L’urgence. Peu de débats politiques se déroulent sans que la nécessité d’agir urgemment ne soit invoquée. Le système suisse a pour caractéristique d’être lent.
Processus décisionnel et conciliation, votes multiples, puis passer par la case «droits populaires» ralentissent clairement le rythme. L’exact inverse du 49.3 français. Aujourd’hui toutefois, certains dossiers sont enlisés, la faute surtout à une inaction coupable ou à un blocage stérile.
Une litanie en boucle
Dans le domaine de l’énergie, nous nous sommes réveillés avec une forte gueule de bois politique au moment de comprendre à quelle sauce nous pourrions être mangés. Contingentement, délestage, blackout: la litanie de l’hiver a tourné, forcément, en boucle. Oui, le château d’eau et nœud autoroutier du réseau électrique de l’Europe est totalement dépendant de ses voisins. Pire, nous sommes dépendants du nucléaire français et du charbon allemand.
Au moment où les débats politiques se polarisent ensuite, la notion de compromis devient malheureusement l’exception. Une valeur cardinale rangée au rayon des antiquités que l’on ressort parfois. Comme si trouver une solution qui ménage le chou et la chèvre demandait trop d’efforts ou travestissait le moi profond des élus.
Un compromis rare
Début juin, la population aura pourtant à se prononcer sur un sujet qui présente tous ces éléments. Sur les objectifs, il répond à l’urgence de reconstruire notre indépendance en façonnant notre sécurité d’approvisionnement, tout en mettant notre pays sur les rails d’une neutralité climatique. Quine!
Des zones prioritaires pour doter la Suisse d’éoliennes, de solaires ou d’hydroélectrique performants seront déterminées. Cette loi sur l’électricité, «Mantelerlass» pour les intimes, est surtout le fruit d’un compromis rare aux Chambres fédérales. Double quine! L’urgence a visiblement primé et chacun y a trouvé son compte dans l’intérêt de toute la population.
Va-t-on pouvoir enfin planter des éoliennes? Non, pas encore! Car un village d’irréductibles référendaires résiste à «l'envahisseur». La Fondation Weber ne veut pas perdre un peu de son fonds de commerce. En effet, désormais des règles claires indiqueraient les zones dans lesquelles le développement des énergies renouvelables devrait ou ne devrait pas primer les intérêts liés à l’environnement et à la nature. Pour la Fondation, la nature sera sacrifiée sur l’autel du climat et par peur d’un éventuel blackout.
Nature et contre-nature…
C’est, tristement, avec ce raisonnement jusqu’au-boutiste que nous sommes aujourd’hui privés de l’énergie précieuse qu’aurait représenté le simple rehaussement de quelques barrages ces dix dernières années. Il y a toujours un sapin remarquable, voire une mouche à protéger.
Dans ce dossier, il y a la nature et le contre-nature aussi. Comme l’alliance entre la Fondation Weber et… l’UDC qui, pour une fois, ne voit pas un avantage dans l’indépendance renforcée de la Suisse. Pas comme ça, visiblement. Tous les partis – fait remarquable –, ont réussi à voter une loi au Parlement qui permettra à la Suisse de sortir de l’ornière. Ce serait un comble si nous la court-circuitons!