Chers hommes,
Je vous préviens, ça va piquer. Mais aujourd’hui, c’est la grève féministe, pas la journée de «faut-qu’on-reste-gentilles-sinon-on-va-désservir-notre-cause». Je me suis dis que ça devait vous faire tout bizarre de pas être au centre de l’attention pour une fois. Alors je vous dédie gentiment cette chronique.
Si on est dans les rues aujourd’hui, c’est un peu à cause de vous. J’aimerais bien vous dire que les inégalités et les violences que vivent les femmes tous les jours, ce n'est pas vraiment votre faute mais celle de l’entier du système patriarcal dans lequel vous n’êtes qu’un pion. Sauf que ce serait vous mentir.
Vous aussi, vous êtes un complice. Vous aussi, vous croyez que les femmes sont faites pour être mère, pas maires, qu’elles sont naturellement douces (et devraient le rester), qu’on peut toujours obtenir du sexe en insistant un peu. Vous aussi vous écrivez sur les réseaux sociaux qu’on est moches, qu’on devrait s’y prendre autrement, que Mathilde Mottet on sait même pas si c’est un homme ou un femme. Vous aussi vous pensez que le féminisme c’est important, mais que la lutte pour les droits des travailleurs, c’est quand même plus important.
Ou alors peut-être que vous êtes «un bon», vous. Dans votre entreprise, les femmes sont payées autant que les hommes, vous ne battez pas votre femme, vous faites l’aspirateur le samedi et vous vous retenez de siffler les jeunes filles qui passent dans votre rue.
Vos amis aussi, ce sont des bons. Deux femmes sur trois ont déjà vécu des violences sexistes et sexuelles en Suisse, mais quand on cherche les agresseurs, y’a plus personne. C’est jamais de votre faute, pourtant une femme meurt sous les coups d’un homme toutes les deux semaines en Suisse. Les femmes gagnent 43% de revenu en moins que les hommes pendant leur vie active, mais vous y êtes pour rien. D’ailleurs, vous en avez discuté avec votre boys club, et eux aussi trouvent ça scandaleux.
Je vous énerve? Très bien. Maintenant que vous écoutez, laissez-moi vous expliquer ce que vous allez faire. On n’a pas besoin que vous nous sauviez. On a besoin que vous arrêtiez de nous tuer, nous manquer de respect, nous agresser, nous sous-payer. On a besoin que vous arrêtiez de protéger vos potes macho et violents. Vous voulez pouvoir pleurer en paix, mettre du vernis à ongles et des colliers à perles ? Vous n'en voulez plus de cette domination des hommes sur les femmes? Alors c’est le moment de la détruire activement à nos côtés.
Laissez-nous la place. Donnez-nous la parole. Écoutez-nous. Arrêtez de nous couper la parole et de nous expliquer le monde. Réfléchissez à votre façon de considérer les femmes. Faites marcher vos gros cerveaux et formez-vous sur ce système patriarcal pernicieux comme nous avons dû aussi le faire avant de réaliser que notre situation actuelle n’était pas notre destinée.
Prenez notre charge mentale. Pensez à débarrasser, occupez-vous des cadeaux d’anniversaire, faites les repas. Prenez soin des gens autour de vous. Parlez des comportements violents que vous avez parfois, de consentement. Arrêtez de rire aux blagues sexistes. Démantelez les réseaux masculinistes. Mobilisez-vous pour la fin des inégalités salariales, pour la reconnaissance du travail du care dans nos retraites, pour un accueil extrafamilial abordable pour tous les enfants, pour une réduction du temps de travail, pour le financement de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Faites mieux. Et rappelez-vous: ne nous voulons pas de l’égalité avec vous au sein d’un système économique qui exploite les 99% de la population pour les profits de quelques un·es. Nous voulons briser toutes nos chaînes, qu’elles soient patriarcales, capitalistes, racistes, validistes ou queerphobes. Parce que nous lutterons jusqu’à que nous soyons tou·tes libres, sans exception.