La chronique de Nicolas Capt
L’écriture inclusive est-elle un péril mortel?

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il revient sur la proposition du Sénat français d'interdire l'écriture inclusive.
Publié: 02.11.2023 à 12:09 heures
Emmanuel Macron incitait lors de son discours à Villers-Cotterêts à ne pas céder aux «airs du temps».
Photo: keystone-sda.ch
Nicolas Capt

Je m’étais initialement mis en tête de vous parler de la recrudescence des arnaques dites au président. En deux mots, il s’agit d’une méthode criminelle tout à la fois assez simple et parfaitement sophistiquée permettant de soutirer des fonds à une entreprise. Elle est basée sur l’analyse et l’ingénierie sociale, dans un premier temps, et sur l’établissement d’un scenario et son jeu, ensuite.

Il y est question d’analyse d’organigrammes, d’absence du patron, d’affaires urgentes à conclure, d’ordre par téléphone et par e-mail. Bref, une forme de théâtre au service du crime. Et désormais, le phénomène est si répandu que même les avocats en sont parfois victimes, comme le dévoile une récente communication professionnelle.

Mais j’ai finalement changé d’idée en écoutant le discours d’Emanuel Macron à Villers-Cotterêts pour l’inauguration de la Cité internationale de la langue française. Lors de cette intervention, le Président français confirmait l’abhorration hexagonale pour l’écriture inclusive, rappelant que dans la langue française «le masculin fait le neutre» et qu’il n’y a pas besoin de «rajouter des points au milieu des mots ou des tirets, des choses pour la rendre visible». En clair, il s’agit de ne pas céder, selon le Président, «aux airs du temps».

Un texte rétrograde et réactionnaire

C’est d’ailleurs dans cette même idée que les Sénateurs français ont adopté, par 221 voix contre 82, une proposition de la droite de bannir les nouvelles règles de rédaction visant à réduire les inégalités entre les genres. Le texte prévoit le bannissement de l’écriture inclusive dans tous les cas où le législateur exige un document en français.

Du côté de la gauche, l'on fustige un texte d’un autre temps: «Nous combattrons ce texte inconstitutionnel, rétrograde et réactionnaire, qui s'inscrit dans un courant conservateur de longue date de lutte contre la visibilisation des femmes», indique le sénateur Yan Chantrel.

Mais au fond, de quoi parle-t-on, lorsque l’on fait référence à l’écriture inclusive, dont on observe qu’elle se diffuse depuis une douzaine d’années? Il y a tout d’abord ce que l’on appelle le doublement des marques de genre («lecteurice»). Il y a ensuite le fait de privilégier des formules neutres («tribunal des prud’humains» en lieu et place de «tribunal desprud’hommes», non, je blague, mais vous comprenez l’idée, hein!). Il y a, enfin, l’utilisation du point médiant pour inclure tous les genres dans un mot (« soignant·e·s »).

Un «péril mortel»

Évidemment, soyons honnêtes, certains termes dont a accouché l’écriture inclusive font mal aux esgourdes, comme par exemple «celleux», «auditeurice». C’est donc parfois imprononçable et visuellement pas très heureux, sans parler des difficultés supplémentaires que cela offre à ceux des élèves déjà affectés par des difficultés de lecture ou d’écriture.

L’Académie française a même qualifié l’écriture inclusive de «péril mortel». Amin Maalouf, nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie, s’est toutefois positionné de manière plus nuancée, regrettant, d’un côté, que l’écriture inclusive ne puisse être lue, tout en admettant, de l’autre, que doivent être notées «des difficultés notamment liées à la féminisation, à l'héritage latin qui fait que certains mots sont masculins quand d'autres sont féminins sans qu'il n'y ait de logique».

Pour l’académicien, il faut donc «réfléchir à ce problème et chercher des réponses». Et pour votre chroniqueur, «il faut chercher des questions aux réponses», dans une forme de Jeopardy! mental. Courage, quand tu nous tiens.

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