La chronique de Philippe Miauton
Rien ne va plus, faites vos jeux!

Le Directeur de la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie Philippe Miauton, membre de notre équipe de chroniqueurs, revient cette semaine sur la situation financière «mitigée» en Suisse et la pression qu'elle engendre sur le pouvoir d'achat.
Publié: 17.10.2024 à 10:28 heures
La Suisse n'a pas un problème de recettes, mais un problème de dépenses. Philippe Miauton revient sur la situation budgétaire du pays.
Philippe Miauton, directeur de la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie

«Quand je m'examine, je m'inquiète. Quand je me compare, je me rassure.» C’est ce que doivent se dire certains Etats qui publient leur budget ces jours. Car si rien ne va plus, ils peuvent toujours observer et se comparer à la France, pour se rassurer. Elle qui doit non seulement traverser un champ de mines politique, mais aussi un redressement budgétaire, sans quoi ce sera définitivement la banqueroute. Imaginez, plus de 3200 milliards d'euros de dettes… Le «quoi qu'il en coûte» produit ses effets.

La Confédération, elle, planche sur une dette de 145 milliards de francs en 2025. Frein à l’endettement typiquement suisse oblige, le Conseil fédéral propose des plans d’économie. Les Chambres vont désormais s’écharper pour savoir où, pour qui et à quel niveau l’administration devra serrer sa ceinture et à quel cran passer la dent de la boucle.

Le péril des chiffres rouges

Pendant ce temps, la danse des publications budgétaires cantonales s’égrène. Sans surprise, les effets pérennes de l’inflation de ces dernières années avec ses indexations, la crise ukrainienne et le non-versement momentané de la BNS, pèsent sur les budgets. La moitié des cantons prévoient désormais des chiffres rouges pour 2025. Seuls Vaud et le canton du Jura, en Suisse romande, s’attendent à un résultat négatif. Ce qui fait dire à Ernst Stocker, président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF), que la situation financière est «mitigée».

«
Plutôt que de toujours plus dépenser, cherchons plutôt à moins ponctionner
»

Mitigée, mais pas catastrophique. Car de la Berne fédérale jusque dans les cantons, les argentiers s’en rendent bien compte, pour paraphraser Karin Keller-Sutter: «Nous n’avons pas un problème de recettes, mais un problème de dépenses.» Inutile d’être grand clerc pour comprendre ce que cela signifie. Des économies sont possibles et tiennent à la volonté des gouvernements cantonaux de fournir des efforts. La conseillère d’Etat vaudoise des Finances Valérie Dittli n’a d’ailleurs pas dit le contraire: «Les revenus vont bien, même très bien, ce sont les charges qu’il faut maîtriser.»

Toutefois, à la différence d’autres cantons, pas de mesures d’économies à l’horizon vaudois. Bâle-Campagne veut économiser 393 millions de francs d’ici à 2028. Dans le canton de Soleure, 113 mesures devraient permettre d’économiser 60 millions de francs par an. Le budget du Jura comprend 37 millions de francs des mesures d’économie prévues par le Plan équilibre 2022-2026. Peut-être que les cantons seraient bien inspirés de consulter l’étude publiée il y a peu par PwC qui décortique les économies possibles dans les cantons.

Les contribuables paient cash

Car, pendant ce temps, le pouvoir d’achat s’étiole et les contribuables continuent de cracher au bassinet. Rien que dans le canton de Vaud, 442 millions de rentrées d’impôts supplémentaires sont prévues dans les caisses. En raison des augmentations de charges et des non-économies, le déficit programmé se monte malheureusement à 303 millions. Vaud a présenté un plan pouvoir d’achat, tentant de «répondre» maladroitement à notre initiative populaire qui demande une baisse fiscale de 12%. Concrètement, le gouvernement propose 0,5% de baisses sur le revenu (50 francs de ristourne pour 10'000 francs d’impôts cantonaux payés) et des mesures d’aides ciblées sur les transports publics, notamment.

Mais il faudra un jour se rendre à l’évidence: la solution pour le pouvoir d’achat passera de manière plus efficace en desserrant la pression fiscale plutôt qu’en cherchant continuellement de nouveaux subsides ou aides financières. Plutôt que de toujours plus dépenser, cherchons plutôt à moins ponctionner. Sans quoi, d’excès de charges en excès de charges, il faudra, devinez quoi: augmenter les impôts.

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