Ma première manifestation, je l’ai faite sur les épaules de mon papa, en février 2003. J’avais 7 ans, et Bush menaçait d’envahir l’Irak. La mobilisation avait aussi pris dans les universités et les collèges de Romandie. Plus de 20 ans plus tard, c’est au sein de l’Université de Lausanne que les étudiant·es se mobilisent, cette fois pour un cessez-le-feu en Palestine.
Les bancs des universités se transforment en barricades
Les bancs des universités du monde entier se transforment aujourd’hui en barricades: des Etats-Unis à l’Espagne, en passant par le Mexique, des dizaines de milliers de jeunes admirables exigent de leurs établissements respectifs qu’ils arrêtent de collaborer avec les institutions israéliennes tant qu’un cessez-le-feu permanent n’aura pas été instauré. Les étudiant·es de Lausanne demandent également la mise en place d’une politique d’accueil des étudiant·es et chercheur·euses palestinien·nes, ainsi qu’une prise de position ferme face à la destruction de toutes les universités gazaouies. Et à terme, la fin de l’occupation de la Palestine.
Lundi soir, le rectorat de l’UNIL a posé un lapin au millier d’étudiant·es venu·es assister aux négociations. Refuser un dialogue auquel on avait précédemment consenti, c’est reconnaître ne pas avoir d’arguments valables ou considérer ses interlocutrice·eurs indignes de la discussion. Dans les deux cas, le rectorat insulte les étudiant·es et la cause si juste qu’elles·ils défendent.
Une force incroyable de mobilisation
Pourtant, les universités ont un rôle central à jouer dans la construction d’un monde sans génocide, sans crimes de guerre et sans occupation. D’abord parce que les universités sont une force incroyable de mobilisation.
Vous ne me croyez pas? Dépêchez-vous de prendre le M1 depuis le Flon, arrêt Mouline. Vous verrez des banderoles, des drapeaux palestiniens, des tables couvertes de gâteaux et de fruits, et au milieu du hall de Géopolis, des tentes et des matelas. Vous entendrez Bella Ciao au cornet. Mais surtout, vous verrez des centaines de jeunes, certain·es avec un keffieh sur les épaules, travaillant dans un coin ou pliant des flyers. Tou·tes ont la justice au corps et la volonté de celles qui savent qu’un monde meilleur est possible.
Une guerre du savoir
Les universités sont aussi là où le savoir critique peut être produit. Sur les bancs de l’université, on tente de comprendre les systèmes d’oppression dans lesquels nous vivons. Parce que c’est plus facile de réfléchir quand on n’est pas enfermé·e dans une semaine à 42 heures qui nous épuise.
Mais l’État israélien a compris il y a bien longtemps comment gérer une guerre du savoir. Dans les livres d’école, les palestinien·nes sont déshumanisé·es et on raconte qu’elles et ils ont quitté leurs terres en 1948 de leur propre gré. Dans les territoires occupés, l’État israélien construit des murs, des tunnels et des routes ségréguées pour cacher la population palestinienne. A Gaza, il interdit l’accès aux journalistes internationaux pour réduire la couverture de ses crimes. Et dans les universités israéliennes, il organise la recherche et la technologie qui maintiennent l’occupation illégale des territoires palestiniens.
Il n’y a pourtant pas besoin d’être universitaire pour se former et s’informer sur la situation en Israël et Palestine. Pour oser interroger ses biais antisémites et anti-arabes (spoiler: on en a tou·tes, ou presque, parce qu’on est tou·tes des enfants d’une société profondément raciste). Il n’y a pas besoin de tout comprendre pour reconnaître l’horreur de l’offensive de l’armée d’occupation israélienne sur Gaza, tout comme nous avons reconnu l’horreur des attaques du 7 octobre.
Un appel à l'empathie et à la solidarité
Cette chronique est donc un appel à l’empathie et la solidarité avec les étudiant·es romand·es, avec les palestinien·nes occupé·es et avec toutes les personnes vivant dans la région qui ont le droit, enfin, à une vie libre, autodéterminée et dans l’égalité. Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul parti à prendre: celui des droits humains. Sinon, encore combien de temps pourrons-nous dire que nous ne savions pas?