trop orientée vers l’économie. Et ça n’est pas tout. Son dernier crime serait de viser «l’employabilité» des étudiants, «comme si l’université ne devait servir qu’à fournir de la main-d’œuvre aux employeurs».
On comprend ces jeunes gens. Il serait en effet tellement dommage de leur permettre d’étudier dans des locaux inspirants. Il serait dramatique de viser l’excellence, fatal que le terrible stress auquel ils sont soumis chaque fin d’année puisse leur permettre de décrocher un emploi dans le monde des adultes.
Bien calfeutrés dans leur 'pararéalité', les étudiants de la CUAE s’émeuvent enfin de ne rien avoir vu changer à leurs terribles conditions d’étude, alors que Leuba (toujours sans prénom) est en poste depuis plus d’un mois. Ceci devrait les rassurer sur un point: la rectrice de la vénérable institution genevoise n’a manifestement pas un réacteur d’avion de chasse — de l’armée israélienne — sous son fuselage.