Nicolas Capt
La belle, le bikini et le règlement

Nicolas Capt, avocat en droit des médias à l’humour piquant, décortique deux fois par mois un post juridique pour nous. Dans sa sixième chronique, il revient sur l'affaire de la tenue des beach-handballeuses norvégiennes.
Publié: 09.08.2021 à 18:45 heures
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Dernière mise à jour: 23.08.2021 à 17:07 heures
Photo: Blick_Suisse romande
Nicolas Capt
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Qui dit période de vacances dit usuellement, et spécialement pour les aoûtiens, chroniques écrites en avance ou allégées. Celle-ci, rédigée courageusement le 5 août 2021, dans une Genève déserte et nuageuse, ne sent pas la naphtaline mais se révélera en revanche plus courte qu’à l’accoutumée. Pardon.

La thématique envisagée est de saison. Ce n’est certes pas un marronnier (petit nom affectueux donné aux sujets journalistiques dont la récurrence et l’angle de vue attendu prêtent à sourire, comme les reportages sur les fournitures scolaires début septembre ou sur la bûche de Noël le 24 décembre) mais c’est tout de même de saison, comme les melons de Cavaillon, les coups de soleil et Emmanuel Macron en t-shirt noir à logo mystérieux (figurant, selon les analystes autorisés des réseaux sociaux, une chouette, une confrérie maçonnique ou encore le signe évident que l’on nous cache quelque chose).

Un short plutôt qu’un bas de bikini

En date du 20 juillet 2021, à l’occasion d’un match disputé contre l’Espagne, une amende de quelque 1500 euros, soit 150 euros par tête, a été infligée à l’équipe féminine de Norvège de beach-handball par la commission de discipline de la fédération européenne de handball (EHF, pour les intimes).

La raison de la sanction? Un comportement antisportif, des injures truffées de ø, de la tricherie patentée? Rien de tout cela. Les beach-handballeuses avaient osé – quelle impudence! – jouer en short plutôt qu’en bas de bikini. C’est, braves gens, que l’on ne badine pas (avec le règlement), lequel est d’une précision à faire rougir un voyeur: «les joueuses doivent porter des bas de bikini […] ajustés et échancrés». Il est même précisé, puisque le diable comme le Peeping Tom se logent dans le détail, que «les côtés doivent être larges d’au maximum 10 cm». Ah ben oui, parce que sinon, les spectateurs, comment se rincent-ils l’œil?

Rassurez-vous, il existe aussi une règle, vue comme similaire par les doctes savants, pour les hommes, règle intransigeante qui prévoit qu’ils peuvent porter des shorts 10 cm au-dessus du genou, «du moment qu’ils ne sont pas trop larges». Mais pas de trace d’une quelconque obligation de porter un maillot échancré mettant en valeur les parties (cette dernière expression est de feu ma grand-mère).

Une vision machiste d’une autre époque

L’indignation, évidemment et heureusement, fut forte, et venue de toute part. Journaux, autres fédérations sportives, personnel politique; tous dénonçaient une vision machiste d’une autre époque.

Outre qu’elle est effroyablement sexiste, la règle figurant dans le règlement avait aussi quelque chose, la poésie en moins mais la précision des centimètres en plus (10 et pas un de plus), de plonk & replonkesque, du nom de ce merveilleux collectif d’artistes Chaux-de-Fonniers qui ont fait du détournement absurde leur marque de fabrique.

Pour compléter le tableau, rappelons que les beach-volleyeuses n’ont quant à elle plus d’obligation de porter le bikini, et ce depuis 2012.

Une affaire de récidive

L’histoire serait moins rocambolesque si l’on ne rappelait pas, qu’en amont du Championnat d’Europe, compétition à laquelle participaient nos séditieuses joueuses norvégiennes, la Norvège avait contacté la fédération européenne pour solliciter la permission de jouer en short mais s’était apparemment vu opposer une fin de non-recevoir: l’entorse au règlement était passible d’amende, aurait alors rappelé sereinement la fédération, n’écoutant que son courage réformateur.

À tout le moins croyait-on à ce scénario avant que l’on apprenne que c’est en fait la fédération internationale (IHF) qui avait retoqué la motion présentée (et acceptée) par la fédération européenne tendant à l’abrogation de cette obligation, au motif que ce n’était pas l’entité européenne qui décidait au niveau international, mais bien elle…

Bref, ne mélangeons surtout pas les shorts et les bikinis et souvenons-nous, dans les douze travaux d’Asterix, de la curieuse quête du formulaire A38, délivré dans la maison qui rend fou.

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