C’est une immersion avec le monde politique que je vous propose aujourd’hui. Il fallait bien quitter le milieu culturel qui n’a pas très bien pris ma chronique d’hier. Que voulez-vous? La culture est un milieu convivial, inclusif et ouvert à la critique… Jusqu’à ce que quelqu’un le critique.
Je retrouve donc Nuria Gorrite devant le concert d’Orphia, artiste genevois que je ne connaissais pas (grosses basses, paroles fragiles: potentiellement tout à fait ma came si on enlève l’ambiance «prenons des pilules à Berlin»). Je peine à retrouver la Conseillère d’État vaudoise, au milieu de tous ces festivaliers au look so 2024: bobs d’explorateurs surplombant des lunettes de soleil de vélo. Mais pour une fois que les cyclistes se droguent ailleurs qu’en compétition, on ne va pas se plaindre.
Bref, allez trouver quelqu’un de moins d’1m80 en festival. Qui plus est quelqu’un dont le seul signe distinctif est un poste au gouvernement. Mais bon, je réussis finalement à rejoindre Nuria Gorrite. Une fois le concert terminé, direction un apéro officiel organisé par une fondation active dans… la culture. Soit le département de Nuria Gorrite.
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«Coucou, c’est re-moi»
Yes. Trop content de retrouver des inconnus qui ont dû se dire, en lisant ma chronique d’hier: «mais c’est qui ce connard?» Bah apparemment c’est moi et je viens pour gratter des verres de pinot noir. Sortez vos anti-moustiques, il y a un suceur de liquide rouge gratuit qui arrive. Cela étant, je ne suis pas là pour me faire des amis. J’ai un mariage à fêter cet été, et je n’ai pas les moyens d’avoir des nouveaux potes.
Malgré tout, figurez-vous que ça s’est très bien passé. Une fois pris le pli de prononcer fort «programmateurices» (pour montrer qu’on fait juste), on peut facilement discuter avec les gens de la fondation romande pour la chanson et les musiques actuelles. Pour vous dire: je suis arrivé avec des aprioris et je suis reparti avec des goodies. Est-ce que c’est parce que j’avais mon totem d’immunité (aka la politicienne qui distribue les subventions)? On ne le saura jamais.
Et la politique dans tout cela, vous me direz? Et bien, sachez que passer une soirée avec une élue, c’est comme passer la soirée avec quelqu’un de normal, sauf que vous parlez politique. Alors bien sûr, Nuria Gorrite est dans le contrôle, tout le temps en fonction.
Comme beaucoup de ses collègues, elle parle d’elle-même pour démontrer à quel point ses adversaires parlent plus d’eux. Après quelques verres, on obtient quand même des noms de gens de droite sympas et du bitchage sur des camarades de gauche. Aussi, je croise un élu Vert-e-s qui me vante les zones accessibles avec un bracelet, pour éviter «la pleb-e». Mais comme le disait peut-être l’Abbé Pierre entre deux partouzes: «Que serions-nous sans nos contradictions?»
La politique s’invite aux toilettes
Qui dit ministre en charge de la culture, dit quand même aller voir des concerts. Direction Zaho de Sagazan. Sur le chemin, passage aux toilettes pour vivre un moment éminemment politique: dans le container où il n’y a que des pissoirs, une femme urine. (Dos au mur et penchée en avant pour celles et ceux qui se posent la question). Jusque-là, aucun problème.
Après tout, si ça ne coule pas partout, c’est cool. Non, le problème c’est que la femme en question tente de lancer une discussion pour «normaliser» son geste. Enfin… un monologue: «NON MAIS C’EST OK, ON PISSE TOUS ENSEMBLE, EN DÉTENTE QUOI!» Ce qui soulève deux problèmes:
1. Il est difficile de prendre au sérieux quelqu’une qui pisse en hurlant.
2. La Simone Ammann du pipi (rapport à sa position) brise une règle essentielle des pissoirs masculins: quand c’est «normal», tout le monde regarde gêné devant soi, sans rien dire.
Cet épisode nous permet toutefois de constater l’avance progressiste que le festival nyonnais possède sur ses concurrents: pendant que Sion sous les étoiles ne trouve pas une femme à mettre dans sa programmation, Paléo en met dans ses urinoirs.
Zaho de Sagazan et la confiance en soi
Et Paléo met Zaho de Sagazan sur scène. Il aurait fallu inverser et la mettre la veille de Sean Paul. Tout le monde se serait coupé les veines à Vega et il y aurait eu plus de place pour SEANAPOOOL. Cela dit, au fil des intermèdes, on découvre que la chanteuse française est beaucoup plus drôle que son œuvre (tout l’inverse de moi).
Une prestation émouvante (autour de moi, que des quinquas les larmes aux yeux), mais au timing mal géré. À la mi-concert, Zaho de Sagazan dégaine son hit. S’en suit une chanson de 20 minutes, invitant le public à danser like nobody’s watching: «LÂCHE-TOI! LÂÂÂââââÂÂÂCHE-TOI!» On dirait la femme des pissoirs. Je lâche tout court, avant que ça vire en séminaire sur la confiance en soi.
Il est l’heure d’aller écouter Sam Smithfffrrrr (postillon) et de vous laisser tranquilles. Parce que vous savez, contrairement aux politiciens et aux autres humoristes, moi je ne parle pas tant que ça de moi.